Petit tour d’horizon avant les vacances
Tout le monde ne peut pas en profiter, mais l'été marque malgré tout pour beaucoup de gens un hiatus dans le déroulement de la vie habituelle. C'est l'occasion de faire un point de la situation.
La crise économique
Le tableau de notre Occident est dominé par une évolution majeure : la financiarisation de l'économie. C'est-à-dire la déréalisation de ce qui matérialisait la valeur de nos biens, services et activités. Les sacs d'or sont du folklore, le papier des accords a disparu, l'argent n'a plus d'existence concrète, la monnaie s'est détachée de son socle de production ou de travail. La vérité est passée du support palpable à l'entité imaginée. Un monde de virtualités maniables s'est créé en transformant l'économie "implantée" en une gigantesque tumeur de spéculation et de risque.
Dans ce monde de symboles manipulés, à la fois irréel et générateur d'effets incontrôlables, la voie s'est ouverte à un sentiment vieux comme le monde : la séculaire avidité des pillards en tous genres. Jongler avec des chiffres supposés et des montants fictifs, les faire artificiellement s'auto-reproduire, s'est trouvé soudain à la portée des plus inventifs et des mieux nantis. En l'occurrence, les détenteurs d'une richesse désormais informatisée et métaphorique, ces rapaces qui n'ont qu'un impératif : accroître leurs profits. Les banquiers.
Par quel moyen assouvir leur cupidité ? Simple : par une des plus vieilles façons de faire fortune, rentabiliser de plus en plus la dette. Toutes les dettes, celles des individus comme celles des Etats. Les intérêts étaient déjà le juteux bénéfice des créanciers. Multiplier les endettés augmentait la masse de ces rapports. Mais ils ont voulu trop faire. A force de créer des endettés, ils ont fabriqué des insolvables. La multiplication à outrance de ces derniers a provoqué une première explosion : la crise des subprimes. Celle-ci plus ou moins surmontée, les spéculateurs sont passés des particuliers aux gouvernements. Sans tirer la moindre leçon de leur premier égarement. D'hypothèses dangereuses en investissements douteux, de combinaisons sans scrupules en risques mal calculés, il s'est créé un formidable marché de la dette internationale, régi, comme le reste de l'univers néolibéral, par le dangereux laxisme du capitalisme sauvage. Cet univers est contrôlé par les géants de Wall Street et de la City de Londres.
L'évolution de la crise est limpide. En 2009, Goldman Sachs embarque la Grèce dans son aventure fatale par des conseils empoisonnés destinés à dissimuler son endettement. En février 2010, – a révélé le Wall Street Journal – un dîner réunit le puissant boursicoteur G. Soros et quelques spéculateurs de haut rang. Goldman Sachs, commettant un joli délit d'initié, décrit aux manieurs de hedge funds la situation de la Grèce. On décide d'attaquer l'euro en mettant la Grèce en faillite, conformément à un raisonnement d'une éblouissante simplicité : quand les obligations d'Etat coulent, les intérêts augmentent. L'engrenage meurtrier se met en route, la spirale des trous à combler s'enclenche, l'offensive gagne d'autres Etats fragiles (ou fragilisés). A la grande joie des banques qui non seulement se voient renflouées par les gouvernements affolés à l'idée de perdre leurs prêteurs, mais se gavent de bénéfices crevant les plafonds.
Voilà notre décor occidental, en cette première moitié de XXIe siècle. Une crise du capitalisme néolibéral, développée et entretenue avec soin par ceux qui en profitent.
Dans ce décor de trouble économique et financier, un étrange combat se déroule entre deux adversaires qui s'affrontent sur des plans différents. Les deux s'incarnent en une poussée à vocation mondiale, l'un au niveau temporel, l'autre au niveau spirituel. Leurs opérations s'interpénètrent dans la réalité géostratégique, mais leur nature est fondamentalement dissemblable.
L'impérialisme américain
L'élément dominant de la première poussée est l'impérialisme américain, animé par les colosses financiers. Il règne sur l'espace temporel. Celui de la matière. Et il est d'autant plus obligé de le faire que les Etats-Unis sont en état de survie désespérée : ils sont le pays le plus endetté du monde.
L'hégémonie impériale s'exprime de trois façons : utilitaire, politique et militaire.
