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Pourquoi les « madones des sondages » ne gagnent jamais la présidentielle

À une année de l’élection présidentielle Martine Aubry et François Hollande sont en tête des sondages d’intention de vote et les médias répètent maintenant – après l’avoir fait inlassablement pour DSK – qu’ « ils sont les mieux placés pour la remporter ». Mais est-ce bien suffisant et nécessaire d’être en tête des sondages aujourd’hui pour gagner en 2012 ? Si on se penche sur les précédentes présidentielles, la nature des sondages et le climat socio-économique en France on s’aperçoit que rien n’est moins sûr. 

Examinons les faits.

Dans les sondages récents, François Hollande obtient entre 29 et 31% d’intentions de vote pour le premier tour et Martine Aubry entre 24 et 28%. Or au début de l’année 1994, c’est-à-dire à plus d’une année de la présidentielle de 1995, Edouard Balladur obtenait jusqu’à 52% d’intentions de vote pour le premier tour et 68% pour le deuxième tandis que son rival, Jacques Chirac n’était crédité que de 17% d’intentions pour le premier tour. Et en janvier 2001 Lionel Jospin était en tête d’un sondage CSA avec 29% des intentions de vote alors que Chirac n’en était crédité que de 18%. On connait la suite : ni Balladur, ni Jospin ne passeront le premier tour et Chirac remportera les deux élections. Et ces deux exemples ne sont pas des cas isolés puisque depuis 1981, aucun candidat - à part Mitterrand en 1988 - n’a gagné la présidentielle en étant en tête des sondages à une année du scrutin (1).

Comment expliquer cela ? Par la nature même des sondages d’intentions de vote. Car ces sondages, lorsqu’ils sont réalisés à une année et même à six mois de l’élection présidentielle présentent un gros défaut : ils ne rendent compte que de l’opinion d’une minorité, puisque non seulement près de la moitié des gens qui y répondent disent ne pas être sûr de leur choix (2), mais en plus, une très large majorité des électeurs sollicités refusent d’y répondre (entre 75 et 95%)(3). Et ces non-réponses sont considérées dans ce cas par le sociologue Patrick Champagne de l’ACRIMED comme étant en grande partie le fait d’électeurs indécis (4).
 
Or F. Dabi de l’institut IFOP révélait récemment au Monde qu’en 2007, 22% des personnes interrogées avouaient avoir fait leur choix le jour de l’élection, ce qui tendrait à accréditer l’affirmation selon laquelle les indécis sont largement majoritaires à une année du scrutin (5) (Notons que F. Dabi a ajouté que l’indécision « est de plus en plus forte, année après année »).
 
Ce sont donc les indécis qui font basculer le résultat de l’élection et infirment les sondages réalisés trop tôt avant son échéance. Et indépendamment du fait qu’ils sont influencés dans leur choix par la campagne et par les événements qui surviennent pendant celle-ci, on peut avancer que globalement, les indécis ne votent pas comme les gens plus fortement politisés qui savent déjà à une année du scrutin pour qui ils vont voter.
 
Pourquoi cela ? Parce que les indécis ont un profit social différent des gens plus politisés. On sait en effet, depuis les recherches de Daniel Gaxie, que les gens les plus politisés, ceux qui se tiennent informés des événements politiques, ont généralement un meilleur niveau d’étude et des revenus plus élevés que la moyenne. Et ils ne représentent que 10 à 20% des Français (6). Par contre, selon une étude du Front de Gauche, il y a parmi les gens qui ne répondent pas aux sondages – dont font parti les indécis – d’avantage de gens peu diplômés et mal intégrés socialement, ce qui fait que « dans la plupart des sondages, les classes populaires sont sous-représentées » (7).
 
