Patrick Buisson : le stratège du « ni – ni »
Qui a eu la bonne idée de conseiller Nicolas Sarkozy sur la stratégie du "ni - ni", ni Front Républicain, ni Front National, laissant ainsi 115 cantons sans consigne de vote pour un second tour cantonal PS - FN ? Un homme discret, expert es sondages, ancien du journal d'extrême droite Minute et plus proche conseiller du chef de l'Etat : un certain Patrick Buisson, qui penserait "comme Le Pen, parfois pire que lui" selon les dire de notre premier Ministre François Fillon...
Le 1er tour des cantonales s’achève sur un avertissement pour l’UMP : à peine 16% des voix, soit deux petits points de plus que le FN. Le PS caracole en tête avec 25% des suffrages, et affrontera le FN au second tour dimanche prochain dans 115 cantons. 115 occasions pour la droite Républicaine de rendre la pareille au PS qui avait appelé à voter Chirac en 2002. Lors d’une Présidentielle, et non pas de Cantonales. Lundi 21 mars 2011, premier jour du printemps, la stratégie de l’Elysée tombe : ce sera le « ni-ni ». Traduisez : ni Front Républicain, ni FN. Un appel à voter à gauche n’étant « pas la réponse à apporter au front national » selon le Président de l’UMP Jean-François Copé.
Buisson : le facho qui murmurait à l’oreille de Sarko…
D’où vient cette bonne idée d’abstention républicaine ? Qui a bien pu conseiller notre Président sur ce coup-là ? On pense à Guéant, avec sa dernière sortie sur « les Français qui ne se sentent même plus chez eux ». Ou son prédécesseur à l’Intérieur, Hortefeux, qui en aurait tout autant été capable, foi d’auvergnat ! Devedjan, ancien du GUD, serait-il revenu dans les bons papiers présidentiels ? Non, rien à voir. Notre homme n’est pas médiatique. En tout cas pas pour l’affaire qui nous intéresse. Au mieux certains initiés ou passionnés de l’actualité politique se souviennent-ils de lui à propos d’une sombre affaire de sondages, facturés plusieurs millions d’Euro à l’Elysée sans appel d’offre préalable.
Vous chauffez ? Allez, un petit tour sur Google actu, avec les mots clés « sondage » et « Elysée », et son nom apparaît en tête de liste : Buisson, Patrick. Age : 62 ans. Profession officiel : conseiller ès enquêtes d'opinion du chef de l’Etat. Profession officieuse : conseiller très spécial de Nicolas Sarkozy sur son positionnement par rapport à l’électorat d’extrême droite. Philosophie politique : l’UMP (ou tout autre trigramme symbolisant la droite républicaine) doit englober en son sein le FN (ou tout autre abréviation symbolisant la droite extrême, anti démocratique, xénophobe et réactionnaire). Pour ceux qui ne connaissent pas le « bonhomme », nous lui avions consacré un tableau au vitriole en 2009, date du début de la polémique sur les sondages de l’Elysée.
Ancien Rédacteur en chef de Minute, hebdomadaire d’extrême droite qui affiche son soutien au Front National, puis de Valeurs Actuelles, Buisson refuse l’existence de plusieurs droite : « Le Pen, le RPR et le PR, c'est la droite. Souvent, c'est une feuille de papier à cigarettes qui sépare les électeurs des uns ou des autres », « les électeurs du FN étant pour l'essentiel d'anciens électeurs du RPR déçus par le recentrage et l'évolution pro-européenne de Chirac ». Sarkozy le remercie personnellement pour sa victoire en 2007, Buisson étant l’artisan de l’ombre d’une campagne empreinte de sécuritarisme et de repli identitaire.
Fillon fait front
Patrick Buisson n’a pourtant pas que des amis à l’UMP. A commencer par le premier d’entre eux, le Premier Ministre Fillon, premier à condamner Buisson et aujourd’hui sa stratégie du « ni-ni ». Plusieurs petites brèves de la « Marre aux canards » du 9 mars dernier citant François Fillon nous le confirment : « La ligne Buisson conduit au désastre. Il faut dire que le Président est conseillé par un type qui pense comme Le Pen et parfois pire que lui. Droitisier à outrance à deux effets : l’électorat du centre nous lâche, et notre socle populaire file vers le FN. Cette droitisation fait l’effet d’un passeport qui autoriserait à voter en faveur de Le Pen ». La stratégie du « Buisson ardent » de Sarkozy est magistralement résumée – et réfutée – par Fillon : en donnant comme consigne de vote le « ni – ni », le Président, effrayé par les récents sondages plaçant Marine Le Pen en tête du premier tour de la Présidentielle – décidemment, il y a toujours une histoire de sondage avec Buisson ! –, brosse l’électorat du FN dans le sens du poil. Et tente de dédramatiser le vote d’extrême droite. Mais tant que Marine ne jouera pas le jeu d’une alliance avec la droite, foncer le bleu de l’UMP n’aura pas d’autres conséquences qu’une désertification de l’électorat RPR-UDF vers des horizons bleu marine ou bleu clair.
Marine Le Pen à l’UMP : Oh oui !
Seule solution pour que l’orientation droite dure de l’UMP s’avère payante : blanchir définitivement Marine Le Pen, l’adouber républicaine pure souche et, pourquoi pas, la nommer sous secrétaire de je ne sais quoi. Pour faire passer la pilule, on fera un peu de pédagogie : non, Marine n’est pas Jean-Marie. Autre époque, autre mœurs. Elle est bien moins radicale, bien plus respectable…
Et, s’il n’est pas à l’ombre – la vraie, la tôle, pas celle des antichambres de l’Elysée – Buisson l’aura enfin, sa droite recomposée !
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