Philippe Val, ce grand instrumentalisateur
L’affaire qui avait opposé Philippe Val et Siné résonne encore aujourd’hui, ce dernier étant rentré en dissidence avec son employeur, finissant par créer son propre hebdomadaire éponyme sur fond de brouille déjà instrumentalisée afin de se débarrasser du trublion en question. Mais, de plus belle, Philippe Val récidive dans son dernier éditorial consacré au conflit israélo-palestinien, développant une « réflexion » à sens unique, hémianopsique, quasiment nauséeuse où l’on voit poindre en filigrane toute sa rhétorique sans cesse rabâchée à l’endroit des fondamentalistes musulmans qu’il voit partout, comme victime d’hallucinations qui le mènent à une paranoïa inquiétante. L’éditorialiste de Charlie Hebdo instrumentalise ici un conflit dramatique afin d’apporter de l’eau au moulin de sa pensée profondément arabophobe.
Se prenant pour un fin analyste de la situation au proche orient, dans la dernière livraison de sa prose fumeuse, Philippe Val s’adonne à son exercice favori dans lequel il excelle sans aucun doute. Soit l’instrumentalisation d’une situation au profit de son profond sentiment de rejet d’un islam qu’il n’imagine que radical, masquant en réalité un positionnement fondamentalement beaucoup plus intolérant à l’endroit des adeptes du prophète Mahomet. D’ailleurs, lors de la croisade qu’il avait menée pour la défense au droit à la caricature, il laissait déjà dévoiler une pensée bien plus radicale qu’il ne voulait bien le laisser croire.
Mais alors, qu’en est-il de sa position dans son dernier texte consacré au dramatique conflit qui embrase Gaza depuis bientôt trois semaines, où l’agresseur ne fait aucun doute pour l’immense majorité de la communauté internationale, l’ONU [1] ayant rappelé Israël à l’ordre dans la résolution 1860 ? [2]
Déclinant point à point son raisonnement, dix au total, plus aucun doute n’est désormais permis quant à son parti pris dans ce conflit. Tellement pro État hébreu, son texte pourrait faire penser à une déclaration du porte parole de Tsahal, ou bien encore au discours bien rodé du Panzer Avi Pazner. En véritable grand inquisiteur, tout du long, son propos est entièrement à charge, stigmatisant tout autant les soutiens acquis à la cause palestinienne que le Hamas, mis sur la sellette sans nuance aucune, exagérant même les exactions commises par le mouvement en dénonçant de manière excessive l’usage de roquettes lancées sur le sud d’Israël. Il opère ici un véritable renversement des positions, reconnaissant à Israël le droit d’envahir la bande de Gaza car en état de légitime défense. Mais, si ce cher Philippe Val avait fait quelques menues études de droit, il saurait que la notion de légitime défense, pour être retenue, impose que la réplique soit proportionnée à l’attaque. Aussi, à notre connaissance il n’en est rien, Tsahal étant aujourd’hui passée à la « phase 3 » de son opération (par ailleurs contestée en interne), ce qui ne semble aucunement interpeller notre éditorialiste, alors que la situation humanitaire exrême ne fait aucun doute.
En outre, il implique bien volontiers le Hezbollah dans les événements présents alors que les armes de ce dernier restent tout à fait muettes, laissant là ses fantasmes islamophobes prendre le dessus sur une réflexion objective. Pire encore, il ne manque pas de justifier les victimes civiles en affirmant que le Hamas se fond dans la population afin de s’en servir comme bouclier, leur prêtant même comme unique but de répandre sur la monde sa vision radicale, comme si le Hamas avait les moyens de cela (point n°2). C’est là son propos le plus abjecte et chacun pourra mesurer ici la dimension paranoïaque de Philippe Val, ce dernier n’ayant de cesse d’imaginer le complot islamiste à la porte du monde civilisé et démocratique. Aussi, dans son point n°3, comme pour ouvrir les yeux à tous les naïfs que nous sommes, ce dernier de vouloir nous faire croire qu’il en va de même dans d’autres pays en prise au risque islamiste, citant l’Inde, l’Afghanistan comme des fournaises entretenues par nombre de barbus qui seraient prêts à en découdre avec l’ensemble de la planète. S’il voulait terroriser son lectorat, il n’aurait pu s’y prendre mieux, amalgamant toutes les situations géostratégiques dans le grand souk de sa pensée islamophobe.
