Les élections européennes ont à nouveau modifié le paysage politique français en laissant sur le bord du chemin le parti socialiste et le Modem. Les analyses fusent. Erreur de stratégie, prises de bec, querelles stériles, sanction de l’establishment. Certains ont déjà enterré avec fleurs et couronnes le Modem et François Bayrou. Pourtant un regard plus fin montrent que ses perspectives ne sont pas jouées d’avance et que son avenir n’est pas aussi compromis comme certains commentateurs peuvent le dire.
Fort de son très bon résultat aux dernières élections présidentielles, le MoDem vient d’être rappellé aux réalités de la politique. Les analyses fusent. Mea culpa, erreur stratégique, pas assez d’écologie. Soit. L’élection est passée. L’avenir s’ouvre avec un handicap certes, mais un potentiel important.
Le Modem n’est pas le consensus mou
Jusqu’à présent François Bayrou savait ce qui avait fait sa réussite. Un positionnement nouveau sur les nouvelles technologies, un appui sur les questions vertes, une vision équilibrée de la sécurité, une approche humaniste, la référence à des valeurs constructrices pour l’individu et la société, le respect mutuel, un attachement au terroir. Cet ovni politique avait su profitant de l’effet Ségolène Royal séduire un nouvel électorat en apparaissant comme un mouvement alliant tradition et modernité avec un ancrage citoyen du politique. Un mouvement jeune, branché et citoyen avait réussi à émerger. Le succès de son dernier livre a montré notamment que le modem n’était pas le mou. En s’éloignant de son positionnement humaniste et en délaissant le terrain du politique au profit de celui du politicien lors de la fin de la campagne, le "dur" a cassé.
Les perspectives d’un avenir politique favorable
L’abandon du cocktail de la réussite au cours des dernières élections a fait revenir le Modem au traditionnel parti centriste, au poussiereux UDF de ses origines. L’abandon de la question verte dans sa campagne, l’oubli des nouvelles technologies, la surpolitisation des élections et le rôle surjoué du leader (qui n’a pas su être) charismatique lui ont été fatals. Pourtant ces questions restent des problématiques fondamentales d’avenir et le potentiel de ces questions est à terme sur un point de vue électoral très rentable.
L’élection présidentielle n’est pas pour demain et il reste encore trois ans. En politique c’est long, surtout en temps de crise. Sur les nouvelles technologies, l’UMP devra dans trois ans porter le poids des lois HADOPI et des nouvelles lois à venir sur le verrouillage de plus en puls important d’Internet et des nouvelles technologies. Ce bilan de l’instrumentalisation par le pouvoir des nouvelles technologies, l’UMP devra le défendre dans trois ans. Sur la question verte, le bilan gouvernemental sera-t-il à la hauteur ? Que restera-t-il alors du grenelle de l’environnement et des grenelles en tous genres ? Comment le gouvernement pourra défendre un bilan à la hauteur de ce qui a été porté ce dimanche dans les urnes pour les listes vertes ? Sur la question du rapport entre le politique et le citoyen la majorité aura du mal pour défendre des europdéputés qui préfèrent rester au gouvernement, un président dont aujourd’hui on ne doit plus prononcer le nom, les ministres qui attaquent en diffamation à tout va les citoyens dans un jeu inégal du pouvoir.
Et puis surtout la crise. Selon les prévisions, la crise semble s’installer plus confortablement qu’on ne l’aurait cru et les perspectives de sortie de crise dès 2010-2011 semble s’estomper. Le pays devrait alors en 2012 être au niveau de l’opinion le plus traumatisé par la crise même si des signes positifs devraient apparaître d’ici là. Le décalage entre la réalité économico-sociale et celle des opinions ayant toujours un temps de retard.
Et puis il y a les retours du président dont on ne doit pas prononcer le nom. Celui-ci tiendra-t-il ses promesses et reviendra-t-il à Argenteuil ? à Gandrange ? se faire un barbecue avec l’acteur des visiteurs ? auprès des marins-pêcheurs et de toutes les autres promesses à venir ?
Un vide politique et une volatilité électorale à saisir
Le positionnement de l’offre politique du Modem n’est pas sans avenir face à un parti socialiste touché-(quasiment) coulé, où les appels à la fin du PS se multiplient, les demandes de têtes à tomber se multiplient, l’abandon de son aile gauche. Bref, la continuité du PS décadent comme la droite l’adore. La volatilité de l’électorat de centre-gauche et de gauche est un vrai problème et un atout majeur pour le Modem. Europe écologie en a profité lors de ces dernières élections mais en grande partie sur des effets de personnalité, de prises de bec et de désarroi électoral.Cette volatilité et cette proximité peut constituer pour le Modem un vrai réservoir de voix qu’il va devoir remobiliser. Son électorat potentiel est donc beaucoup plus fort qu’il n’y paraît et sa reconquête n’est pas impossible. Si Europe ecologie a su conquérir son électorat en grande partie grâce au tandem Cohen-Bendit, Eva Joly, qui présentera-t-il aux présidentielles ? Son réservoir de personnalités est limlité et est-il capable de construire idéologiquement un consensus national pour obtenir une majorité ? Cela paraît aujourd’hui difficile au niveau du contexte national. De plus les perspectives de développement d’une fiscalité verte, les projets de directive européenne de taxer les véhicules particuliers polluants à l’horizon 2010-2012 sont autant d’élements qui risquent d’atténuer la popularité du mouvement écologique.
