Politiques monétaire et budgétaire de l’Union Européenne
Financement des investissements vitaux et stratégiques.
L’avenir de l’humanité, voire sa survie, est menacé par le changement climatique et par les tensions géopolitiques internationales.
Répondre à ces menaces exige des investissements considérables et urgents dans la transition écologique et énergétique et dans le domaine de la Défense.
Les politiques actuelles de l’Union Européenne, notamment les politiques budgétaire, monétaire et financière, mais aussi les politiques commerciale et industrielle, ne permettent pas de financer ces investissements vitaux et stratégiques au niveau requis et avec le degré d’urgence nécessaire.
En effet, la politique budgétaire de l’Union Européenne impose des contraintes - déficits et endettement - qui ont conduit à sacrifier depuis plusieurs années ces investissements mais aussi d’autres investissements publics indispensables comme le renouvellement ou la rénovation des infrastructures routières, ferroviaires, fluviales et portuaires et les infrastructures sanitaires et éducatives.
Par ailleurs, la politique monétaire conventionnelle de la BCE, interdisant le financement direct des Etats, les a conduit à se soumettre aux humeurs des marchés financiers et aux conditions qu’ils imposent - taux d’intérêt et remboursement - et à s’endetter lourdement.
Quant aux mesures non conventionnelles mises en oeuvre par la BCE pour faire face aux conséquences de la crise financière de 2008 puis de la crise sanitaire de 2020, elles ont inondé le système financier international de liquidités en le laissant totalement libre de leurs usages -financer les déficits publics ou alimenter la spéculation financière et la formation de bulles spéculatives menaçant la stabilité financière.
A taux d’imposition constants des ménages et des entreprises, la croissance économique résultant de nouvelles politiques commerciale et industrielle, de la ré-industrialisation et de la croissance des investissements publics de l’Union Européenne devrait permettre d’augmenter les recettes publiques mais ne sera pas suffisante pour financer ces besoins considérables d’investissements vitaux et stratégiques.
Quant à une augmentation des taux d’imposition des ménages et des entreprises elle ne peut être que très limitée et très ciblée pour ne pénaliser ni les revenus du travail et les investissements des ménages, ni l’autofinancement et les investissements des entreprises.
Une proposition consisterait à financer directement tout ou partie des investissements vitaux et stratégiques par la création de monnaie centrale par la BCE réservée exclusivement à ces investissements : en précisant que cette monnaie ne transiterait pas par les banques (i.e. financerait directement les Etats, charge à eux de financer en tout ou partie certains investissements privés vitaux et stratégiques des entreprises, des ménages et des collectivités territoriales) ; serait « gratuite » pour les Etats (i.e. sans intérêts à payer) ; ne serait pas plafonnée (i.e.pourrait dépasser 3 % du PIB). En ajoutant que les instruments de politique monétaire dont dispose la BCE permettent de maîtriser l’inflation et d'assurer la stabilité financière.
Il est pitoyable de voir la BCE implorer la BEI et même les banques commerciales de bien vouloir accorder des crédits pour la transition écologique et énergétique - c’est-à dire de créer de la monnaie - et de voir le Conseil Européen se tordre les méninges pour financer l’aide militaire à l’Ukraine, l’indispensable réarmement de l’Europe et même le minuscule Fonds Européen de Défense.
Cette proposition rejoint en partie les propositions de « don de monnaie centrale aux Etats » formulées par certains économistes (1). Elle est en phase avec la thèse keynésienne (« non neutralité » de la monnaie sur l’économie réelle) opposée à la thèse monétariste et avec une publication de la BRI (2). Elle rejoint une proposition de la Théorie Monétaire Moderne en l’appliquant exclusivement aux investissements publics vitaux et stratégiques. Elle rappelle le recours aux avances de la Banque de France au Trésor pratiqué jusqu’en 1993.
Cette proposition serait accompagnée de deux dispositions : les budgets nationaux hors dépenses d’investissements publics vitaux et stratégiques devraient être strictement équilibrés (zéro déficit) : les investissements vitaux et stratégiques seraient définis après concertations approfondies avec tous les acteurs économiques, politiques, syndicaux, militaires et associatifs ( en France, à travers le CESE assisté du Haut Commissaire au Plan et de France Stratégie).
Cette proposition rompt avec le dogme monétariste et avec l’orthodoxie budgétaire imposés par l’Allemagne qui étranglent les pays de l’Union Européenne à court et moyen termes et compromettent leur avenir à long terme.
Il faut noter à ce propos que les Etats-Unis se sont affranchis de ce dogme et de cette orthodoxie et que le décrochage économique spectaculaire de l’Union Européenne par rapport aux Etats-Unis depuis plus de 15 ans (4) résulte essentiellement de politiques budgétaire et monétaire ayant conduit les Etats-Unis à des déficits publics interdits en Europe (3) et à un endettement public atteignant 100 % du PIB américain en 2023.
Cette proposition permettrait en même temps : de s’affranchir des exigences et des humeurs des marchés financiers : de réserver les capacités de financement des marchés financiers aux investissements des entreprises (ré-industrialisation massive) et des ménages (logement) qui sont considérables : de remplacer la politique monétaire de la BCE qui n’est pas ciblée par une politique monétaire ciblée : de remplacer les politiques budgétaires restrictives par des politiques budgétaires expansives : de favoriser la croissance économique : d’alléger le poids des intérêts sur la dette des Etats : d’alléger le coût des investissements vitaux et stratégiques du poids des intérêts sur leur financement.
Pour le remboursement des dettes publiques on pourra se référer notamment aux propositions de Jean Tirole (monétisation de la dette) ou d’Olivier Blanchard (roulement de la dette) et à la publication de la BRI mentionnée précédemment.
Par ailleurs, la croissance économique résultant de la ré-industrialisation et de l’augmentation des investissements vitaux et stratégiques entraînerait une croissance minimum de 2 à 3% par an, une augmentation des recettes publiques et une inflation d’au moins 2% par an allégeant la charge de ce remboursement.
En cohérence avec cette nouvelle politique monétaire de l’Union Européenne 3 objectifs seraient ajoutés dans les statuts de la BCE, en sus de l’objectif de stabilité des prix : le plein emploi, la stabilité financière et le financement de la transition écologique et énergétique.
Les politiques monétaire et budgétaire de l’UE devraient donc être au centre des débats pour des raisons vitales et stratégiques mais aussi pour le développement économique et social à court et moyen termes.
(1) Jézabel Couppey-Soubeyran, Pierre Delandre et Augustin Sersiron (« Le pouvoir de la monnaie »), André Peters (« Le don monétaire pour compléter le système monétaire »), Nicolas Dufrêne et Alain Grandjean (« La monnaie écologique »), Jézabel Couppey-Soubeyran et Thomas Renault (« Monnaie, Banques, Finance »).
(2) La BRI écrit dans un article (« BIS Papers n° 71 ») : « il est loin d’être clair pour tout le monde que les fonds propres d’une banque centrale peuvent être négatifs sans qu’il y ait lieu de s’alarmer »
(3) Déficits moyens
- 3,4 % de 2001 à 2009 (Bush)
- 5,6 % de 2009 à 2017 (Obama)
- 6,6 % de 2017 à 2021 (Trump)
- 7,9 % de 2021 à 2023 (Biden)
(4) PIB par habitant (US $ constant 2010)
Etats-Unis 52.963 en 2010, 62.789 en 2022 soit +18,55 %
U.E 35.638 en 2010, 38.816 en 2022 soit + 8,91 %
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