Et il enfonce le clou, le bougre, se sentant pousser les ailes d’un grand professeur de géopolitique au collège de France, rappelons au passage qu’il n’a même pas validé son baccalauréat, voilà qu’il invoque l’Iran d’Ahmadinejad comme soutien au Hamas, insinuant que nous sommes à quelques heures du bombardement atomique de l’État hébreu par la belliqueuse nation Perse (point N°4). Certes, le dirigeant est inquiétant, mais force est de constater qu’à ce jour il n’a fait preuve d’aucune velléité pour s’insinuer dans le conflit en cours. Mais Val n’en est pas à une projective douteuse près, du moment que cela sert à sa pensée qui se veut ici quasiment « nostradamique ».
Seul Israël veut la paix, nous laisse-t-il croire, alors que le Hamas ne voudrait que la destruction de son voisin, notre patron de presse faisant fi du positionnement diamétralement opposé sur ce point de nombre de penseurs israéliens qui ne cessent d’indiquer que le gouvernement actuel ne veut pas plus la paix que le Hamas, élections prochaines obligent. Quant à l’élection du Hamas, Philippe Val en conteste la validité du fait de l’illettrisme couplé à la grande pauvreté des habitants de Gaza (point n°7) . Mais la réalité est ici toute autre, car si les palestiniens ne peuvent se développer, ne faut-il pas y voir aussi la responsabilité d’Israël qui a fait des territoires palestiniens de véritables prisons à ciel ouvert, confettis livrés au bon vouloir des autorités israéliennes qui maintiennent tout un peuple dans la pénurie permanente, sans perspective possible [3] et [4]. No futur, pourraient s’écrier aujourd’hui la jeunesse palestinienne qui demeure emmurée au sens propre, comme au figuré, alors qu’Israël s’évertue à bâtir ce mur honteux dont le tracé a encore rogné sur les terres palestiniennes.
Quant à la population israélienne elle reste ambigüe dans ses sentiments tout en étant pragmatique, préférant la paix au conflit, et il en va de même dans l’autre camp, l’Histoire ne s’oubliant pas si facilement. La Naqba a laissé de profondes cicatrices au sein de l’entité palestinienne toujours à la recherche de sa dignité volée, mais Val n’y fait bien évidemment aucune allusion.
Enfin, dans les derniers points développés, Philippe Val affirme que l’idée du grand Israël n’est plus de ce monde depuis que l’État hébreu s’est retiré de Gaza et du sud Liban, alors que chacun sait que la politique de colonisation rampante demeure d’actualité et que la démocratie israélienne doit faire face au fanatisme absolu des colons, armés jusqu’au dents et tout aussi inquiétants que leurs homologues Arabes. Mais Philippe Val se garde bien d’évoquer le problème sous cet angle, conférant à son propos la force du parti pris, même si, le final de son développement semble revenir quelque peu à la raison, analysant la situation à la lumière de meilleures lectures. Toutefois, il ne peut s’empêcher de fustiger la compassion planétaire suscitée par le martyr que subit actuellement la population Gazaoui, au prétexte qu’Israël mène là une guerre contre le Hamas qui aurait dû être conduite par le Fatah de Mamoud Abas. Si ce n’était un cauchemar, on croirait rêver tant le propos est pétri d’une imbécillité impensable !
Enfin, l’éditorialiste d’invoquer Raymond Aron et sa pensée magistrale, invitant les sceptiques à se dresser face aux fanatiques, tout en confessant à son lectorat qu’il ne détient pas l’ensemble des tenants et des aboutissants pour expliquer la situation présente, soit une ultime pirouette bien peu habile qui ne masque en rien le fond de sa pensée pro israélienne et arabophobe, ce dernier ne faisant aucune allusion à l’agression dont le monde entier est pourtant témoin.
La solution, chacun la connaît, deux États côte à côte qui échangent et prospèrent légitimement, il n’y a aucune autre alternative possible, elle finira bien par s’imposer à toutes les parties car il en va de la survie de tous. Mais, en atendant ce n’est pas un pareil discours qui pourra apaiser les esprits, n’est pas colombe de la paix qui veut.
[1] Documentation de l’ONU sur la question palestinienne.
[2] Les autres résolutions de l’ONU
[3] Cartographie de la Palestine
[4] Situation socio-économique des territoires palestiniens
Illustration Aurel
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