Présidentielles 2012 : pourquoi les sarkozystes espèrent. Et pourquoi les Français y croient
Rien n'y fait. Ni une côte de popularité historiquement basse. Ni les défaites aux élections cantonales et régionales. Ni les sondages invariablement défavorables : Nicolas Sarkozy donne tous les signes d’une inébranlable confiance dans sa réélection. Sous un ciel politique aussi chargé de mauvaises nouvelles, un tel « sarko-optimisme » pourrait laisser songeur. Il est, au contraire, partagé par les Français très majoritairement convaincus que le président sortant l’emportera en 2012.
Cette croyance dominante en la réélection de Nicolas Sarkozy se nourrit d’arguments martelés depuis quelques temps par le président et les leaders de la majorité. Certains, comme l’absence de fiabilité des sondages ou la bonne gestion de la crise de 2008, sont désormais dans tous les esprits. D’autres arguments, sur le "bilan globalement positif" ou les primaires socialistes, sont en revanche plus contestés. Nous en avons recensé 10 au total.
Petit passage en revue.
Sur les enquêtes d’opinion
1- « Les sondages se trompent systématiquement »
C’est l’argument massue des partisans de Nicolas Sarkozy : les candidats donnés gagnants plusieurs mois avant le scrutin ont perdu l’élection. Giscard, Balladur, Jospin, Royal… Tous battus contre l’avis des sondeurs et des médias ! Que le passé ne soit pas condamné à se répéter d’une élection à l’autre ne trouble pas les esprits. La régularité observée est devenue scientifique et l’argument unanimement partagé. Plus prudent, Claude Géant estime, sans grand risque, que les courbes remonteront et commenceront à refléter la réalité peu de temps avant le vote.
2- « Une présidentielles n’est pas un concours de popularité »
A tous ceux qui soulignent que la réélection d’un président aussi impopulaire constituerait un cas d’école, Claude Guéant monte là encore au créneau pour expliquer au JDD que « 2012 n’est pas un concours de popularité » et que les français choisiront le candidat le plus crédible. Formulé tel quel, l’argument est difficilement réfutable. François Mitterrand et Jacques Chirac, bien qu’ayant connu eux aussi, à un moment ou à un autre, les abysses de l’impopularité, ont été réélus. C'est, en tout cas, ce qu'aiment à rappeler les sarkozystes.
Sur le bilan
3- « La crise a été bien gérée »
Nicolas Sarkozy en est lui-même convaincu, la crédibilité acquise pendant la crise est un atout pour sa réélection. Lorsqu’il affirme en parlant de la campagne à venir qu’il « la sent bien », il explique que les français regardent la façon dont leurs dirigeants se comportent dans la difficulté. Or le président ne cesse de répéter que la France s’est plutôt bien sortie de d’« une des crises les plus graves que le monde ait connu », ce que tous ses proches (notamment Henry Guaino) attribuent à la combativité présidentielle dans les périodes mouvementées. Un argument également utilisé pour les périodes de campagne et qui pourrait s’avérer à nouveau utile si survenait une nouvelle crise.
4- « Le bilan est globalement bon » (et de toute façon, personne n’en a rien à faire)
Nicolas Sarkozy aime à rappeler que la crise ne l'a pas empêché de mener à bien des réformes considérées comme impossibles : le sauvetage du système des retraites, le service minimum dans les transports, la modernisation des universités ou encore le grenelle de l’environnement. Ce discours largement relayé par l’UMP, et notamment par Jean-François Copé, a le mérite, comme le souligne la journaliste Raphaëlle Bacqué, de conforter le noyau dur de l’électorat traditionnel de Nicolas Sarkozy. En coulisse, le discours des partisans du président est pourtant plus simple : une élection ne se gagne jamais sur un bilan. Sans quoi Lionel Jospin aurait gagné en 2002 et Jacques Chirac n’aurait jamais été réélu. CQFD.
Sur Nicolas Sarkozy
5- « C’est une bête de campagne »
Nicolas Sarkozy n’est pas encore entré en campagne. En tout cas pas officiellement. Mais il devrait se glisser plus facilement dans le rôle du candidat que dans celui de président et mettre à profit un talent de débatteur et de combattant que, pour le coup, personne ne lui conteste. Ni les médias, ni les experts politiques comme Paul Bacot, de Sciences politiques Lyon, qui voit en « Sarkozy une bête de campagne qui peut trouver en lui les ressources, politiques ou extrapolitiques, pour remonter la pente ». L’argument peut difficilement être repris officiellement mais il est de nature à réconforter les militants UMP.