1) - L'expression utilitaire concerne la défense du dollar et surtout les sources d'énergie. Leur découverte, leur conquête et leur possession sont l'essence de la stratégie internationale de Washington, qui enracine leur prise en main dans des implantations disséminées dans le monde entier. Cette appropriation agressive s'efforce de masquer son absence de scrupules par une rhétorique moralisante et démocratique, qui lui assure la complicité d'Etats dociles et le soutien de peuples bien conditionnés à la défense des droits de l'homme.
Ses résultats sont sécurisés et ses objectifs poursuivis de deux façons : politique et militaire.
2) - La méthode politique va des subversions organisées aux révolutions de couleur. Petit rappel. En Amérique Latine, le plan Condor, l’Ecole des Amériques. On y a fabriqué les sinistres dictateurs aux ordres de Washington, au Chili, en Argentine, au Paraguay, au Nicaragua, en Bolivie. Dans le reste du monde, les mouvements organisés sous la bannière des droits de l'homme. Renversement du Yougoslave Milosevic, putschs contre le Vénézuélien Chavez, révolution des Roses en Georgie, Orange en Ukraine, Citron ou Tulipe au Kirghizstan, soulèvements réussis ou ratés au Liban, en Moldavie, en Iran, en Biélorussie. Ingérences en Egypte, en Tunisie, en Côte d'Ivoire. Une série de déstabilisations fabriquées de toutes pièces par une longue liste de fondations ou d'ONG., avec la complicité des pays satellites, dont la France. Les plus connues étant l’Open Society de George Soros, USAID, le National Endowment for Democracy, l’International Republican Institute, le National Democratic Institute for International Affairs, Freedom House, entre autres.
3) - La méthode militaire comprend les guerres fomentées par les Etats-Unis et ses alliés, et menées par l'OTAN. Bombardement de la Yougoslavie, invasion de l'Irak et de l'Afghanistan, destruction de la Libye, opérations en Somalie et au Soudan, développement des assassinats par drones. Préparation de la guerre à la Syrie et à l'Iran. Encerclement par bases militaires de la Russie et de la Chine. Le principe de ces interventions armées est l'élimination de tout chef d'Etat manifestant des velléités d'indépendance, et accessoirement de tout opposant à la domination de l'empire. Le maintien anachronique et injustifié du bras armé de Washington, l'OTAN, permet au tandem anglo-saxon de jouer au gendarme du monde, menaçant constamment d'ingérence ou d'agression les souverainetés gênantes.
Le prosélytisme musulman.
L'autre poussée universaliste est spirituelle, religieuse. Elle conquiert et s'implante matériellement, elle aussi, mais de façon différente. Par quatre méthodes de travail qui se complètent : l'opportunisme, la solidarité, la démagogie, l'infiltration.
1) - L'opportunisme est facilité par la stratégie à courte vue de Washington. Dans leur ardeur à s'assurer leur ravitaillement énergétique, à se protéger des attentats et à conforter leur capitalisme de marché, les décideurs américains se sont imaginés que la suppression du pluralisme confessionnel pratiqué par certains leaders autoritaires (Milosevic, Saddam Hussein, Moubarak, Ben Ali, Kadhafi) et son remplacement par un pouvoir musulman supposé "modéré", allait leur valoir la reconnaissance – et la servilité – de chefs islamiques faciles à manipuler. Ou leur permettre de tirer avantage de l'antagonisme sunnite-chiite en jouant une croyance contre l'autre. Fatale erreur. L'islam est une foi solide qui d'une part ne se laisse pas édulcorer, d'autre part surmonte ses divisions dans son hostilité d'ensemble à l'Occident. En voulant écraser toute souveraineté réticente, les cow-boys aveugles d'outre-Atlantique ont ouvert la porte de la fiction démocratique dans laquelle un islam toujours aussi convaincu s'est engouffré en jubilant.
Résultat : l'islamisation renforcée de la Bosnie, du Kosovo, de l'Irak, de l'Afghanistan, de l'Egypte, de la Tunisie, de la Libye, de la Côte d'Ivoire, du Soudan et du Mali. Par des variétés confessionnelles plus ou moins inspirées d'Al Qaeda. En un mot, une Bérésina générale pour les amateurs de liberté et de progrès.
