Pourquoi je soutiens l’autonomie de la Bretagne (alors que je ne suis pas un facho)
Crises, transitions et résiliences.
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Trop de moquerie et de préjugé visent la révolte des bonnets rouges. S’il est indispensable de pousser des coups de gueule publiques en manifestant et en s’opposant aux décisions inadaptées prise par le gouvernement et les autres responsables, il faut se rendre compte de leurs incapacités à comprendre les problème locaux et trouver nous même les solutions.
Derrière l’Etat on oublie que ce sont des individus qui sont aux manettes, l’opacité administrative leur offre une déresponsabilisation du fait de la multiplication des responsables. De la même manière que l’on formait un peloton d’exécution pour fusiller un condamné de façon à amoindrir la responsabilité de chaque tireur. Il devient inutile de reprocher à tel ou tel individu une décision générale et il devient facile pour chacun à leurs tours de se dédouaner de leurs actes.
L’exemple extrême de ce système administratif est celui des fonctionnements des multinationales et des grands groupes privés qui fonctionnent totalement sur ce principe. L’opacité des statuts administratifs et le secret bancaire qu’elles obtiennent légalement dans les paradis fiscaux leurs permettent une entière liberté face aux Etats. On ne sait plus qui prend les décisions, ni même qui les possèdent. Et les Etats se retrouvent dans l’incapacité de leur reprocher quoi que ce soit, encore moins de leur imposer des décisions, car les lois ne peuvent les suivre en dehors de leur juridiction. Nos gouvernants se retrouvent coincés entre le marteau du marché mondial et l’enclume qu’est la population, étant eux même les acteurs de cette dérive de par la promotion inévitable de la « saine concurrence » inattaquable moralement.
Ces puissants « d’en haut » sont ainsi de moins en moins puissant, voire même déjà totalement impuissant selon l’avis de certains, la seule force qui leur reste est la capacité de répression du peuple, de ces mouvements de ras le bol ou de ces actes de réappropriation des propriétés du peuple (légitime ou non cela dépend de l’avis de chacun). Pourquoi alors continuer de leur porter des doléances ?
(Cette capacité de répression montre déjà aujourd’hui ces limites devant des mouvements massifs tel celui toujours en cours à Notre Dames des Landes. On peut reprocher à ces opposants un déni de démocratie illégal, difficilement défendable moralement sans l’intervention de valeur personnelle, mais la démocratie donne t elle le droit à l’imposition implacable de décisions nationales à des situations particulièrement régionale ? )
Non comptant d’être presque impuissant nos dirigeants nationaux vivent et travaillent dans un environnement qui les coupe de la réalité locale et sociétale propre à chaque administré, à chaque situation. Les applications au niveau national de décisions administratives vont creuser les différences entre les localités, en favorisant certaines et en handicapant d’autre. Cela au moins il semble l’avoir comprit (même s’il l’on peut être sous estimé) lorsque l’on regarde les dérogations accordées à certaines régions quant à l’application de l’éco-taxe.
Rajouter une taxe pour verdir une politique de production nationale et vielle comme la cinquième république semble un peu facile, voir inutile devant toutes les solutions d’esquives offertes par la mondialisation du système de production d’aujourd’hui. Cette décision arrive pour répondre à un besoin de résilience* sociétale majeure. Devant la profusion (et la confusion) de rapports scientifiques plus ou moins alarmant le gouvernement se devait de trouver des idées de façon à augmenter nos chances de survivre aux changements climatiques et aux futurs de plus en plus largement constaté.
Pourtant tout en reconnaissant l’existence de particularité locale ils n’ont d’autres choix que généraliser leurs décisions à l’ensemble du pays. On peut donc remettre en cause l’efficacité d’un petits nombres de grandes interventions venus d’en haut face à celle d’un grands nombre de petites décisions adaptés à chaque « niche » locales.
Alors pourquoi attendre du gouvernement et réclamer des décisions adaptées à chaque particularité ? Comme nous sommes encore en démocratie il appartient à chaque partie du peuple de prendre les décisions adaptées car nous sommes la force directe de la démocratie. En agissant directement localement on court-circuite toutes les dérives du système et on possède au final une plus grande capacité de changement.
