L’éclatement prévisible de la bulle financière planétaire s’est transformé en détonateur d’une crise plus profonde révélant d’autres crises dans la crise.
La crise actuelle est historique par son ampleur planétaire, mais aussi par sa complexité, le nombre et l’enchevêtrement de ses strates. Cet aspect multiforme, financier, économique, social, politique, idéologique et éthique rend difficile sa compréhension globale. Tout indique cependant qu’un nouveau modèle de société est possible et même indispensable.
Nous avons besoin d’États régulateurs, éthiques et démocratiques
Partie du défaut de solvabilité de ménages américains, la phase financière de la crise revient à l’économie réelle et la réalité sociale. Bien des incertitudes débutent.
Quel sera l’impact du défaut de crédit et de la hausse des taux sur l’investissement et l’innovation des entreprises ? Quels seront son coût social et son impact sur l’emploi ? Par quels effets de dominos, faillites, rachats, ventes, fusions, participations redessinent les contours du pouvoir économique mondial ? Vers quelle nouvelle donne économique mondiale nous dirigeons-nous ? Quelle sera l’ampleur de la redistribution des cartes et du jeu de chaises musicales en perspective ?
Nous sommes, toutefois, sans attendre, en droit de plaider pour un retour du politique dans l’ordre économique et pour des règles garantes de stabilité, comme le firent en matière monétaire les 44 Etats réunis à Brettons Wood en 1944. Nous sommes en droit de soutenir : l’impératif de régulation d’une finance assumant son rôle de système sanguin de l’économie, d’une garantie d’un taux élevé de transactions consacrées à l’économie réelle, d’une redéfinition des stratégies industrielles, d’une régulation des cours des matières premières agricoles, d’une alternative à la privatisation des bénéfices et à la socialisation de risques par injection, en catastrophe, de fonds publics au chevet d’un capitalisme exsangue.
Réguler sans peser sur la compétitivité des entreprises, favoriser l’économie réelle, ramener la finance et les banques à leur métier, tels sont les défis auxquels l’ordre économique, les Etats et les formations politiques démocrates sont désormais confrontés.
Les nations sont placées devant la nécessité de refonder leur doctrine de l’Etat et de coopération entre les Etats. Nous démocrates, devons combattre l’idée d’un Etat absent ou providentiel. Les circonstances rendent légitime le projet d’un Etat régulateur reposant sur des fondements éthiques et le principe de légitimité démocratique.
L’Europe a, de nouveau, rendez-vous avec l’Histoire
La crise actuelle accélère le déclin de l’hyper-puissance américaine. Faisant figure de coupable dans la crise, le capitalisme financier anglo-saxon des vingt dernières années sape le magistère politique américain et son leadership mondial. Nous sommes face à une crise d’amplitude géopolitique.
Quelle que soit la capacité de la puissance américaine à se reconstruire, l’on peut parier que les États-Unis d’Amérique ne sortiront pas indemnes de la tourmente. Liée aux considérations démographiques et géopolitiques, la crise actuelle annonce des changements inévitables dans le jeu et l’équilibre des puissances et des déplacements des centres de gravité de la puissance politique mondiale.
A court et à moyen terme, sur une période de vingt à trente ans, quatre grands ensembles sont en concurrence : l’inde, la Chine, le Brésil et l’Amérique latine et, bien sûr, l’Europe. A condition de trouver un niveau élevé d’ambition, de légitimité et d’unité politiques, l’Europe a une chance de revenir dans l’Histoire après l’abandon du leadership militaire et politique du monde occidental aux États-Unis depuis plus d’un demi-siècle.
L’Europe, une nouvelle fois confrontée à un champ de ruines, va, une nouvelle fois, devoir et pouvoir assumer son destin, mais hors de sa tutelle atlantiste cette fois. Une voie nouvelle s’ouvre à elle sur le plan géopolitique et mondial. Nous démocrates et Européens, sommes légitimes pour promouvoir la carte de la puissance européenne et un modèle social européen qui place la valeur de l’argent au service des hommes. L’Europe a, à nouveau, rendez-vous avec l’Histoire !
Un nouveau modèle de démocratie s’impose
La crise actuelle marque l’affaissement des dogmes libéraux de l’autofinancement des baisses fiscales et l’autocorrection du marché. L’intégrisme libéral des années Reagan-Thatcher tombent vingt ans après le mur de Berlin, marquant l’échec des deux systèmes, des deux visions du monde et de deux modèles de société opposés. Nous avons à faire, sous la crise financière, à une crise idéologique et éthique.
Un nouveau modèle démocratique est à inventer après la faillite morale de la démocratie libérale américaine, dévoyée en cheval de Troie à la solde de l’interventionnisme militaire, de l’économie de guerre et des renversements de régimes. Otage des intérêts des marchés, elle a promu une fausse idée de la liberté qui n’a cessé d’accroître l’oppression des plus pauvres par les plus riches. Nous savons désormais que la loi du profit n’est pas civilisatrice.
Il revient aux nations de choisir leur modèle de société. Nous savons le monde que nous quittons, sur un goût amer de faillite morale, d’accroissement sans précédents des inégalités et des risques globaux qui pèsent sur l’humanité et la planète. Nous ignorons dans quel monde nous entrons. Nous ne pouvons pas absolument écarter un retour des tentations populistes, autoritaires, protectionnistes, de droite ou de gauche, favorisées par un affaissement des classes moyennes et un amalgame de l’échec de la mondialisation libérale et des démocraties modérées, comme au tournant des années 30.
Nous, démocrates, devons enrayer ce risque et nous battre pour un monde solidaire, non pas socialiste mais social, non pas dirigiste mais juste et rationnel dans l’exploitation et la distribution des richesses des nations.
Nous sommes à la croisée des chemins
L’échec de la mondialisation libérale, en emboîtant le pas de l’Histoire à celui du socialisme, ouvre aux démocrates de tous les pays la voie d’un combat âpre, difficile, mais indispensable à la planète pour un monde libre, démocratique, solidaire et durable. Nous, démocrates, devons nous considérer en état de mobilisation générale dans un monde et une Europe à nouveau en quête de sens. C’est ici que la crise rejoint les raisons de notre engagement militant.
François-Xavier DE PERETTI
Membre du Conseil national du Mouvement démocrate
Coprésident du Mouvement démocrate des Bouches-du-Rhône