Présidentielle : vers un nombre de candidats historiquement faible ?
La baisse du nombre de candidatures prend le contrepied d’une évolution à la hausse depuis le passage à l’an 2000.

La fameuse règle des 500 parrainages d’élus n’a pas toujours été un problème pour les « petits » candidats. Dans l’histoire de Cinquième République, le nombre de candidats à la fonction suprême, si l’on fait abstraction des deux premières élections au cours desquelles le système pouvait être jugé comme étant encore en rodage, a rapidement augmenté : 6 candidats en 1965, 7 en 1969, 12 en 1974, 10 en 1981, première élection présidentielle appliquant le fameux système des 500 signatures, 9 en 1988, 9 en 1995, 16 en 2002 et 12 en 2007.
2012 sera-t-elle l’élection d’un certain retour aux origines ? Peu de candidats, en effets, semblent en mesure d’aller jusqu’au bout de leur démarche. A droite, la majorité sortante fait bloc derrière Nicolas Sarkozy : Christine Boutin et Hervé Morin ont déjà annoncé qu’ils se ralliaient au président sortant. Au centre-gauche, Hollande ne souffrira d’aucune concurrence : le Parti radical de gauche (PRG), qui avait présenté Christiane Taubira en 2002, le soutient depuis la tenue de la primaire socialiste auquel il a participé ; quant à Jean-Pierre Chevènement, il a jeté l’éponge après s’être présenté dans un premier temps, comme il l’avait fait en 2007. Du côté de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon est assuré de réunir les 500 parrainages, grâce à la bonne implantation du PCF qui revendique encore 10.000 élus. François Bayrou n’a pas d’appareil fort derrière lui, mais sa notoriété le préserve également d’un éventuel manque de signatures. Quant à Eva Joly, si l’ont tient compte du fait que les Verts parviennent à présenter un candidat à chaque scrutin depuis 1974, sa présence au premier tour fait également peu de doutes.
Cette élection présidentielle est donc assurée de voir entrer en lice au moins 5 candidats : Hollande, Sarkozy, Bayrou, Mélenchon et Joly. Mais qu’en est-il des autres ? La polémique entourant la possible disqualification de Marine Le Pen par manque de signatures a enflé ces derniers jours. Toutefois, la présence de son père à toutes les élections sans exception depuis 1988 laisse à penser qu’elle sera « logiquement » bel et bien candidate. A chaque élection, le FN peste contre ce système des 500 signatures, qui lui fait payer son manque d’implantation locale, et notamment sa négligence à l’égard des élections municipales qui fournissent l’essentiel des élus locaux des principaux partis politiques.
Si la majorité sortante fait bloc derrière Sarkozy, les éternels dissidents que sont Dominique De Villepin et Nicolas Dupont-Aignan sont encore de la partie. L’ancien premier ministre de Jacques Chirac, qui plafonne à 2 % dans les sondages et subit sans arrêt des défections dans l’appareil de son propre parti, République Solidaire, a selon toute évidence échoué à rassembler les électeurs traditionnels de la droite déçus par le président sortant. Sauf à subir une humiliation indigne de son passé politique, il ne devrait pas aller jusqu’au bout. Plus iconoclaste, la candidature de Dupont-Aignan, solidement soutenue par son petit parti, Debout la République (DLR), paraît plus naturelle : il était déjà candidat en 2007 et avait dû renoncer par manque de signatures. Cette fois-ci, il le jure, ses parrainages, il les aura ! Profondément eurosceptique, féroce adversaire de l’euro, « NDA » incarne un courant souverainiste et néogaulliste traditionnel de la droite française, principalement issu du RPR et représenté en leur temps par Charles Pasqua et Philippe Séguin. Bien qu’il plafonne à 1 % d’intentions de vote dans les sondages, Dupont-Aignan a prouvé lors des élections régionales en Île-de-France qu’il était capable de trouver des électeurs pour soutenir ses idées.
Côté trotskyste, Nathalie Arthaud refuse de communiquer un quelconque chiffre mais affiche sa confiance. La fidélité des élus qui ont permis à Arlette Laguiller de porter les couleurs de Lutte Ouvrière à chaque fois depuis 1974 devrait faire le reste, quoique le manque de notoriété dont souffre la nouvelle porte-parole de LO pourrait bien la mettre en porte-à-faux avec ce réseau de soutiens traditionnels. En revanche, Philippe Poutou semble bien mal partit. Totalement inconnu, peu à l’aise avec les médias comme l’est Besancenot, le candidat du NPA souffre en outre de fortes dissensions internes, près de la moitié des élus du Conseil politique national (CPN) de son parti lui demandant de jeter l’éponge. Ses soutiens font part depuis des semaines de la grande difficulté qu’ils éprouvent à réunir les promesses de parrainages, et le fait d’en revendiquer un peu plus de 400 à un mois de l’échéance n’annonce rien de bon… Le troisième pilier de la famille trotskyste, le POI, a pour sa part annoncé qu’il ne participerait pas à l’élection présidentielle, ne jugeant vraisemblablement pas utile de réitérer l’exploit de Gérard Schivardi, qui avait péniblement réuni 0,34 % des suffrages exprimés en 2007.