Les poulets, les porcs (et tous les autres) produits de l’agro industrie traversent plusieurs fois les continents et changent sans cesse de main offrant les dérives les plus surprenantes. Le cheval devient du bœuf, quelque chose devient des nuggets ou du poisson pané etc… La vraie traçabilité des produits devient impossible, tout en restant officiellement et légalement défendable et offrant des labels complètement détourné de leur but premier. Les déséquilibres sociaux de pays liés par les mêmes accords de libre échange créent une concurrence forcément déloyale mais saine administrativement. Ceci n’évitant pas le risque de pénurie alimentaire, nos civilisations (occidentale) ne bénéficiant que de quelques jours de sécurité avant une pénurie alimentaire pouvant conduire à une insurrection désespérée des citoyens.
Devant cette incapacité nationale il devient vite évident qu’il appartient au citoyen lui même de garantir la résilience de sa propre société.
Selon l’économiste David Fleming, les bénéfices pour une société à haute résilience seront que :
• Si une partie est détruite, le choc ne se répercutera pas à travers tout le système.
• Il y a une grande diversité de solutions développées avec créativité en réponse à des circonstances locales.
• Elle peut couvrir ses besoins même sans des déplacements et des transports importants.
• Les autres infrastructures et bureaucraties de l’économie des ‘intermédiaires’ sont remplacées par des alternatives adaptées aux besoins locaux à un coût drastiquement moindre.
Une résilience accrue et une économie locale renforcée ne signifient pas la construction d’un ‘mur’ autour de nos régions, villes et communes ni que rien n’est autorisé à y entrer ou à en sortir. Ce n’est ni le rejet du commerce ni d’une manière ou d’une autre le retour, dans une version édulcorée, à un passé imaginaire. C’est l’acceptation d’un accès direct remarquable au bien-être et un moyen d’intégrer le meilleur de ce que nous pouvons nous rappeler et inventer.
Ce qui est en jeu c’est d’être mieux préparé pour un futur plus efficace, plus autosuffisant, et donnant priorité au local sur l’importé.
L’autonomie d’une région telle que la Bretagne recentrerait tous les centres de décisions au cœur même de leur nécessité, accélérant la vitesse des réponses gouvernementales (dès lors bretonnes) et améliorant leur compatibilité avec des problèmes locaux. Chaque région autonome d’un Etat saura mettre en avant ces capacités et ces particularités. Se complétant les unes aux autres, garantissant une variété et une intensité de production. L’argent, circulant le plus possible localement, ne pourra plus fuir abusivement d’un bout à l’autre du monde, ni échapper aux impôts nécessaires à l’entretien des services publics. Même si pour cela, il faut institué des monnaies locales car c’est là qu’est leur pouvoir.
Il est tant d’enclencher une vraie transition** en Bretagne, même si d’autres régions n’ont peut être pas encore ce besoin déjà présent ici du fait de la situation géographique de notre région. Nous n’avons pas à souffrir de comparaison ou de généralisation. La Bretagne à la chance d’avoir conservé une culture traditionnelle riche et toujours en évolution, et c’est grâce à ces valeurs particulières qu’elle peut assumer l’expérimentation d’autres solutions peut être plus facilement que d’autres régions. Car pour oser se démarquer des autres sans se refermer, il faut être bien dans sa peau.
Les changements nécessaires à la survie des habitants de notre société se feront car lorsqu’il n’y aura plus de travails en Bretagne, la pluie ne nous gênera définitivement plus car on crèvera de faim comme en 1675, et alors nous changerons de façons de travailler car nous n’aurons plus l’occasion d’être exploiter comme aujourd’hui. Mais il est possible d’anticiper ces changements et d’éviter la misère. A nous de faire ce qu’il faut sans en avoir peur.
* Résilience : capacité d’une société à ne pas disparaître ou se désorganiser au premier signe d’une pénurie par exemple d’emplois, de pétrole ou de produits alimentaires mais, au contraire, de répondre à ces crises en s’adaptant.
** Documentation sur le mouvement de transition apparu en Grande Bretagne en 2006 et exemple de transitions possible sur : http://villesentransition.net
Jean R. Breton par choix.
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