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Présidentielles 2007 : l’indécision tient surtout aux électeurs de gauche et du centre

Présidentielles 2007 : l’indécision tient surtout aux électeurs de gauche et du centre.

Le 21 avril 2002 un Français sur cinq a fait son choix le jour du vote. En avril 2007 (le 17), selon les sondages, 3O% des Français sont encore indécis soit 14 millions d’électeurs et la fermeté de choix de vote pour le premier tour selon Ipsos/Dell n’est que de 50% pour F. Bayrou.... L’indécision n’est pas un phénomène nouveau : elle est psychologiquement liée au fait que décider implique un choix (politique) qui génère frustations, ambivalences, contradictions d’où des tensions internes entre opinions des aspirations (le principe de plaisir : le vote idéaliste) et le choix politique effectif (principe de réalité : le vote raisonné) qui est par définition contraint ,d’où conflit névrotique entre deux instances psychiques. En revanche, ce qui apparaît nouveau c’est d’une part le pourcentage inhabituel d’indécis pour ce type d’élection concernant les électeurs socialistes (selon le même institut, la fermeté de choix atteint 67% pour S. Royal), et d’autre part le fait que le pourcentage d’indécision augmente en fonction du niveau des catégories socioprofessionnelles : plus il est élevé et plus l’indécision est forte ce qui recouvre pour l’essentiel la sociologie du PS (J.-M. Le Pen atteint un score de fermeté de 86% et on sait qu’il recrute majoritairement dans les CSP inférieures).

Il règne actuellement une certaine confusion dans les esprits, comme le souligne M. Miquet-Marty de LH2, en raison du « kaléidoscope d’enjeux » qui traverse les débats actuels. On sait que décider nécessite au préalable une clarification des tenants et aboutissants du choix : il semble que ce processus soit plus difficile pour l’électeur socialiste et centriste qui paraît plus réceptif aux facteurs de confusions qui perturbent son choix raisonné, motivé et argumenté. Tout se passe comme si celui-ci avait du mal à dépasser la logique émotionnelle et affective au profit d’une logique de la réflexion : car voter met à l’épreuve la subjectivité de la rationnalté, c’est-à dire qu’il faut passer d’un vote de sanction qui fait plaisir et « défoule » à un vote d’adhésion qui engage : c’est le sens de « l’appel au vote conscient » de S. Royal qui mesure la difficulté de choisir pour l’électeur socialiste. Quatre arguments peuvent être avancés pour expliquer cette indécision.

1/ l’absence de ligne politique claire du PS

Ségolène Royal est le symptôme d’un PS exsangue idéologiquement, en proie à des divergences et des contradictions internes non résolues, affaibli politiquement, pas assez convaincant et crédible dans ses solutions pour sortir le pays des difficultés économiques et sociales actuelles, sociologiquement de moins en moins représentatif de la diversité de la société française (parti de seniors, de notables pour l’écrasante majorité de sexe masculin, de retraités et de salariés du secteur public) et en décalage avec les fortes attentes sociales des Français (emploi, pouvoir d’achat, retraites, protections sociales, logement, lutte contre la précarité).

Quel que soit le résultat des présidentielles une clarification idéologique, une recomposition politique, voire une mutation ou une scission du PS, seront des scenarii possibles en fonction du résultat des présidientielles. La priorité des priorités sera de déterminer une ligne politique claire. C’est pourquoi le choix, tant différé, devra enfin être fait et assumé, sans fausse honte, entre une ligne sociale-démocrate, clairement réformiste, correctrice et régulatrice des effets socialement injustes liés à l’excessive financiarisation du capitalisme mondialisé : c’est l’option « blairiste » redistributrice, gestionnaire et acconpagnatrice du capitalisme et une ligne plus antilibérale, étatiste, productiviste et interventionniste (investissements publics massifs) transformatrice du capitalisme mondialisé : c’est la voie « à gauche toute » du socialisme de rutpture.

