Présidentielle 2012 : Pourquoi Sarkozy doute. Et pourquoi les Français ne veulent plus de lui
Etrange paradoxe que ces Français qui croient en la réélection de Nicolas Sarkozy mais n’en veulent surtout pas. Bien sûr, nous l’avons vu, le sarko-optimisme n’est pas dépourvu de fondements (voir "Pourquoi les Sarkozystes espèrent. Et les Français y croient"). Seulement voilà : de nombreux faits militent aussi en faveur d’une défaite de Nicolas Sarkozy. Moins souvent évoqués, ces clignotants oranges, voire rouges, dessinent les contours d’un président suscitant une haine au moins aussi grande que la déception dont il est aujourd'hui en partie l'incarnation.
Ayant exprimé le désir d’être jugé sur ses résultats beaucoup plus que sur ce qu’il incarne, Nicolas Sarkozy est aujourd’hui autant critiqué sur ce qu’il est que sur ce qu’il fait. Le pire qu'il redoute désormais c’est qu’aucun sursaut ne se produise lors de la désignation du candidat socialiste.
Le rejet de la personne rejoindrait alors une volonté plus générale de changement après 15 ans de gouvernement de droite...
Les enquêtes d’opinion
1- Un taux d’impopularité record sous Vème République
Avec 71 % d’opinions négatives à son égard, Nicolas Sarkozy a détrôné Jacques Chirac en mars dernier pour devenir le président le plus impopulaire de la Vème République. Depuis, la côte de N. Sarkozy est remontée. Mais une très large majorité de Français continuent d’avoir une opinion négative du président. Au-delà des railleries des députés qui se demandent s’il existe encore « un sarkozyste en France », ce rejet traduit la faiblesse du lien affectif entre le chef de l’éxécutif et l’opinion.
2- Des sondages électoraux défavorables
Depuis plusieurs mois, Nicolas Sarkozy se retrouve systématiquement battu voire écrasé par le candidat socialiste – à l’exception de Ségolène Royal – quand il n’est pas éliminé dès le premier tour par la candidate du Front national. Le retrait de DSK, pourtant considéré comme l’adversaire le plus dangereux pour le président sortant, n’y a rien changé. Si la tendance ne s’inverse pas lors de la désignation du candidat socialiste à l’automne, la légitimité de Nicolas Sarkozy sera inévitablement contestée à la fin de l’année par sa propre majorité.
Sur le bilan
3- Une déception sans précédant
Simple effet de la crise ou de la façon d’exercer la fonction présidentielle ? Le fait est que deux ans après son entrée à l’Elysée, Nicolas Sarkozy décevait déjà plus que François Mitterrand en 1983 et autant que Jacques Chirac en 1997. Un score inquiétant si on se souvient que 1997 fut aussi l’année de la victoire de la gauche aux législatives. Plus inquiétant encore pour N. Sarkozy : les déçus sont passés de 59% en 2009 à 69% en 2010 et à 73% cette année. Même Valéry Giscard d’Estaing recueillait 43% d’opinion favorables sur son bilan en 1980.
4- Des réformes qui ne font pas consensus
Nicolas Sarkozy en fera certainement un de ses arguments forts de campagne : il a voulu (et au moins en partie concrétisé) des réformes contre une partie de l’opinion publique. Un point difficilement contestable. Seul problème – mais de taille -, les Français ne lui en sont pas vraiment gré. A l’exception de l’allègement des droits de succession qui fait l’unanimité (60% d’avis favorables), les grandes réformes sont majoritairement critiquées : le bouclier fiscal, la réforme des retraites, le grand emprunt, la réforme des universités et la création d’un pôle emploi.
Sur Nicolas Sarkozy
5- Une posture insuffisamment présidentielle
Depuis 2007, des images restent gravées dans les mémoires. Images d’un président omniprésent et omnipotent relégant son premier ministre au rang de simple collaborateur. Images d’un président agité, nerveux, agressif, manquant de la retenue et du sang froid inhérentes à la fonction, capable de rétorquer « ben descends me le dire alors » ou « casse-toi pauvre con ». Images aussi d’un président « bling bling » fêtant sa victoire au Fouquet’s, se reposant sur un yatch, amateur de marques de Ray Ban et de Rolex. Aujourd’hui, les efforts de N. Sarkozy pour habiter la fonction présidentielle semblent trop tardifs pour porter leurs fruits.
6- L’image d’un « ami des puissants »
Nicolas Sarkozy se voulait proche du peuple. Mais celui qui a voulu maintenir le bouclier fiscal contre une partie de sa propre majorité (avant d’y renoncer) a fini par apparaître comme l’« ami des riches ». Une image que l’épisode de l’Epad a aggravé. En soutenant la candidature de son fils à l’EPAD, Nicolas Sarkozy a donné le sentiment de renier ce qu’il n’avait cessé d’appeler de ses voeux durant la campagne des présidentielles : la réhabilitation du mérite. L’excuse de la crise et l’instauration d’une prime de 1000 euros suffiront-t-elles à renouer les fils d’une relation contrariée avec les Français les plus modestes ? Ce sera en tout cas un des enjeux majeurs de la prochaine campagne.
Sur la concurrence
7- DSK, un retrait qui ne change pas le rapport de force
Pour N. sarkozy, l’affaire DSK a constitué une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle ? L’élimination d’un adversaire qui, d’emblée, avait la stature présidentielle et la capacité de séduire l’électorat de centre droit. La mauvaise nouvelle ? Le retrait de DSK n’a visiblement pas profité à N. Sarkozy. François Hollande a ramassé la mise et apparait aujourd’hui comme un adversaire qu’on aurait tort de sousestimer. Martine Aubry pourrait, elle aussi, réserver quelques surprises. Bien sûr, rien n’est certain. Mais N. Sarkozy ne peut exclure ni la réussite des primaires, ni un candiat qui, se définissant comme l’antithèse de son personnage, pourrait incarner avec succès une volonté générale de changement.
8- Des centristes en embuscade
Bayrou, Borloo, Morin, Villepin. Le centre-droit assiste à une multiplication des candidats sur la ligne de départ. Si Xavier Bertrand évoque un « tour de chauffe médiatique » qui ne se transformera pas en réelles candidatures sur la ligne de départ, la crainte d’un 21 avril est dans tous les esprits. D’autant que ces candidatures, si elles se concrétisaient toutes ou en en partie, pourraient recueillir les suffrages de la droite modérée heurtée par les positions du président sur les roms, les débats sur l’identité nationale et sur l’islam.
9- La menace Marine Le Pen
En 2007, Nicolas Sarkozy avait pris de court Jean-Marie Le Pen, dans sa dernière bataille, en séduisant une partie de l’électorat frontiste. En 2012, le FN a une revanche à prendre et pour y parvenir, Marine Le Pen a un argument : « Sarkozy vous a berné ». Déjà, « la France qui se lève tôt » qui avait fait basculer le vote en la faveur de Nicolas Sarkozy en 2007 s’est détourné : les ouvriers, les salariés et petits commerçants aux revenus modestes qui se sont sentis abandonnés sont plus que jamais dans le viseur de Marine Le Pen.
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