Mais il y a plus encore. Car l’augmentation de l’indécision a probablement des relations avec d’autres phénomènes, notamment avec celui qui s’exprime dans les résultats d’une série de sondages d’opinions récents (qui bien que souffrants de nombreuses imperfections sont beaucoup moins sujet à l’indécision de par leur nature) : la fracture grandissante entre la classe politique, les médias et les citoyens. Ces sondages nous apprennent en effet que 58% de sondés souhaitent une révolte en France (8), 85% des 15-35 ans ne font pas confiance à la classe politique (9), 71% de sondés ne font pas confiance aux médias, 68% pensent que gauche et droite font la même politique une fois au pouvoir et 96% pensent que banquiers et financiers gouvernent la France (10). Et Anne Muxel, directrice de recherche au CNRS confirme en annonçant qu’ « aujourd’hui 67% des Français ne font pas confiance ni à la droite, ni à la gauche » (11).
 
Pour Marianne 2, qui a publié ces trois derniers sondages dans un article sur l’abstention, « il y a de quoi s’inquiété face à l’écart abyssal entre la France d’en bas et celle d’en haut » (10). Mais en plus du rapprochement que fait Marianne 2 entre les classes défavorisées et la défiance des citoyens par rapport aux élites politico-médiatiques, on peut certainement en faire un autre entre les résultats de ces sondages, l’indécision et l’abstention ; puisqu’on considère généralement que l’abstention et le refus de répondre aux sondages – donc l’indécision – sont approximativement le fait des mêmes personnes (12). Et bien que cela paraisse paradoxal d’associer des groupes de population déterminés par les résultats de plusieurs sondages avec les gens qui refusent de répondre aux sondages, on est forcé d’admettre que les Français qui souffrent ou sont menacés de précarisation sont certainement plus enclins à penser que la classe politique et les médias ne sont pas dignes de confiance, à se désintéresser de la politique, à avoir des difficultés à faire des choix de candidats aux élections et/ou à s’abstenir.
 
Ainsi, l’augmentation de l’indécision, de l’abstention (de 54 et 59% aux trois dernières élections), de la défiance des citoyens par rapport aux élites politico-médiatiques s’expliquerait par la précarisation des classes moyennes qui glissent de plus en plus vers « la France d’en bas ». Tout ceci reflèterait une réalité sociale plus ou moins homogène constituée de groupes de population ayant entre eux des recoupements très importants.
 
Mais aujourd’hui cette réalité sociale qui concerne une majorité de Français n’est absolument pas prise en compte puisqu’elle est invisible dans les sondages d’intention de vote. Tout semble plutôt indiquer que les partis en font abstraction, notamment le Parti Socialiste, qui à l’exception de Ségolène Royal, parait ne pas se soucier de la « France d’en bas », et préfère visiblement surfer sur les bons sondages et séduire la minorité qui les alimente. Seulement voilà, cette « majorité invisible » va probablement se déplacer pour voter à la présidentielle – comme c’est le cas à chaque fois – et on ne sait absolument pas pour qui. La gauche ne devrait-elle pas dans ce cas tenter de reprendre contact avec elle ?
 
Par Gaël Michel
 
1. http://davidm.blog.lemonde.fr/2011/04/08/sondages-en-toc/ http://www.lemonde.fr/societe/infographie/2006/09/14/les-precedents-sondages-pour-les-presidentielles_813205_3224.html
2. Le Canard Enchainé, le 13 mars 2007
3.http://www.monde-diplomatique.fr/2001/03/GARRIGOU/14917 http://www.lepartidegauche.fr/editos/arguments/3481-les-sondages-et-la-fabrique-de-lopinion
4. http://www.acrimed.org/article2620.html
5.http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/04/21/quel-credit-accorder-aux-sondages-predisant-un-21-avril-a-l-envers_1510788_823448.html
6. A. Collovald, G. Courty, Les grands problèmes politiques contemporains, Paris Ed. de L’Etudiant, 2007, p.65 et 151
7. http://www.lepartidegauche.fr/editos/arguments/3481-les-sondages-et-la-fabrique-de-lopinion
8. http://www.harrisinteractive.fr/news/2011/16022011.asp
9.http://www.lexpress.fr/actualite/politique/pourquoi-le-ps-s-obstine-a-draguer-les-jeunes_978733.html
10. http://www.marianne2.fr/Exclusif-qui-vote-qui-ne-vote-pas-et-pourquoi_a203926.html
11. http://www.liberation.fr/politiques/01012333611-internet-l-arme-anti-abstention
12. http://www.monde-diplomatique.fr/2001/03/GARRIGOU/14917