Il est vrai que cette campagne électorale ne se prête guère à un tel aggiornamento. Il aurait sans doute été préférable qu’il fût fait à l’occasion du non au référendun sur le TCE en mai 2005, voire au moment du dernier congrès du PS où le débat sur la stratégie politique a été escamoté ou à tout le moins avant cette campagne pour baliser le champ idéologique du PS. Cette clarification ne s’est pas faite et le parti « attrape-tout » mitterrandien a refait surface avec ses errements, ses contradictions entre un discours ouvriériste et une pratique politique plutôt modérée d’où une tactique parfois trop électoraliste et opportuniste. D’où vient cette absence de clarification idéologique et de la cohabitation non élucidée entre les deux gauches du PS ? Est-ce le fait des pesanteurs de l’appareil socialiste et des classiques luttes de pouvoirs, d’influences, de clans, d’egos, d’options politiques (irréductibles ?) entre la gauche de gouvernement faite de compromis et l’historique « deuxième gauche » tant honnie des mitterrandiens et des jospinistes et qui refait surface par Rocard et Kouchner interposés ? Est-ce le fait de la candidate qui n’a pas souhaité (ou n’a pas su) imposer dans cette campagne les grands thèmes sociaux emblématiques et traditionnellement fédérateurs de la gauche et dans laquelle aucune thématique dominante et durable n’émerge ? Est-ce en raison de la fluctuation des propositions programmatiques qui varient en fonction d’une opinion publique inconstante, hésitante et versatile à laquelle il faut absolument « coller » (cf. les enquêtes qualitatives sur lesquelles se basent Sarkozy et Royal pour élaborer et tester leurs propositions) ? S. Royal n’a pas su proposer une offre politique claire et bien identifiée sur l’échiquier politique concurrentiel un peu comme F. Bayrou (mais pour un centriste c’est une tactique politique attendue et attentiste qui vise à ménager les susceptilités idéologiques des électeurs sous couvert de propos incantatoires, consensuels et dilatoires), contrairement à N. Sarkozy qui, à l’excès, a privilégié le simplisme et le minimalisme thématique pour s’adresser directement à l’émotion et aux réflexes décisionnels primaires. Pour adhérer à des propositions il faut se reconnaître dans un projet politique et s’identifier à son leader, deux phénomènes qui sont restés trop larvaires dans la campagne de premier tour de S. Royal mais qui ne sont pas rédhibitoires pour le second tour qui reste encore très ouvert et suivant les résultats du premier tour engendrer une dynnamique victorieuse.

2/ les revirements multiples de la stratégie de la candidate du PS

 

Faire l’historique des changements de sratégies et du flou idéologique de cette campagne erratique reviendra le moment venu à la science politique et aux historiens. Le fait est que la stratégie est pour le moins déroutante et qu’elle ne facilite pas la prise de décisions sur des données stables, solides et claires. Est-ce lié au marketing politique qui favorise le clientélisme où il faut absolument créer du « buzz », capter l’attention et marquer les esprits, avoir un plan média quotidien pour faire la une de l’actualité et imposer une thématique ponctuelle rentable électoralememt d’où la sucession de prises de positions sur tout et sur rien sans hiérarchie des sujets évoqués ? Ou est-ce l’attitude volatile, labile et consumériste des électeurs qui zappent les offres politiques au supermarché de la foire électorale ? (cf. la segmentation des thèmes dans le but de n’oublier aucune cible électorale, de satisfaire le maximum d’électeurs pour ratisser large et augmenter sa zone de chalandise électorale) ? C’est ainsi que l’on assiste à une prolifération de sujets multiples à durée de vie très limitée qui donnent le tournis et surgissent au gré de l’actualité, ce qui peut déboussoler l’électeur. Ce qui est néanmoins avéré c’est que la candidate socialiste s’est laissée emporter par ce tourbillon confus qui ne lui a pas permis de concevoir, en temps utile, une stratégie de campagne lisible, de fixer les grands enjeux, de problématiser les questions centrales, de dégager les valeurs fondatrices de son projet, d’élaborer des propositions claires, cohérentes, compréhensibles et bien identifiées ; bref de proposer un projet de société suffisamment rassembleur , mobilisateur qui ait du sens pour les électeurs de gauche et du centre.