Si le Modem a subit un revers, il n’est pas seul et son principal concurrent politique le parti socialiste est lui aussi sévèrement touché. La reconstruction du PS englué dans ses querelles internes dans la perspective de la prochaine présidentielle donnent au Modem une longueur d’avance qui malgré des désaccords sur la stratégie de campagne reste uni sur le point de vue des personnes. La capacité à ressouder son équipe et ses militants semble plus aisé qu’au PS où les divergences de ligne de conduite du parti et d’analyses politiques divergent fortement.
Une majorité monolithique : atout ou faiblesse ?
Même si la majorité présidentielle arrive en tête, son score reste parmi les plus faibles de la droite européenne. La majorité actuelle ne bénéficie pas de réserves de voix et son espace politique reste limité autour des 25-30% pas plus. Le débauchage de l’extrême-droite lui a permis de faire le plein de voix. La conquête de son aile gauche est bloquée par le Modem en dépit du contre-feu du Nouveau centre dont l’espace politique est extrêmement limité. De plus, l’image monolithique de la majorité comme un bloc uni sans nuances ne donne pas une image engageante de la diversité citoyenne. Le départ significatif des militants depuis la présidentielle, les failles internes qui font grincer les élus locaux de la majorité montrent des signes de fragilité plus forts que l’unité médiatique affichée. De plus, les mesures impopulaires ont été repoussées après les élections européennes. L’augmentation inéluctable de la fiscalité devra être assumée par les élus de la majorité. Le véritable positionnement de la majorité se fera sur les élections régionales de 2010. La majorité actuelle sera-telle capable de briser le mur rose auquel elle est confrontée ? Le Modem aura-t-il l’occasion de réinvestir le terrain des élus locaux pour construire une assise d’élus locaux actifs ?
L’extrême-droite : un nouveau phenix ?
La donne de l’extrême-droite n’est pas à négliger. On croyait le Front national enterré par la récupération des questions sécuritaires et d’immigration par la majorité actuelle. Pourtant ses scores ne sont pas si faibles qu’annoncés et à y regarder de près, ses scores sont mêmes (relativement) bons au-delà des viviers traditionnels. De plus, la succession à venir du parti en donnant une note féminine et jeune à un parti pénalisé par une image plutôt poussiéreuse risque de lui donner un souffle nouveau. Si l’extrême-droite investit les thématiques du social et de la fiscalité qui s’annoncent être les points faibles de la majorité sa marge de progression n’est pas à négliger. Les contextes de crise comme l’ont montré les résultats des élections au niveau européen sont des éléments favorables pour les extrêmes politiques. A y regarder de plus près comment Marine Le Pen a construit la dernière campagne présidentielle de son père, les perspectives de séduction de l’électorat ne sont pas à négliger. Récupération des symboles de la construction républicaine, discours adoucis, rupture avec les dérapages verbaux de papa sont autant d’éléments capables de séduire un nouvel électorat victimes de la crise et déçus du sarkozysme. Entre séduction d’utopies politiques et construction de la social-démocratie, le Modem peut idéologiquement jouer un rôle dans l’offre politique alternative.
Trois ans
Trois ans, c’est encore long. A l’image des guignols de l’info dont la marionnette de Jacques Chirac ressassait : "putain ! Deux ans ! ", la réalité semble bien différente pour les forces politiques. Rien n’est perdu, rien n’est gagné. Souvenons nous d’un Jacques Chirac interrogé par Arlette Chabot au moment où il était au plus bas dans les sondages pour savoir s’il souhaitait continuer à se présenter montre bien que tous les revers sont possibles.
La recomposition du paysage politique français connaît à l’issue de ces élections un nouvel épisode. Les prochaines échéances seront décisives pour baliser de nouveaux projets politiques qui baliseront l’élection présidentielle.
Aujourd’hui le Modem et François Bayrou sont dans le creux de la vague. Leur rebond résidera dans la capacité à proposer un projet de social-démocratie et de rassembler les forces politiques qui formeront une offre politique viable aux yeux des citoyens. Il en va de même pour le PS. Lequel des deux sera le plus armé pour construire un projet politique ? Réponse en 2012.