Qu’en est-il des autres formations politiques ? Chasse-Pêche-Nature-Traditions (CPNT) présente à nouveau Frédéric Nihous mais ce dernier paraît de plus en plus marginalisé, ayant pour tout soutient un parti déliquescent qui a perdu son assise électorale (pour mémoire, CPNT avait obtenu plusieurs conseillers régionaux en 1998 et son premier candidat, Jean-Saint-Josse, avait obtenu un score très honorable de 4,23 % en 2002). Questions signatures, il dit aujourd’hui être très loin du compte. Corinne Lepage, déjà candidate en 2002 sans grand succès (1,88 %), veut retenter le coup en 2012 après avoir soutenu Bayrou en 2007. Mais son parti, Cap21, a très peu de réseaux et sa candidature peine à trouver sa place face à celles de Bayrou et Joly qui reprennent l’essentiel de ses idées. Elle dit aujourd’hui avoir du mal à récolter les promesses de parrainages et si Poutou n’est pas capable d’y parvenir, elle n’aura sans doute guère plus de chances.
Restent des candidatures fantaisistes : le très controversé Jacques Cheminade, qui affirme avoir déjà atteint les 500 promesses de signature mais ne fera certainement pas mieux qu’en 1995 (0,28 %), Carl Lang, ancien cadre du FN soutenu par les dissidences les plus radicales du parti lepéniste, qui ont toujours autant de mal à se structurer et à exister à la droite de la droite de la droite, l’éternel antifiscaliste Nicolas Miguet, le représentant de la très folklorique Alliance Royale… S’il doit y avoir un candidat surprise, il faudra le chercher parmi ceux-là. Mais ça serait quand-même une sacrée surprise !
Faisons le bilan !
- Candidatures certaines : François Bayrou, François Hollande, Eva Joly, Jean-Luc Mélenchon, Nicolas Sarkozy.
- Candidatures vraisemblables : Nathalie Arthaud, Marine Le Pen.
- Candidatures en difficultés mais qui ont des chances d’aboutir : Nicolas Dupont-Aignan, Philippe Poutou, Dominique de Villepin.
- Candidats ayant la volonté, mais pas les moyens : Corinne Lepage, Frédéric Nihous, Jacques Cheminade.
Nous aurons donc au mieux 13 candidats, mais le chiffre de 8, à la limite 9 me paraît plus raisonnable. Cette baisse du nombre de candidatures prend le contrepied d’une évolution à la hausse depuis le passage à l’an 2000. En 2012, on semble aller tout droit vers un retour à la « normale » (nombre de candidats proche des niveaux atteints en 1981, 1988 et 1995), voire-même à un retour aux fondamentaux, avec un faible nombre de candidatures plus proche du nombre de candidats présents au premier tour en 1965 et 1969.
Faut-il s’alarmer de cette tendance à la baisse ? D'un certain point de vue, non. Sauf échec surprise de Marine Le Pen, tous les courants historiques de l’histoire des idées politiques devraient avoir leur représentant : la social-démocratie avec François Hollande, la droite libérale-conservatrice avec Nicolas Sarkozy, le centre-droit héritier de la famille démocrate-chrétienne avec François Bayrou, l’écologie politique avec Eva Joly, la gauche radicale avec Jean-Luc Mélenchon, l’extrême-gauche attachée à la révolution par l’insurrection avec Nathalie Arthaud et l’extrême-droite, donc, avec Marine Le Pen. Dupont-Aignan pourrait éventuellement combler un manque en représentant la droite gaulliste, étatiste et nationaliste que Sarkozy n’incarne plus. Les autres candidats feraient au mieux doublon avec d’autres (Poutou, Villepin), ou ne représenteraient qu’une démarche personnelle (Lepage, Villepin, Cheminade), ou encore des revendications très sectorielles qui peuvent se fondre dans un programme plus global (Nihous). Au final, on y verra sans doute plus clair qu’au cours des deux élections précédentes et le débat politique devrait y gagner en clarté et en cohérence. A condition, bien entendu, que les candidats soient à la hauteur et que le système présidentialiste de la Cinquième République n’ait pas définitivement enterré le débat d’idées au profit d’affrontements de personnes…
60 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON