Pour Moscovici : un ministre, parce qu’il est ministre, ne peut pas être un “salopard” !
A gauche pour de vrai ! nous avons entendu le mot « salopard » au moment même où il a été prononcé par Francois Delapierre à l’encontre du ministre Pierre Moscovici. Il nous a mis mal à l’aise ce mot. Il nous a dérangé. Excessif, exagéré, impoli, inconvenant…Oui, notre surmoi personnel a fonctionné à plein. Et nous n’étions pas seuls. D’autres réagissaient comme nous. Puis le mot et ses effets ont décanté. Pas tout de suite. Mais ce jour où Pierre Moscovici a dit aux lecteurs du “Parisien” :
“Salopard” a alors raisonné autrement. La révolution citoyenne et l’ensemble du propos de Delapierre ont agit comme une grille de lecture permettant le décodage du mot, dans un contexte politique, d’abord politique, uniquement politique.
Un ministre, au sens de Moscivici, est donc intouchable parce qu’il est ministre. Il ne peut être dérangé, bousculé car il est ministre, car il est sacré. Et on ne touche pas au sacré dans la Ve République. Si on estime que le job n’est pas bien fait, on vire à la prochaine élection. Mais entre temps c’est carte blanche, open bar et libre accès à tous les excès. Il faut la ténacité bien trop rare de ceux qui osent affronter le sacré, s’attaquer au totem, aller à l’assaut de la forteresse, hier comme aujourd’hui, pour que la désacralisation s’opère et que le ministre redevienne un citoyen de la république.
Un ministre est un citoyen avant d’être ministre. Surtout lorsque l’on prône la révolution citoyenne. Comment pourrait-elle avoir lieu si, chaque fois qu’un peuple entreprend de s’emparer du pouvoir, on lui renvoie froidement qu’on n’y touche pas ni aux hommes qui l’occupent et qui l’incarnent ? Car ils seraient sacrés ces hommes, des totems vivants, naturellement vertueux et moraux du simple fait de leurs fonctions ! C’est ce que dit Pierre Moscovici. Il ne peut pas politiquement mal se comporter, mal penser car il est ministre de la Ve République. Qu’il pense à droite ou qu’il pense à gauche, qu’il accepte que l’on taxe à 6,75% le dépôt des petits épargnants chypriotes ou qu’il valide un second plan car l’injustice du premier a été mise à nue, ce n’est pas la question. La question est qu’il est ministre. Et on n’abaisse pas un ministre au rang de salopard. Ça ne se fait pas, c’est irrespectueux, inconvenant, en dehors des codes de l’usage admis entre gens de bonne fortune.
La révolution de 1789 aurait-elle eu lieu si, au moment d’affronter les nobles et le roi le peuple s’était dit “les élites sont sacrées, on n’y touche pas” ? Le roi lui même aurait-il été arrêté dans sa fuite si les quelques gars se trouvant sur sa route ne l’avaient empoigné physiquement ? La révolution aurait-elle été à son terme si les “convenances” avaient été respectées, et des courbettes faites au roi divin plutôt que son arrestation ?
La désacralisation est l’élément indispensable, incontournable de la révolution citoyenne. Le conservatisme organise le sacré, entretien l’intouchabilité. Ce qui compte par dessus tout pour le conservateur est la conservation du système. Alors on active à plein le surmoi collectif, on actionne le levier de la culpabilité. Les mots doivent être propres, mesurés. Ils doivent être ceux utilisés 17 heures par jour par le détenteur sacré d’un ministère. Pas question d’amener un ministre au niveau du peuple. Il doit rester sur son terrain, celui qu’il maitrise et qui lui donne l’avantage.
Les réactions démesurées provoquées par ce “salopard” ont révélé à quel point le vide politique a gagné la Ve République. On attendait une réponse politique à la dénonciation que faisait François Delapierre d’une oligarchie et d’une finance internationale sans limite. On a eu en réponse la rhétorique du ministre intouchable. Ce mot « salopard » a eu plus d’impact, plus de vertus qu’il n’y paraît. Il a occupé toute la planète médias durant une semaine, forçant le ministre à descendre d’un étage et répondre aux questions jusque là non posées sur la politique économique menée en Europe aux côtés de ses 16 collègues de l’Eurogroup. Ce “salopard” révèle, bien plus qu’il n’y paraît, l’état de déliquescence de notre Ve République. Il crée une faille qui rend possible une révolution citoyenne. Pas celle de 1789. L’histoire ne se répète jamais à l’identique. Mais cette révolution des esprits qui désacralise les intouchables, qui renverse les totems et les tabous qui officient en protecteur de l’oligarchie. Cette révolution de la pensée qui permet la révolution des urnes. Car elle conduit à se libérer de la peur d’un 21 avril, pour oser la gauche, oser un système pour le peuple et voter Front de Gauche.
Sydne93
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