2) - La solidarité est le point fort de l'islam. L'aide aux défavorisés est un pilier majeur de son action. Elle est réelle, remarquablement organisée en réseaux efficaces. Elle fait du culte coranique une véritable religion des pauvres. La troisième de notre histoire, après le christianisme et le communisme, a se présenter comme un secours aux démunis, un antidote à la misère et une voix des opprimés. L'unité populaire dans la révolte contre l'indigence a toujours été un mot d'ordre à succès. Les trois religions des pauvres, motivées par les ressorts de l'entraide et de la générosité, clamant leurs revendications sincères ou hypocrites, se sont propagées comme des traînées de poudre.
3) - La démagogie. L'assistance au prochain est fille de la morale. Celle-ci est omniprésente dans l'islam, depuis la rédemption par le djihad et la répétition quotidienne des prières jusqu'à la conception rigoriste de la femme et la bigoterie sexuelle. Elle se manifeste en politique par un autre slogan mobilisateur : la lutte contre la corruption. Corruption de l'Occident, corruption des gouvernements, corruption des fonctionnaires, corruption des infidèles. Appeler les masses à éradiquer la corruption a toujours été une démagogie stimulante : les manifestations publiques et les prêches dans les mosquées ne s'en privent pas.
4) - L'infiltration est le procédé de propagation le plus subtil. Il consiste à se saisir, pour se propager, de toutes les perches tendues par la légalité occidentale : le pluralisme républicain, le respect de la démocratie, le droit à la différence, le culte des minorités, la neutralité laïque, etc. L'islam jouit goulûment en France d'un ensemble de libertés qui n'existent pas dans la plupart de ses pays, à travers des lieux de culte, des associations, des lobbys ou des instruments de pression, tous abondamment financés par les monarchies pétrolières.
Elément de conclusion
En résumé, dans le cadre de la crise économique, nous subissons l'assaut de deux vagues : la vague de l'impérialisme US qui s'impose au niveau temporel de façon utilitaire, politique et militaire ; la vague de la religion musulmane qui s'impose au niveau spirituel par l'opportunisme, la solidarité, la démagogie et l'infiltration.
Mais attention. Ce gros plan binaire ne sert évidemment qu'à situer quelques grandes orientations. Il est loin de rendre compte de la réalité, qui est beaucoup plus complexe, et ne saurait induire à des généralisations, sources de prises de positions sectaires qui sont toujours absurdes. Tous les Américains ne sont pas impérialistes, tous les musulmans ne sont pas des fanatiques religieux. Loin de là. Les peuples, même s'ils en ont élu quelques-uns, ne doivent pas être confondus avec leurs gouvernements ou leurs leaders, surtout en matière de responsabilité pour leurs erreurs ou leurs excès. La répartition des convictions ne se fait pas selon des lignes nettes, dans des blocs aux contours précis. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder les étranges rapports entre Etats qui entretiennent la confusion internationale : la Russie orthodoxe soutien de la Syrie musulmane ; l'Iran clérical du côté de la Syrie laïque ; la Turquie membre de l'OTAN en conflit avec Israël membre de l'OTAN ; le Vénézuela socialiste et la Chine communiste amis de l'Iran religieux ; l'Allemagne en solo aux prises avec le restant de l'Europe ; la diversité des membres du Groupe de Shangaï, pour n'en citer que quelques-uns.
Un point commun dans cette mosaïque : le gouffre qui s'est creusé entre les citoyens et leurs dirigeants. En témoignent les sursauts des "indignés", les manifestations croissantes de révolte, les abstentions aux scrutins électoraux, les émeutes de la faim ou de la misère. Un peu partout la confiance faiblit, la colère fermente.
Quelle leçon en tirer ? Qu'il est de plus en plus nécessaire de s'opposer aux deux tendances majeures, en tenant compte des nuances d'application. Lutter contre l'impérialisme américain et le prosélytisme islamique, sans renoncer aux apports d'une riche culture et au respect de la foi individuelle. Et pour pouvoir le faire sans compromis ni concessions, maintenir l'indépendance et la souveraineté de notre République sociale, pluraliste et laïque, et mettre fin au pouvoir des banques en cassant une fois pour toutes la spirale de l'endettement Cela exige courage, fermeté, justice et bon sens.
Y a-t-il des forces, au pouvoir ou dans l'opposition, qui en sont capables ?
Louis DALMAS.
Directeur de B. I.
2 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON