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Pourquoi l’Europe a besoin d’une France social-démocrate

Pour une fois, l’Europe n’aura pas été la grande oubliée de cette campagne présidentielle. Elle n’aura cependant pas échappé aux caricatures, aux raccourcis faciles, comme a pu le montrer le non-sens du débat sur l’indépendance de la Banque centrale européenne, la mise en accusation de l’euro fort, alors que celui-ci n’est pas responsable des difficultés conjoncturelles de l’économie française (comment expliquerait-on le dynamisme du commerce extérieur et du marché du travail en Allemagne ?). L’Europe dans la campagne, et en son cœur l’amitié franco-allemande, n’aura pas non plus été forcément synonyme de noblesse du discours ; on se souviendra avec effarement des déclarations de Nicolas Sarkozy, qui affirmait à Caen le 9 mars 2006 : « la France n’a jamais cédé à la tentation totalitaire. Elle n’a jamais exterminé un peuple. Elle n’a pas inventé la solution finale, elle n’a pas commis de crime contre l’humanité, ni de génocide ».

La dimension européenne n’a pas non plus été la grande oubliée. Les candidats se sont souvent réclamés de leurs proximités avec leur homologues européens (Ségolène Royal avec José Luis Zapatero et Romano Prodi, voire Tony Blair, Nicolas Sarkozy avec Angela Merkel et le même Zapatero) ou des pratiques d’autres pays d’Europe comme les pays scandinaves, l’Espagne, l’Allemagne ou le Royaume-Uni. Il en aura été de même des Français, qui, semble-t-il, ont perçu comme jamais le regard du monde et du continent sur leur pays, et ont pris conscience de la dimension européenne, voire mondiale, des grands défis actuels et à venir : qui pourrait encore soutenir que la question du changement climatique repose sur une responsabilité simplement nationale ? Qui imagine aujourd’hui l’économie française déconnectée du reste de l’Europe ? De même pour la recherche, l’énergie, voire, dans une certaine mesure, la sécurité (lutte contre le terrorisme).

L’immigration, probablement, aurait mérité une mise en perspective davantage européenne ; il aura été plus facile de jouer, en la matière, sur la corde de la peur et du ressentiment, quitte à emprunter à Le Pen. Quoi qu’il en soit, même si l’Europe mérite toujours une plus grande place dans le débat public, en particulier aux yeux des pro-Européens convaincus, les candidats à la présidence de la République n’auront pas éludé ce thème comme cela pouvait être redouté (il aura simplement été dommage de constater la faible part accordée à l’Europe lors du débat de l’entre-deux).

L’Union européenne n’est pas la grande oubliée des candidats du second tour, qui possèdent chacun un programme fourni sur le sujet : projet de minitraité sur la réforme des institutions et non à l’adhésion de la Turquie en exergue pour l’un, relance par des projets et référendum sur un nouveau texte prenant en compte la dimension sociale pour l’autre. Abondamment commentés, notamment dans les colonnes des Euros du Village, les programmes des candidats ont également fait l’objet d’interpellations de la part d’organisations syndicales telles que la CFDT ou de mouvements de la sphère européenne, de Sauvons l’Europe au Mouvement européen à Notre Europe, en passant par Europanova (cette dernière organisation n’ayant d’ailleurs pas été exempte de critiques du fait d’une certaine indulgence envers Nicolas Sarkozy - voir l’article du Taurillon indiqué ci-contre).


Un choix entre deux conceptions, qui concerne l’Europe

Au-delà des programmes sur l’Europe, dont il reviendra à chacun de juger de la pertinence et de l’audace, il est un fait marquant de cette élection : pour la première fois depuis longtemps, les Français ont le choix entre deux conceptions opposées de la politique, deux systèmes de valeurs opposés, deux visions de la société très différentes. Nos partenaires européens sont particulièrement sensibles au choix que pourrait faire la France, entre une orientation sociale-démocrate et une autre, libérale et conservatrice. Ce choix entre deux systèmes de valeurs ne sera pas sans conséquence sur le sens de la politique européenne de la France, sa cohérence, son message et les valeurs qu’elle incarne. La France sera soit plus encline à marquer les vertus de son identité nationale par rapport à celles de ses partenaires, soit à mettre en avant les valeurs partagées des Européens ; soit à courir après sa propre grandeur en Europe et dans le monde, soit à affirmer l’Europe en tant que telle sur la scène mondiale ; soit à voir la mondialisation comme une compétition dans laquelle l’Europe comptera des vainqueurs et des perdants, soit comme une chance de créer une dynamique gagnant-gagnant à l’échelle du continent.

Alors que l’option libérale conservatrice met au premier plan la réussite individuelle et la compétition entre agents économiques, l’idée sociale-démocrate est fondée sur l’acceptation de l’économie de marché et sa régulation par la puissance publique et par la loi ; elle est en cela profondément en phase avec la vocation de l’Union européenne, qui se veut « économie sociale de marché ».

La France, pays du « non », est ainsi attendue au tournant par ses partenaires européens, désireux pour la plupart de relancer le processus d’intégration européenne.


Se concurrencer ou coopérer : à quoi bon un gouvernement économique ?

Nicolas Sarkozy, avec en bandoulière son slogan « travailler plus pour gagner plus », fait le pari qu’une baisse des coûts du travail sera à même de relancer la croissance économique de la France. La baisse des coûts du travail est la voie qu’a empruntée l’Allemagne depuis le milieu des années 90, légitime à engager un tel mouvement après la réunification, à partir de lourdes réformes de son Etat-providence et au prix d’efforts considérables de la part de sa population. Et l’Allemagne a réussi son pari : après des sacrifices, la reprise Outre-Rhin fait des envieux, le dynamisme de ses exportations suscite l’admiration de toutes les économies de la planète (alors même que ce pays est dans la zone euro et doit composer avec un euro fort), et renvoie à la face de ses partenaires une position enviable dans la course à la compétitivité. La France a par le passé adopté une attitude comparable, mais pour d’autres raisons : il fallait entreprendre des efforts suffisants pour la réalisation de la monnaie unique. Elle a ainsi poursuivi jusqu’en 1997 sa politique de désinflation compétitive entamée en 1984, choisissant la voie de l’UEM, courant derrière le mark : le pays s’est considérablement modernisé mais au prix d’une très forte montée du chômage et d’une faiblesse importante des investissements. La France a aujourd’hui une économie plutôt saine, mais connaît mais connaît des tensions sociales fortes et répétées sans précédent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cette politique, controversée, a ainsi ses limites évidentes, d’autant plus que l’Euro est désormais une réalité.

Baisser les coûts du travail comme le préconise le programme économique du candidat de droite, et donc inscrire la France dans une course à la compétitivité dont il est difficile de saisir la finalité, si ce n’est à court terme, implique plusieurs choses : diminuer les charges fiscales sur les entreprises en priorité (en commençant par supprimer les charges sur les heures supplémentaires) et par conséquent s’attaquer à l’Etat providence ; réduire les prestations sociales, des indemnités chômage aux retraites, en passant par la sécurité sociale. Réduction des coûts qui passe également par des pressions accrues sur les niveaux de salaire et les conditions de travail, comme cela est le cas en Allemagne depuis le début des années 2000. Une telle option implique de grands sacrifices pour les individus, particulièrement pour les plus défavorisés, l’Etat providence étant le garant d’un certain équilibre social (ce qui n’empêche pas de le moderniser), mais serait profitable, du moins à court terme, aux entreprises. C’est d’ailleurs le sens des préconisations de la Commission européenne, empreintes d’un certain dogmatisme néolibéral (qui a ses raisons et sur lesquelles nous reviendrons plus loin), qu’illustre la place faite au jeu du marché et le frein mis aux interventions publiques dans l’économie, notamment par le biais de l’interdiction des aides d’Etat.

Une telle option suscite plusieurs interrogations : jusqu’où les Français, et plus largement les Européens, seront-ils capables d’accepter de revenir sur leur bien-être social (qu’il est souvent tendancieux de voir désigné par « avantages ») et surtout accepter de voir se creuser encore les inégalités entre les groupes sociaux et les générations ? Qu’en est-il de la pertinence de l’Union économique si les pays d’Europe se livrent mutuellement une concurrence économique, et par conséquent sociale et fiscale, pour s’attirer la plus grosse part du gâteau ? Où sont les limites du dumping fiscal et social, dans une Europe qui prône « l’unité dans la diversité » ? Que sera-t-il dans les années à venir de la cohésion sociale et du rôle des puissances publiques dans un marché commun où les entreprises, de plus en plus mobiles, s’implanteront de plus en plus en fonction des avantages fiscaux offerts localement ? N’y a-t-il pas en effet un risque de voir les Etats de plus en plus affaiblis et incapables de maîtriser leurs économies ?

Revenons sur le cas particulier de l’Allemagne. Celle-ci a fait un choix intelligent au lendemain de la création de l’Union économique et monétaire et de sa réunification : il fallait à tout prix moderniser un pays qui, à l’est, sortait de quarante ans de communisme, et qui, à l’ouest, devait faire face à la restructuration du modèle industriel rhénan. Il s’agissait également de tirer profit de la nouvelle Union et des instruments mis en place sans qu’il n’y ait pour autant de gouvernement économique : en l’absence d’une véritable Europe économique, ce choix semble guidé par le bon sens. Mais s’engageant dans la voie de la réduction des coûts du travail, l’Allemagne est parvenue à gagner des parts de marché et à en prendre à la France et à ses autres partenaires européens (l’Italie et l’Espagne notamment), alors que 60% des échanges des pays européens sont intra-européens : voilà au niveau européen la limite d’une telle démarche.

En définitive, la question suivante interroge la pertinence d’une véritable Union économique : si l’Allemagne montre que le chemin de la réforme est possible, tout en étant dessaisie de l’instrument monétaire, à quoi bon vouloir un gouvernement économique dans la zone euro ?


Myopie du marché ou politiques d’avenir

Aujourd’hui, alors que l’Union européenne est en panne de projet (en réalité, il y a une « absence » de projet depuis Maastricht, qui est devenue une « panne » depuis l’élargissement de 2004), quelle option privilégier ? Se disputer des parts de marché au prix de sacrifices croissants de la part des citoyens et d’une diminution des investissements ? Faut-il favoriser le court terme ou le long terme ? Faut-il préférer la compétition à l’émulation ? La concurrence à la coopération ? Faut-il privilégier la myopie du marché à la vision et à la volonté politique ?

La réponse peut sembler évidente mais est lourde d’implications, si tant est que mettre au service de l’intégration européenne la volonté politique puisse être considéré comme « lourd ». Faire le choix d’une politique européenne réellement sociale-démocrate implique en effet, en amont, de sortir de cette sorte de préférence pour le « statu quo » dans lequel la France semble être tombée depuis les années de présidence Chirac : pas de projet pour l’Europe, une préservation des équilibres existants par facilité (on se rappellera Nice et l’incroyable cuisine pour la réforme du système de vote à la majorité qualifié visant à ne fâcher personne), bref, une attitude d’entre-deux - ou plutôt d’entre 27 - qui ne mène nulle part et qui laisse chacun à son propre sort. Le statu quo encourage le chacun pour soi.

Premier pilier d’une politique sociale-démocrate, la relance du projet européen, en premier lieu par l’économique et le social : le lancement de politiques « coopératives », de mise en commun des compétences entre Etats européens, au moins dans la zone euro, afin d’investir dans les politiques d’avenir, jusque-là grandes oubliées de la réalité de l’intégration européenne ; universités, innovation, recherche, grands projets, politique industrielle, environnement au premier plan. C’est, à vrai dire, le sens de la stratégie de Lisbonne, qui vise à faire de l’Europe « l’économie de la connaissance la plus compétitive au monde » d’ici à 2010, et qui n’a jamais atteint ses objectifs, faute de moyens. Il s’agit donc de doter enfin l’Europe des instruments nécessaires : il ne peut y avoir de projet plus concret.

Il s’agit en fait d’être cohérent avec la vocation du prolongement politique de la construction européenne : pour les sociaux-démocrates, la construction européenne devait permettre, en tant que créatrice d’un marché commun, de supprimer les goulots d’étranglement responsables de l’échec des politiques de relance keynésienne en économie ouverte. En l’absence de projet dépassant la simple coordination ouverte des politiques, l’Europe suit un tout autre chemin : concurrence entre nations, course au moins disant social et fiscal, installation inquiétante d’une logique néolibérale isolant les acteurs dans leur propre logique. Les ressorts sont donc politiques : on ne peut se projeter, investir dans l’avenir, faire le choix d’une économie intrinsèquement et structurellement dynamique sans outils communs. Car il ne suffit pas de se contenter de miser sur la compétitivité des entreprises.