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8 réactions à cet article    


  • HELIOS HELIOS 7 juin 2011 11:12

    ... elle a une tête de president de la république, Martine Aubry ?

    alons, allons, soyons clair, ce ne sont ni S Royal, ni Martine Aubry qui ont une envergure de president. Les deux ont pourtant une sacrée equipe par derriere, puisque c’est tout le PS. mais ce sont tous des bras cassés, en plein pugilat permanent, bref rien de bon pour la France, surtout en remplacement d’une droite qu’ils tentent d’imiter au mepris de leur valeurs « officielles ».

    ... Rassurez vous, il y a peu de vrais candidats....


    • Gaël Michel Gaël Michel 7 juin 2011 11:52

      Par sa force de proposition S. Royal a de quoi être une très bonne candidate. N’oubliez pas qu’elle est à l’origine de la moitié des propositions du projet socialiste. Et elle a fait des propositions plus audacieuses et plus judicieuses que les autres candidats.


    • leypanou 7 juin 2011 12:30

      à l’auteur :

      Avec BHL comme conseiller politique en chef ? S.R a fait son temps. Et même avec son Désir d’Avenir, elle n’aura aucune chance. Elle aurait déjà du gagner en 2007 si elle avait de l’envergure. Déjà au niveau de politique étrangère, c’est zéro (cf conflit israelo-palestinien, remarques sur Tony Blair, etc, etc).


    • Gaël Michel Gaël Michel 7 juin 2011 13:04

      BHL n’est de loin pas son conseiller politique en chef ! Sur 2007, savez-vous que les éléphant du PS lui ont tous plus ou moins savonné la planche, surtout les strauss-kahnien. Personne n’a jamais gagné une élection de ce type sans l’appuie de son parti.


    • jef88 jef88 7 juin 2011 19:10

      Sont elles apliquables et a t’elle envie de les apliquer  ?


    • Gaël Michel Gaël Michel 8 juin 2011 12:05

      L’ambition de Ségolène Royal, ce n’est pas seulement d’être présidente, mais d’être présidente pour mener un certain nombre de réformes et de changements.

      Si tel n’avait pas été le cas, elle aurait eu la prudence de s’affilier aux clubs de penser et autres groupes de réflexion du type Le Siècle, le Club Vauban, etc. Cela lui aurait apporté une protection et lui aurait permit de rassurer les milieux économiques notamment (les transnationales du CAC40, s’entend, pas les PME), sur ses intentions, c’est-à-dire d’infirmer certaines de ses propositions en coulisse, par exemple son intention de séparer la banque de crédit d’avec la banque spéculative. Ces clubs sont très utiles pour ceux qui ont l’intention de servir les intérêts très particuliers de ces milieux-là.

      Mais se serait très mal connaitre S. Royal que de croire qu’elle puisse se comporter de cette façon. Son action dans sa région, sa liberté de parole, la fait qu’elle mette en avant les vraies questions, notamment son engagement à réaliser en premier la réforme bancaire (mettre au pas les banques), alors qu’une nouvelle crise financière est annoncée, tous ceci montre bien que son désir politique n’a rien a voir avec de la simple ambition personnelle, qu’elle désire avant tout agir et agir bien, c-à-d faire ce que la plupart des autres n’oseront pas, n’imagineront pas ou ne voudrons pas accomplir.


    • LE CHAT LE CHAT 7 juin 2011 13:47

      les sondages sont bidouillés par la classe politico médiatique pour modeler l’opinion , il ne sont en rien l’opinion réelle des vrais gens !


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