Plan banlieue : l’espoir fait vivre
Nicolas Sarkozy a détaillé, vendredi 8 février, le plan en faveur des banlieues préparé par la secrétaire d’Etat à la Ville, Fadela Amara. Venue quelques jours plus tôt à Vaulx-en-Velin (69) pour réaliser cette annonce, court-circuité par sa hiérarchie, la secrétaire d’Etat avait bel et bien peu de choses à proposer. Le plan espoir est sans aucun doute un aveu d’incapacité à agir sur le fond des choses : il faudra vivre avec ou plutôt sans.
Après les émeutes de 2005 et la crise latente de ce que l’on appelle communément « banlieues », les attentes sur le terrain étaient et sont fortes.
Marginalisées socialement et spatialement, mises à l’écart des réseaux (transports, vie politique, vie sociale...), montrées à l’index et illustrées en permanence par des « problèmes », les populations vivant en banlieue concentrent l’essentiel des maux du pays.
A en croire les médias, il n’y aurait que des délinquants, du trafic de drogue, des associations et des écoles en difficulté.
Quel que soit le diagnostic, on se trompe de problème à la base : en cristallisant sur la banlieue, on fait de ces quartiers des questions traitées à part alors qu’il s’agit plus d’une question de vie sociale d’ensemble avec des priorités fortes à arbitrer sur des quartiers aux ressources financières limitées.
Il fallait donc, pour assurer une rupture, continuer à produire un énième plan banlieue. Cette fois-ci, un plan « sexy » avec F. Amara en paravent, Mme Boutin et M. Sarkozy en maîtres d’ouvrage.
Et quel ouvrage !
On prend les mêmes et on recommence !
Parmi les dispositions citées :
- une inscription de la diversité dans la constitution : j’imagine que cela va changer les réalités de ségrégation et de mise à l’écart sur le terrain et particulièrement lors de l’accès à l’emploi ;
- de nouvelles incitations pour attirer les fonctionnaires sur ces « territoires » alors qu’il s’agit plus de développer un tissu administratif et de vie locale là où les grands pontes ont déserté ;
- un nouveau partenariat avec les associations ou, plus simplement, la poursuite de la politique carnet de chèques pour acheter la paix sociale ;
- un renforcement notable de la police et, plus particulièrement, de la police de proximité qui ne dit pas son nom ;
- un énième contrat « jeune », le contrat d’autonomie, succédant à la cohorte de contrats aidés, tous plus stigmatisant les uns que les autres sans parler de l’absence de résultats... ;
- une redite de l’affectation de financement aux transports publics lors du Grenelle, c’est-à-dire qu’il s’agit toujours des mêmes 500 M€, mais cette fois-ci avec un fléchage spatial. Un montant permettant à peine la réalisation de 2/3 lignes de tramway ;
- une énième aide à la création d’entreprise dont on sait qu’elle ne peut pas se faire toute seule sans appui ;
- une compensation à la disparition de la carte scolaire pour générer un peu plus de circulation afin d’amener les moins pauvres dans des établissements moins « exposés » (les profs sur sites apprécieront) ;
- une invitation à entrer en classe prépa, dans un moule où de toute façon les « promus » ne pourront que difficilement subsister.
A la lecture de ces éléments, outre la fâcheuse absence de financements, me vient une réaction spontanée : on compte se foutre de la gueule des habitants de banlieue pendant combien de temps ?
Cela fait des années que l’on sait qu’il n’y aura pas de changements notables si l’école ne change pas sur le fond, afin de permettre aux plus modestes de trouver aussi un emploi sans faire des études longues.
Des années qu’il est nécessaire de casser les réseaux de drogue pour changer les repères des jeunes.
Des années que la place de la femme doit changer, parce que les femmes sont celles qui restent sur le terrain et suivent l’éducation des enfants avec des journées de folie.
Et l’emploi, impossible à créer sans appui, sans accompagnement, sans conseil et sans financement de banques frileuses à prêter.
Que dire aussi du sport, vecteur de cohésion, même pas évoqué alors que le sport et les équipements sportifs des banlieues sont des forces sur lesquelles s’appuyer.
Des années également que l’on sait qu’il est nécessaire de reconstruire certains quartiers, redimensionner les logements et entretenir, qu’il faut tirer des lignes de transport en commun, qu’il faut sensibiliser au recrutement - et particulièrement dans le public - de publics issus des banlieues.
Il serait aussi un poil intéressant de cesser l’assistanat et de rebattre les cartes de l’égalité réelle des chances, dans l’école, mais aussi dans le monde du travail (je pense aux contenus, mais aussi aux réseaux). On pourrait aussi se pencher sur les financements associatifs et le financement de ceux qui aident pour redéployer de l’argent mal engagé vers des projets plus solides.
Il y a également des choses existantes que l’on évoque peu, de la loi SRU en passant par la localisation et la densité même des services publics.
Allons allons, un jour peut-être comprendra-t-on que c’est en intégrant ces quartiers aux villes, en ne mettant pas à part ces secteurs dans des politiques sectorielles, mais plutôt en force dans les politiques d’ensemble, que l’on pourra rehausser des pans entiers de villes de laissés-pour-compte.
La mixité sociale, il y a ceux qui en parlent et ceux qui la construisent tous les jours sur le terrain.
Avec l’argent public mis par les fenêtres pour annoncer ce type de « blague » (je pense en l’occurrence au salon de Lyon sur le logement), il aurait mieux valu engager une campagne de publicité au 20 heures : « Dans les banlieues, il y a des gens qui se lèvent tôt, que ne dealent pas, qui ne sont pas représentés et qui pourtant sont indispensables à la société : ce sont eux qui font toutes les tâches ingrates, de la construction des pavillons en passant par le ménage et la mécanique. La moindre des choses serait au moins de les considérer. »
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