3/ la confusion des idées entre la gauche et la droite

Le clivage gauche/droite, s’il structure encore la vie politique, est maintenent insuffisant à opérer comme répartiteur idéologique des votes. Le « ni droite-ni gauche » voire maintenant le « et droite et gauche » de F.Bayrou, les thèmes de la nation, de l’identité, de la sécurité et de l’immigration déplacent le curseur vers la droite. N. Sarkozy a sifflé la fin de la récréation de mai 1968 ! Place maintenant aux idées traditionnelles d’effort, d’ordre, de travail, de mérite et de retour aux valeurs familiales de respect, d’autorité et de sanction. Le message historiquement progressiste de la gauche (notamment la gauche garante de la justice sociale, du bien et du progrès) du fait de cette droitisation des mentalités se brouille dans cette course à l’échalote vers les valeurs de la droite traditionnelle. Ce déplacement idéologique est facteur de doute et d’insécurité pour l’électeur qui voit ses repères bousculés et certaines valeurs fondatrices de gauche migrer vers la droite. Cette confusion entre la gauche et la droite ajoutée à l’incapacité des partis à apporter des réponses aux graves problèmes du pays et la campagne « essuie-glace » des deux principaux candidats (cf. les revirement dans les thématiques) ont fini par semer l’hésitation dans les esprits d’autant plus que la position politique d’équilibriste de F. Bayrou ne fait qu’ajouter du flou puisque l’inévitable question des alliances de gouvernement n’obtient pas de réponses crédibles et claires si ce n’est de vagues considérations générales pour l’entre-deux tours.

4/ le désenchantement des Français ?

Les politologues décrivent des Français déçus, désabusés, mécontents, désenchantés, méfiants, sceptiques, inquiets des effets économiques de la mondialisation sur leurs emplois et frileux sur la construction européenne, angoissés pour leur avenir et celui de leurs enfants, ressentant un malaise social diffus et vivant douloureusement le délitement des solidarités au profit de l’exacerbation de l’individualisme. Les idéologues de droite les voient portés à l’autoflagellation, à la repentance, au masochisme et la haine de soi. Les « psy » les analysent en recherche de reconnaissance, d’identité, d’estime de soi, de repères, de valeurs. Des essayistes parlent de déclinologie, de malaise social, de dépression et de névrose, rien de moins... Et pourtant les Français se passionnent pour cette campagne : ils assistent en masse aux meetings, dévorent les essais politiques, lisent de plus en plus les journaux, échangent sur le Net et les débats télévisés sont très suivis ; ce qui prouve une réelle attente, même si elle est ambivalente, envers les politiques et leurs solutions. Ces attentes fortes, cette espérance d’amélioration des conditions de vie et l’espoir de réels changements renforcent peut-être le temps de latence du choix car les Français sont bien conscients des enjeux majeurs de cette élection déterminante pour leur avenir et prennent peut-être aussi le temps d’y réfléchir sérieusement.

Patrick Allonneau (ROUEN)


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7 réactions à cet article    


  • aurelien 19 avril 2007 11:49

    Beaucoup de candidats souhaitant toput d’abord voter Sarkozy sont assez attirés par le vote « Osez Bové »


    • aurelien 19 avril 2007 11:54

      C’est le rapport à l’autorité qui est assez intéressant à analyser dans cette campagne...


    • _Oaz_ _Oaz_ 19 avril 2007 12:54

      J’apprécie les propos que vous développez dans cet article et j’en profite pour rajouter quelques jetons dans l’explication de l’indécision. Comme j’ai essayé de le décrire de façon plus détaillée, le style de leadership peut avoir une influence dans le choix du candidat et il se trouve que Royal et encore plus Bayrou ont adopté un style qui peut sembler plus flou pour l’électeur moyen. Ils apparaissent comme bien moins autoritaires que la « normale ». Ils ne disent pas de manière ferme ce qu’il faudra faire mais ils se présentent comme instaurateurs d’un dialogue (le débat participatif de Royal) voire même comme réconciliateurs de positions pas si opposées (l’invitation aux personnes de tout bord à collaborer de Bayrou).

