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Accueil du site > Actualités > Politique > Philippe Bilger : Adieu au devoir de réserve !

Philippe Bilger : Adieu au devoir de réserve !

 Quel personnage fascinant que ce grand magistrat entré dans un honorariat actif avec une joie non dissimulée. « La nostalgie ce sera pour plus tard, peut-être »

 Quarante années au service de la justice, au service des justiciables et, osera-t-on le dire, des prévenus pour lesquels il n’a certes pas eu d’empathie mais toujours un respect de bon aloi, même au comble de l’horreur. Et il le dit librement, très librement. Parole d’avocat désormais plutôt que d’avocat général. Réquisitoire ou plaidoyer, c’est selon.

A présent, c’est hors de l’ordre judiciaire qu’il se dépense avec l’ardeur d’un vert débutant, talentueux et expérimenté évidemment. Il était à Strasbourg , à la salle blanche de la librairie Kléber, devenue une véritable institution culturelle vivante dans l’Est pour débattre de « Justice et Politique : quelle place pour la corruption ?".

La salle blanche sous l'impulsion de François Wolfermann est devenue un haut lieu de rencontre avec les écrivains dès parution , les plus grands , les plus "up to date", les plus ignorés et cela sans anathème. Rare, très rare dans notre pays.

En face de lui, représentant le monde politique, le premier adjoint au maire de Strasbourg, Robert Herrmann( PS), un des personnages les plus marquants et les plus prometteurs de la municipalité.

 

Modération efficace.

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Introduisant les sujets, l’universitaire (E.Maulin) chargé de la modération s’est parfaitement acquitté de sa tâche n’ayant pas à intervenir dans un débat où les deux protagonistes se répondaient quasiment à l’unisson, l’ex-magistrat passant tout de même pour un homme de droite face à un socialiste qui aurait pu se montrer triomphant. Ben non ! Pas de joute. Quelle élégance ! Ou alors quelle entente !

 Sur le fond : on devinera sûrement que la corruption est formellement à bannir dans la sphère tant publique que privée puisqu’elle constitue ou induit une injustice. Des nuances cependant car, si au sommet les limites sont ouvertes et là des instructions au plus haut niveau sont en cours, au bas de l’échelle, on ne sait trop où est le premier barreau. Un élu peut-il accepter un déjeuner avec un éventuel prestataire ? Pour s'informer, en toute bonne foi.

Un magistrat peut-il placer un dossier en cours au-dessus de la pile à la demande d’un confrère ? Peut-être, mais il doit refuser la boîte de chocolats en récompense ( la manger ou la renvoyer mais ne pas l’accepter, surtout pas au moment où la demande est formulée). Des exemples un peu légers certes, mais qui montrent la complexité et de la question et les limites de la réponse. Si les lois d’assainissement du financement des partis ( lois dites Rocard) ont pu assainir la vie politique, du moins voudrait-on le croire avec Robert Herrmann, elles ne mettent pas à l’abri d’une affaire Bettencourt, par exemple. Eh oui !

De plus, se demande un auditeur, n’y a-t-il pas des cas où la corruption serait un bienfait en pensant aux régimes totalitaires et au nazisme en particulier. Question de sémantique, répond Philippe Bilger. On appellerait çà autrement dans ce cas : résistance sans limites, par exemple. De son côté Robert Herrmann évoque la corruption dans les pays d’extrême pauvreté où, à ses yeux, elle n’est guère que moyen de survie donc pour le moins excusable. Gauche tiers-mondiste ? Mais le maire-adjoint est particulièrement attentif à la vie associative, tous quartiers confondus.

Mais c’est surtout le personnage très médiatique P. Bilger, qui a déplacé les nombreux auditeurs. Les organisateurs , le Cercle Daniel Riot (pour moi le meilleur journaliste français pour les Affaires Européennes), présidé par le jeune V.Gouvion, en étaient persuadés et personne n’a été déçu.

Voilà pour le compte rendu qui intéresse toujours les lecteurs alsaciens. Ici, dans la même salle se succèdent des "pointures " sans qu'on en rende compte, nulle part si ce n'est de manière très, très laconique.

 

La liberté rend prolixe. ( photo)

 

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P.BILGER, concentration.

