Petites analyses de campagnes et de résultats
Le Dimanche 10 juin se tenait le premier tour des élections législatives. Les Français, dans leur grande sagesse, sont appelés a désigner les 577 nouveaux députés d’autant de circonscriptions dans le pays. La campagne qui aura précédé ce jour, et les résultats qui en sont sortis, méritent quelques points d’attention.
* près de 43% d’abstention. On nous dit que c’est un record, mais, encore une fois, les tentatives d’explications de tels chiffres sont invisibles. Ou presque : Christophe Barbier, grand journaliste devant l’éternel, trouve par le moyen de Twitter la possibilité d’exprimer son opinion, chose qu’il n’aurait en aucun autre lieu le droit de faire. Et son analyse vaut le détour, que je synthétise ici : « parce que les présidentielles sont désormais calées avec les législatives, les citoyens voient une perte d’intérêt à la chose. Il faudrait passer à des élections législatives prévues tous les quatre ans. » N’y a-t-il pas plus aberrant ? N’y a-t-il pas plus fichtrement inutile que de changer la forme quand il s’agit clairement d’un problème de fond ?
43% est un score énorme, trop proche de la fatale majorité des inscrits pour ne pas être pris au sérieux. Certes, de ces 43%, j’imagine volontiers qu’une bonne partie s’en tamponnait les oreilles, mais d’autres se sont aussi abstenus volontairement, comme moi. Et je le dis sans aucune honte pas plus que de vergogne. Cher Monsieur Barbier, puisque vous avez l’attention de tellement de gens dans ce pays, offrez des idées de solutions constructives, changeons la forme, le texte, les moyens si vous voulez, mais surtout, changeons le fond. Les citoyens de ce pays en ont plus que marre des bonimenteurs, des retourneurs de vestes, des bagarres de cours de récré (nous y reviendrons), ils veulent du tangible !
* 36 sièges obtenus dès le premier tour. C’est peu, mais 22 d’entre eux sont pour le Parti Socialiste, ce qui a du considérablement soulager François Hollande. Il faut d’ailleurs croire d’après les moyennes estimées, que la cohabitation d’aura pas lieu. Ce qui n’empêche pas François Fillon (ça en fait, des François !) de fanfaronner : « Il n’y aura tout de même pas eu de vague rose ! ». A y regarder de plus près, les scores UMP / PS sont de la même trempe qu’aux élections présidentielles, le PS dépasse légèrement l’UMP, et les autres partis se grignotent comme ils peuvent.
Seul le FN propose une prestation légèrement troublante : il pourrait remporter jusqu’à cinq sièges, ce qui serait une première pour l’histoire du parti d’extrème-droite, mais le nombre relatif de votants pour cette élection serait de l’ordre de 13%, soit 7 points de moins qu’aux présidentielles. Est-ce une concrète perte de terrain, ou un retrait stratégique ?
* Deux déclarations de personnalités UMP (que je me ferais un plaisir de ne pas dénommer) :
« J’invite les électeurs du Front National à voter pour moi, qui partage leurs valeurs ». Il faut une énergie folle pour essayer de comprendre une telle déclaration, et pourtant mon imagination est loin d’être limitée. En est-on réduit à une telle désespérance qu’on est prêt à se déshonorer en public ? L’UMP partage-t-il vraiment les valeurs du FN, comme l’ont laissé également croire messieurs Hortefeux et Guéant ? Eux au moins, l’auront-ils fait subtilement ? Quoi qu’il en soit, les responsables de l’UMP doivent prendre des mesures.
« De toutes façons, François Hollande a été élu pour contrer Nicolas Sarkozy ». On voit que certains ont vraiment besoin de passer par Polytechnique ou par l’Ecole Nationale d’Administration, ou que sais-je, pour formuler des tautologies dont la violence me cause de sacrées migraines. Si, de cette déclaration, les gros bonnets de l’UMP ne sont pas capables de tirer des conclusions assez évidentes sur les politiques qui ont été menées pendant ces cinq dernières années, ils ne méritent alors vraiment pas les sièges que les citoyens leur concèdent.
* Enfin, le sujet qui fâche. Hénin-Beaumont. Pour reprendre l’histoire depuis le début, je rappelle la promesse de Jean-Luc Mélenchon de vaincre Marine Le Pen aux présidentielles. Promesse non tenue, et c’est bien dommage. Là où je me fâche un peu, c’est que Jean-Luc Mélenchon ne souffre pas de défaite, surtout face à un tel ennemi. Il a dû très certainement graver le nom de la présidente du FN sur quelque lame dissimulée, qu’il attend patiemment de pouvoir sortir subrepticement. Il n’a pas souffert cette défaite aux présidentielles, et il a cherché vengeance aux législatives, en se faisant parachuter à Hénin-Beaumont, pour se retrouver aux premières loges face à Marine Le Pen.
Premièrement, je trouve assez cocasse ce besoin de la part de Jean-Luc Mélenchon d’être sous les feux de la rampe, lui qui offre une relation aux médias pour le moins houleuse. Via ce parachutage, il a mis Hénin-Beaumont, et Marine Le Pen et lui-même par cette occasion, au centre des préoccupations politiques depuis un mois. Il voulait que la France entière ait les yeux rivés sur ce combat d’entre-deux extrêmes. Il faut dire que ça n’a pas loupé, et que c’était prévisible.
Deuxièmement, que Jean-Luc Mélenchon veuille une revanche, c’est presque normal. Mais que sa démarche prennent un pas personnel, et non plus politique, là je dis non. Aurait-il fait campagne dans ses fiefs, soutenant ses candidats dans leurs circonscriptions, sans se préoccuper directement du FN, il aurait certainement eu plus a gagner en prestige et en sièges au final, qu’en agissant avec aussi peu de finesse. Tribun peut-être, stratège, certainement pas. J’enfoncerais le clou en disant que foncer tête baissée de cette façon, c’est une erreur de débutant.
Petite mention spéciale, enfin, à BFMTV qui a cru bon (ou drôle) d’opposer en direct Jean-Luc Mélenchon à Marine le Pen, après l’annonce des résultats. A cette annonce, Jean-Luc Mélenchon a aussitôt retiré son oreillette et a quitté son plateau. Il a voulu sa confrontation, il l’a eue, mais semble ne pas être en capacité d’en assumer (publiquement tout du moins) le score. Est-ce un parti pris de BFMTV ?
Je regrette donc énormément cette mauvaise stratégie de la part du président du Front de Gauche, qui, au lieu de chercher à assouvir une satisfaction tout à fait personnelle (ça me rappelle quelqu’un !), aurait pu utiliser de son charisme pour faire avancer son programme et les candidats qui y étaient attachés.
Conclusion, on assiste encore une fois au déroulement d’une campagne qui marche au buzz, à la force médiatique certaine mais où le fond des idées ou des personnalités reste assez nul. On retiendra au passage la brillante idée du FN de publier de faux tracts pour essayer d’enfoncer Jean-Luc Mélenchon, attitude pour le moindre idiote (mais qu’attendre d’autre de la part du FN aujourd’hui ?) La conclusion du dimanche 17 juin est courue d’avance, à l’instar de celle du 6 mai. Tant mieux, ou tant pis. On continuera d’assister aux chamailles de députés, à leurs siestes et leurs lectures assidues de quotidiens sportifs pendant les séances qui sont censées changer notre vie et améliorer notre pays. Ce que je sais, à mon humble niveau, c’est que le changement, je l’attends toujours. Je parie qu’il n’est pas prêt d’élire domicile à l’Assemblée.
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