      Par ailleurs, vous dites : « Pour adhérer à des propositions il faut se reconnaître dans un projet politique et s’identifier à son leader » mais justement pourquoi ne pas s’identifier à un libéral (au sens le plus large du mot) qui dit « prenez votre destin en main, je ferai en sorte que le contexte s’y prête » plutôt qu’à un discours autoritaire (de droite ou de gauche) qui dit « Voila ma solution, foncez avec moi » ?


      • toto1701 19 avril 2007 19:39

        sondages a geometrie variable l’express fait chuter bayrou de 3 points (15%) sondage realisé le 16 17 avril sur un echantillon de 959 personnes tandis que le figaro fait etat d’une hausse de 2 points pour bayrou(19%) sondage realisé le 16 et 17 sur un échantillon de 1000 personnes c’est a mourrir de rire !!!! les sondés sont probablement triés sur le volet umpeiste de l’electorat !


        • Blablabla 20 avril 2007 06:17

          « Place maintenant aux idées traditionnelles d’effort, d’ordre, de travail, de mérite et de retour aux valeurs familiales de respect, d’autorité et de sanction ».

          Ce socle de valeurs fondamentales a de l’avenir à droite comme à gauche. Et à fortiori au centre.

          Ainsi il ne reste plus au candidat bayrou comme argument pour se démarquer que l’affirmation « je ne ferai pas comme eux ! ». Un peu mince.

          Le Pen dispose d’un liant social pour sceller ce socle de valeurs à notre constitution.

          C’est cela la VIème république. Vive Le Pen.


          • Allonneau Patrick Allonneau Patrick 20 avril 2007 13:44

            A chacun ses opinions et sa liberté d’expression, vos idées sont aux antipodes des miennes et j’espère que les thèses racistes, xénophobes et réactionnaires de l’extrème-droite seront de moins en moins populaires et de plus en plus combattues...

            La droitisation des valeurs et en particulier la forte demande d’ordre et d’autorité exprime d’une part une profonde inquiétude devant la montée des insécurités et des violences de tous ordres( physiques, psychologiques, économiques, sociales) et d’autre part souligne la réelle crise morale actuelle.

            Elle renvoie peut-être aussi à une certaine nostalgie et une idéalisation des valeurs des années pré-68 ( respect, discipline soumission, obéissance, acceptation de l’ordre établi) qui structuraient davantage qu’aujourd’hui les comportements. Chaque mouvement révolutionnaire produit des excès, celui de mai 68 comme les autres, mais est-ce une raison pour revenir à la société corsetée, rigide et figée (sur le plan des valeurs sociétales) des années 60 ? Doit-on tirer un trait sur le féminisme ? Rayer de la carte les progrès permis par la psychanalyse dans la représentation de l’enfant et la place de la parole dans l’éducation ? Veut-on revenir sur la libération sexuelle, l’IVG et l’évolution des moeurs ?

            Il faut probablement constuire d’autres valeurs progressistes qui tiennent compte des mentalités de 2007 mais ce n’est pas en transposant magiquement dans un mouvement passéiste des valeurs anciennes et traditionnelles et en regardant dans le rétoviseur de l’histoire que viendront des réponses plus conformes aux attentes d’ une société moderne.


          • Blablabla 20 avril 2007 19:21

            Si ! Justement il faut vivre « en regardant dans le rétoviseur de l’histoire » pensant « que viendront des réponses plus conformes aux attentes d’une société moderne ».

            Regardez toute la symbolique et le concept historique à propos de la shoah ! Ce monde moderne que vous souhaitez ouvert et tolérant ne le sera jamais plus, à cause justement de ce qui s’est passé hier.

            Et dimanche apportera une réponse à ce doute que nous n’avons rien compris depuis le début.

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