Difficile de garder l’image du magistrat austère, rigoureux à l’extrême, parfois rétif à la limite de la critique ouverte ( cf son blog). Rien de changé pourtant chez l’intellectuel, retiré des prétoires. Toujours la même aisance dans une expression soignée et fine, des propos clairs et totalement libres, une articulation parfaite qu’on doit peut-être au petit poil qui se promène parfois sur sa langue ( il parle volontiers de Démosthène ).

Ajoutez à cela un zeste d’humour piquant, spontané, sans sourire, parfois difficile à déceler immédiatement. Pour avoir suivi des réquisitoires « chiadés » comme diraient des étudiants en droit d’aujourd’hui et même à l’école de la magistrature, je sais que, rarement l’avocat général, se laisse aussi fortement imprégner par des considérations d’ordre psychologique, fut-ce à l’endroit des jurés, du prévenu et de sa défense et peut-être de l’auditoire.

 Dans une conversation libre - on ou off, P.Bilger s’en fiche - quand on évoque le flic allemand de série TV Derrik (rarement armé et parfois en empathie avec le coupable), il rétorque que nous avons Maigret. Très juste, Monsieur Bilger.

Alors, bien sûr, cet homme n’a pas jeté sa robe de magistrat aux orties, mais sous la nouvelle tenue de l’homme « ordinaire » ou "normal" comme dirait un certain, perce l’ancien de khâgne, licencié ès lettres avant « de faire son droit » jusqu’à l’école de la magistrature. Avec une liberté et une intransigeance de procureur ( général ?),.

 Son dernier réquisitoire sous le titre « Le bal des complaisants » paru en début d’année, se limite à la sphère juridique ou plus exactement au rapport des institutions judiciaires au plus haut niveau avec le pouvoir. Les collègues comme Courroye ou Marin et d’autres y sont étrillés pour leur soumission voire leur adhésion intéressée au pouvoir, particulièrement au président Sarkozy accusé de confondre son bon vouloir et la justice ; MAM y est fustigée comme Rachida Dati, pour laquelle il a parfois quelque complaisance ; mais les grands, les purs dans le droit fil de Pierre Truche y sont reconnus comme des exemples. Une admiration sans retenue aussi pour Renaud van Ruymbeke et infiniment moins pour Eva Joly !

Mais c’est du passé « Pas de nostalgie,… plus tard peut-être ».

 

La participation à des débats, à des conférences s’éloignant progressivement des sujets strictement judiciaires, son blog, l’Institut de la Parole qu’il a créé… et d’autres occupations de conseil, conduiront sûrement Philippe Bilger qui oscilla entre droite et gauche comme « un anarchiste plutôt de droite », à aller au-delà tant il enrage, insatiable, de contribuer à la marche de la cité. Il y a peut-être une idée là-dessous.

 

Antoine Spohr.

 


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4 réactions à cet article    


  • Soi Même 2 juin 2012 18:43

    La République à toujours eu des Hommes remarquables, malheureusement peux on changés le cours de l’histoire en profondeur.

    Le Pouvoir moderne est le reflet idéal des hommes qui administre, des intègres, des idéalistes, des humanistes, des despotes, des opportunistes, des escrocs, des criminelles. Il n’est pas étonnant de les trouver aussi dans la sphère du pouvoir !


    • sirocco sirocco 3 juin 2012 17:36

      Un magistrat qui a été assez lucide pour écrire : « Je suis enclin à croire que la magistrature et son corporatisme constituent la principale entrave au développement de la justice [en France] » (Philippe BILGER « Un avocat général s’est échappé », Seuil, 2003, p. 166) sort en effet du lot. 


      • A. Spohr A. Spohr 3 juin 2012 17:47

        Oui mais il s’agit d’une association de mots et non d’une addition. Est en cause le corporatisme qui sévit dans tous les grands corps de l’Etat.


        • TicTac TicTac 4 juin 2012 08:21

          Un homme remarquablement intelligent, que j’ai eu l’occasion de croiser à l’IEJ de LILLE il y a quelques années.
          Lucide, aussi.
          Pour autant, il ne m’a jamais semblé user de cette condescendance dans laquelle se complaisent certaines de nos « grosses têtes ».

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