Un projet pour investir dans l’avenir

La voie de la baisse des coûts du travail qu’implique la réforme libérale (qu’implique une politique de l’offre) ne semble plus aujourd’hui justifiée : si de stricts gains de compétitivité sont encore et toujours possibles, l’investissement dans les politiques d’avenir est seul capable de poser les bases d’une croissance durable fondée sur l’amélioration de la productivité (et donc la baisse relative des coûts salariaux), le renforcement de l’attractivité et l’innovation. Elle sera encore moins pertinente et d’autant plus contradictoire du moment que la zone euro s’emploiera à mettre en place les bases de politiques fondées sur la coopération, la mise en commun des énergies plutôt que la concurrence entre nations au sein d’‘une zone de libre-échange.

Il faut rappeler que ce sont les gouvernements des Etats membres qui ont le pouvoir de décider de l’avenir de l’Union et de ses grandes orientations : le positionnement de la Commission dépend en grande partie de leurs orientations. La Commission est par ailleurs actuellement porteuse du dogme néolibéral par nécessité de légitimer son existence, technocratique et détachée de véritable appui démocratique (si ce n’est l’approbation des commissaires par le Parlement européen) ; les gouvernements des Etats membres ont entre leurs mains l’orientation politique et économique de l’Union quelle que soit la position de la Commission.

Une telle relance passe par conséquent par la fixation claire d’un objectif plus ou moins lointain : la mise en place d’un gouvernement économique, à l’échelle de la zone euro. Pour en arriver là, à terme, il importe de procéder par paliers successifs. Jean-Paul Fitoussi et l’OFCE, qui interviennent régulièrement sur Euros du village, avancent ainsi l’idée de mise en commun des politiques de l’environnement, de l’énergie et de la recherche. De même, donner les moyens à l’Union européenne et à ses Etat membres de mener de véritables politiques industrielles est essentiel : les déboires d’EADS, de Galileo, la modestie des réseaux transeuropéens de transport et d’énergie, devraient alerter collectivement les responsables politiques européens sur la nécessité de permettre à la puissance publique d’investir massivement dans des projets industriels que le privé ne peut assumer, faute de rendements à court terme. Voilà à quoi pourrait servir un budget européen, aujourd’hui réduit à environ 1% du PIB, qu’il conviendrait de renforcer considérablement, au besoin par des ressources nouvelles. Cela met également en question les restrictions imposées sur les aides d’Etat au motif de la libre concurrence, qui n’est pas nécessairement bénéfique partout.

Cette mise en avant des politiques d’investissement rendrait d’autant plus sains et efficaces les dispositifs de protection au niveau européen : politique commerciale, politique agricole, protection des brevets et de la propriété intellectuelle auraient d’autant plus de sens que les Européens se sentent davantage enviés pour la qualité de leurs produits et leur dynamisme économique que menacés par l’invasion des produits étrangers ou la fuite de leurs compétences. Ce choix n’implique pas non plus de considérer le rôle de l’Etat providence comme obsolète : modernisé, axé sur la formation, l’amélioration des conditions de travail et la sécurisation des parcours professionnels, ainsi qu’une meilleure prise en charge collective des risques collectifs (chômage, sécurité sociale, retraites), il représente également un investissement salutaire. Compétitivité de l’Europe par rapport au reste du monde, croissance durable et cohésion sociale vont de pair.


Pourquoi le rôle de la France est essentiel

Depuis les prémices de la construction européenne, la France possède un rôle d’impulsion fondamental qu’elle n’a pu concrétiser qu’aux côtés de ses partenaires, en premier lieu le Bénélux, l’Italie, l’Espagne, mais surtout l’Allemagne. L’Union européenne de 2007 ne peut qu’attendre de la France un retour sûr au premier plan de la scène européenne, et de sa capacité d’initiative. C’est à partir du cœur historique de cette Europe à 27 Etats, très contrastés et aux aspirations encore trop différentes, que pourra s’esquisser une relance par la construction d’un gouvernement économique. La voie d’une coopération renforcée fondée sur un projet de mise en commun de nouvelles compétences décisives en matière économique, à partir de ce noyau dur et ouverte à tous les Etats membres prêts à se lancer dans l’aventure, sera à même d’enclencher une dynamique. On retrouve ici l’importance fondamentale du couple franco-allemand.