6- « Il a changé »
C'est le credo de l'entourage de Nicolas Sarkozy depuis quelques temps : fini le temps du président bling-bling et omniprésent ! « Apaisé », « plus serein », « moins dispersé et éruptif », « remisant sa vie privée au placard » (dixit le témoignage de ses proches recueilli par Libération), il a pris ses distances et acquis de la hauteur. En un mot, Nicolas Sarkozy serait enfin en voie de présidentialisation. Son nouveau positionnement : l’avenir et international. Le seul adversaire qui aurait éventuellement pu lui disputer ce positionnement, DSK, est hors jeu. Certes, il faudra bien à nouveau traiter de questions plus triviales et entrer en campagne. Comment se passera cette nouvelle transition ? Le problème n’est pas à l’ordre du jour.
7- « Il est le seul candidat crédible dans son camp »
A l’UMP et à droite en général, le problème de la division n’existe tout simplement pas. Aussi bas dans les sondages soit-il – et en dépit des mauvais résultats des régionales et des cantonales –, Nicolas Sarkozy est le chef incontesté et le candidat unique. Le concurrent potentiellement le plus dangereux, François Fillon, n’a-t-il pas déclaré en mars dernier : « Toute autre candidature serait une candidature de division qui ouvrirait un boulevard à la gauche (…) Non seulement il est le seul, mais il est le meilleur candidat possible. C’est lui qui rassemble le plus largement possible la majorité. Et il pourra faire campagne sur la crédibilité ». Difficile d’être plus clair. Et difficile de se contredire sauf à passer pour un traitre, façon Balladur.
Sur la concurrence
8- « La primaire socialiste est une machine à perdre »
Pour les sarkozystes, la primaire laissera des plaies que le PS sera dans l’incapacité de panser suffisamment vite. Vu de la droite, c’est donc une guerre très profitable qui est en marche, un « match des égos » qui se transformera inévitablement en pugilat. Un autre atout de taille pour Nicolas Sarkozy. Le seul problème de cet argument c'est que, parallèlement, l'UMP se démène beaucoup pour empêcher ces primaires...
9- « Les centristes sont un faux problème »
Jean-Louis Borloo ? Jean-François Copé sait manier la carotte et le bâton. D’un côté il exhorte le président du Parti radical à ne pas prendre la responsabilité historique de provoquer un « 21 avril à l’envers ». De l’autre, il rappelle que l’ancien ministre d’Etat a assumé la politique des gouvernements Fillon. Quant à Hervé Morin et François Bayrou, les sarkozystes ont beau jeu de souligner qu’ils ne décollent pas et qu’il sont dans l’incapacité de s’entendre. Même constat pour Dominique de Villepin dont le discours est jugé inaudible et la candidature incapable de réunir les fameuses cinq cent signatures. Des arguments qui n’ont qu’un mérite : celui d’être pertinents… pour l’instant.
10- « Marine Le Pen est un leurre »
Pour Claude Guéant, Marine Le Pen est « un leurre » que Nicolas Sarkozy sera en mesure de contrer comme il a contré son père en 2007. Pour y parvenir, le futur candidat pourra compter sur ses lieutenants, dont Claude Guéant lui-même, Brice Hortefeux et son conseiller Patrick Buisson. Claude Guéant parie sur la "lucidité" des électeurs tentés par l’extrême droite qui s’apercevront de "l’aberration" des propositions frontistes et des catastrophes économiques qu’elles provoqueraient. Un argument largement repris depuis.
Tous ces arguments sont évidemment discutables. Le bilan ne rallie pas la majorité des électeurs. Le positionnement de Nicolas Sarkozy est écartelé entre sa volonté d'apparaître comme un "vrai" président et son naturel qui le porte à être sur tous les fronts. Quant à la concurrence, nul ne sait aujourd'hui le score que fera Marine Le Pen et si un candidat centriste sera en mesure de perturber le jeu. Une seule chose est sûre : plus l'élection s'approchera, plus les mauvais pronostics deviendront inquiétants. Mais, le fait est là : en attendant que la désignation du candidat socialiste ne rebatte éventuellement les cartes, un courant "sarko-optimiste" souffle sur l'opinion malgré un rejet très net de Nicolas Sarkozy...
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