Pour le bon sens, suivez les flèches !
Quand les mots leur manquent !

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Saint truisme, priez pour nous.
Rien ne m'exaspère plus que ce que l'on en appelle au « Bon sens ! » C'est la farce et attrape des gogos et de tous ceux qui n'ont rien à dire que des évidences, des propos qui tournent en boucle de génération en génération. Car, voyez-vous, la grande particularité du bon sens, celle qui ne cesse de surprendre les amateurs de géométrie, c'est qu'il tourne en rond !
Nous venons de sortir d'un quinquennat où ce jeu de piste peuplé de bonnes intentions et d'idées reçues fut à l'honneur. Le bon sens par-ci, le bon sens par-là, l'ancien président avançait l'argument décisif comme un représentant de commerce du Crédit Agricole. Pour corroborer cette intuition qui l'habitait, il usait, au-delà du raisonnable, du sondage d'opinion, ce merveilleux attrape-mouche qui pend au plafond de nos idées creuses.
Car, voyez vous, on nomme désormais « opinion » ce qui n'est qu'impression infondée, réponse approximative ou seulement intuitive. L'opinion c'est toute autre chose, c'est une position que l'on prend après un examen attentif, argumenté, étayé des tenants et des aboutissants d'un sujet donné. Tout le contraire de ce jeu de loterie auxquels de braves gens répondent pour se donner de l'importance.
Fort de cette mesure aléatoire ou de la direction du vent, nos joyeux décideurs, nos analystes experts en tendances profondes, nos princes des flux et des reflux du corps électoral, nos chantres de l'opinion publique déterminent le sens à prendre, la bonne direction qu'il convient de choisir pour flatter les plus vils instincts de l'individu.
Alors gardez votre bon sens, messieurs les flèches émoussées, mesdames les rombières de la bonne conscience. Celui-ci vous conduit dans une impasse, un cul de sac, une basse-fosse commune. Aucune issue à cette pensée limitée, à votre incapacité à penser autrement, à oser une réflexion complexe et dérangeante. Vous n'êtes que les valets de nos plus basses turpitudes collectives.
Il ne fait pas bon avoir une idée qui diffère, une opinion qui sort du rang, un point de vue qui rompt avec les clichés. La pensée unique, le conformisme, la tradition, la coutume, la répétition ou la culture sont autant de garde-fous devant le risque de la différence, de la tentation de la nouveauté, de la folie de rupture. Le bon sens ne va jamais dans une direction nouvelle, il ne reprend pas plus une voie qui a été oubliée. Il oublie tout simplement de prendre un cap, il louvoie, il traîne la patte.
Il a besoin de routes balisées, d'un chemin sans risque ni surprise. Le bon sens, c'est l'assurance-vie de la prise d'initiative. C'est comme ça, ça c'est toujours fait ainsi, c'est la plus sûre manière de se donner l'illusion de l'action. C'est désormais la seule option raisonnable dans un monde sans intelligence. Il ne faut pas discuter, il n'y a pas lieu de le faire, la majorité silencieuse ne peut se tromper quand elle pense comme les élites le lui ont soufflé.
Car voyez-vous, le bon sens a étrangement besoin d'une convergence de vue entre le peuple et ceux qui prétendent parler en son nom. C'est quand la mayonnaise prend, quand la jonction se fait entre l'intuition collective et la parole des hautes sphères que la dictature du bon sens est au cœur du système. Mais gare au bon peuple quand il pense autrement, qu'il nie l'évangile qu'on cherche à lui inculquer de force. Si par le plus regrettable des hasards, il se trouve à être déboussolé, s'il perd la raison, il ne faut surtout plus s'en prévaloir. Nous avons connu ce divorce lors du référendum européen. Le bon sens avait perdu la boule.
Depuis, fort heureusement, tout est revenu dans l'ordre ! Les tenants du pouvoir ont renoncé à demander leur avis au bon peuple dans un domaine où manifestement il n'avait rien compris. Le bon sens c'est encore de ne pas faire appel à l'opinion publique quand celle-ci ne s'est pas ralliée à la sagesse attendue. Car le bon sens ne va que dans un seul sens. Il est toujours favorable à l'intérêt de la minorité qui profite.
Laissons donc nos flèches émoussées nous indiquer la direction à prendre. Depuis bien des années, elles n'ont rien appréhendé, rien vu venir, rien anticipé, rien prévu. Mais les flèches continuent gaillardement à nous montrer la voie toute tracée qui continuera à les servir et à nous leurrer. Paradoxalement, le bon sens est si ancré dans l'inconscient collectif qu'il n'est absolument pas envisageable de briser ce cercle infernal qui nous conduit à notre perte au nom soi- disant de notre pensée collective.
Censément vôtre.
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