Si Nicolas Sarkozy appelle à la mise en place d’un gouvernement économique, et l’on peut s’en réjouir, seule la candidature de Ségolène Royal porte en elle la crédibilité d’une telle perspective. Il est en effet difficile de s’imaginer que cet horizon soit réellement compatible avec les choix économiques que le candidat de droite met en avant. Ses propositions visant à la baisse des coûts du travail, et par conséquent à la modération salariale, vont dans le sens opposé. Mais au-delà de ça, elles sont incohérentes avec le reste : la baisse qu’il propose d’une diminution de quatre points de PIB des prélèvements obligatoires (et notamment via un bouclier fiscal de 50% et la suppression des droits de succession, mesures très inégalitaires) représenterait l’équivalent d’une diminution par deux des budgets de l’assurance maladie et de la sécurité sociale, soit quatre fois le budget de l’enseignement et de la recherche. On est loin des politiques d’avenir. En parallèle, ces coupes risquent de laisser filer les déficits pour ajuster les comptes de l’Etat (quid des critères de Maastricht ?), dont il sera impossible de réduire le « train de vie » d’autant, à moins de créer de nouvelles taxes ou de couper de manière incommensurable dans les dépenses. Des telles orientations, où désengagement de l’Etat rime avec gonflement des déficits, ne sont pas sans rappeler les pratiques des administrations Bush et Reagan.

En outre, s’agissant de l’Union européenne, il doit également être question de valeurs et d’attachements. Les relents réactionnaires de Nicolas Sarkozy sur les plans de l’identité nationale et des rapports sociaux, son mode de leadership en tant qu’homme de responsabilités (davantage fondé sur les allégeances que les compétences), son peu d’intérêt manifesté pour Bruxelles lorsqu’il était membre du gouvernement (il était absent de la plupart des conseils des ministres de l’Union européenne), son atlantisme revendiqué et son affichage ostentatoire avec George Bush, n’augurent pas d’une réelle volonté de coopération et d’écoute de ses partenaires européens autre que de façade ou de circonstance.

Les propositions du candidat de droite sont à mettre en perspective avec la volonté affichée de Ségolène Royal de se fonder sur le dialogue social, de jeter les bases d’une Europe sociale, d’ancrer l’Europe dans l’investissement dans les secteurs clefs que sont la recherche, l’énergie et l’environnement. Son programme est probablement moins précis, mais il ne sacrifie pas la cohérence et l’ambition d’une relance durable de l’Union européenne. Surtout, il s’inscrit dans l’ouverture aux autres et une ferme volonté de coopération qui tranche avec une certaine arrogance reprochée à la France.

La chance à saisir ne se situerait-elle donc pas dans le mouvement inéluctable de l’émergence d’une social-démocratie française ? La gauche française, en particulier le Parti socialiste, connaît une transformation considérable, concomittante avec la candidature de Ségolène Royal, qui aura su dessiner un désir de changement. Sa pensée se renouvelle, sa vision du changement social se modernise, et elle sort enfin de l’impasse idéologique dans laquelle elle s’était enfermée. La campagne électorale de 2007, qui aura vu une montée en puissance du candidat centriste, aura renforcé cette remise en question et imposé une ouverture particulièrement salutaire : la mise en avant de personnalités comme Jacques Delors ou Dominique Strauss-Kahn, pressenties pour jouer un éventuel rôle de premier plan, sont des signes évidents de cette modernisation. Modernisation qui implique d’assumer enfin l’économie de marché tout en mettant au premier plan le rôle du politique et l’investissement dans l’avenir.


Ne jamais perdre de vue ce qui rassemble

Alors que certains mettent en avant les divisions pour mieux marquer leurs cibles, opposent les uns aux autres, l’avenir d’une Union européenne à 27 en plein questionnement ne peut certainement pas s’éclaircir par la mise en évidence de ce qui divise plutôt que ce qui rassemble. Les Européens ont en commun des valeurs humanistes, un attachement à la solidarité et à la cohésion sociale que la mondialisation, selon les discours, peut tout autant masquer que révéler. Sur le plan économique, cela se traduit par l’expression d’une « économie sociale de marché » qui tient aujourd’hui plus de place dans les mots que dans la réalité, faute d’un véritable gouvernement économique.

Il importe de ne pas perdre de vue ce qui ne divise pas les Européens et de construire ce qui rapproche. Et c’est en cela que l’Europe ne doit pas être la grande oubliée.

Par Mathieu COLLET, pour Euros du Village


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6 réactions à cet article    


  • tvargentine.com lerma 14 mai 2007 11:13

    Non,la France n’a pas besoin d’une social-démocratie.

    La social démocratie c’est du centrisme moue avec une dose de compassion social.

    Préférons plutot un programme de gauche réaliste ou un programme de droite réaliste qui soit mis en application une fois au pouvoir.

    Les gens qui se réclament de la social-démocratie sont à l’image de Ségolène Royal,qui n’avait rien à proposer (Pas de projet de société,pas d’idées,RIEN,juste de la gestion techno avec un zeste de compassion)

    La société n’avance pas ,elle regresse


    • Euros du Village Euros du Village 14 mai 2007 11:36

      Simple petite remarque : cet article a été écrit juste avant le second tour, mais le débat qu’il souligne est d’une brûlante actualité (pb de coordination avec la soumission à agoravox). Simplement, remplacer les quelques « pourrait » par « pourra » et supprimer le conditionnel...


      • Schwarzenegger 14 mai 2007 11:44

        Si Sego avait passé moins de temps avec ses amants, elle aurait travaillé plus consciencieusement et plus intelligemment.


        • Schwarzenegger 14 mai 2007 12:28

          « Si chacun travaillait le fitness, si chacun oeuvrait ainsi à répandre la fraternité et l’entraide, alors là oui, oui le monde serait meilleur. »


          • cybitnap cybitnap 14 mai 2007 16:19

            C’est surtout la France qui a besoin d’un parti social démocrate en lieu et place d’un Parti Socialiste archaique et immobiliste.

            Une autre chose qui est sûre, c’est qu’il faut arrêter de croire que tous les pays européens vont se jeter dans ce fameux « modèle social francais ». On veut leur imposer un système qui est plus que contesté au sein même de la population francaise.

            C’est comme aller voir les paradis fiscaux et dire « Méchants paradis fiscaux. Regardez donc notre enfer fiscal à nous, il y fait meilleur, tout est taxé et retaxé et lorsqu’il en reste encore, on le surtaxe. Plus de la moitié des revenus du travail sont escroqués par un beau petit Etat obèse, chacun (particulier et entreprise) a le droit de remplir un tas de formulaires pour bénéficier d’un assistanat étatique ».

            Même au sein de la famille de gauche européenne, le PS est mis à l’écart car jugé ’obsolète, immobiliste et dangereux pour l’économie européenne’.

            ’fin à l’allure où le PS se rénove et s’ouvre au monde extérieur, on a pas de quoi s’inquiéter. Et visiblement le désastre de 2007 n’a pas trop bouleversé les socialistes puisque la candidate pense qu’il faut déjà la désigner pour 2012 avant même de formuler un nouveau projet socialiste en phase avec le 21ème siècle.


            • ARMINIUS ARMINIUS 14 mai 2007 19:42

              A propos de l’Allemagne, non seulement elle a réussi à sortir de la crise mais de plus, son projet pour les années à venir va probablement lui permettre de continuer à nous distancer : 15 milliards d’Euros pour la recherche d’ici à 2009 ( soit 3% de son PIB annuel) avec en accompagnement une méthode généralisée consistant à lancer des ponts immédiatement entre recherche et économie ( nouvelles technologies liées à l’environnement, services etc...). Le but : conforter les places ou elle est leader et conquérir de nouveaux marchés sur ses créneaux d’excellence. C’est simple, pragmatique et d’une redoutable efficacité. Espérons que nos nouveaux ministres concernés seront à la hauteur, mais j’ai peur qu’avec la « combinazione » Sarkozy, sous couvert d’ouverture et de parité, on passe encore a coté de l’essentiel : choisir les meilleurs.

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