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Présidentielles américaines : John « Disco » McCain crée la surprise

La musique joue un rôle croissant dans une campagne électorale états-unienne où l’image semble primer sur le programme. Cette semaine, les candidats démocrate et républicain ont révélé au magazine Blender leurs dix chansons préférées. Barack Obama a conforté son image d’afro-américain et John McCain a créé la surprise en s’affichant fan de disco.

On se souvient du buzz qu’Hillary Clinton avait réussi à créer sur internet il y a plus d’un an en lançant un appel aux internautes pour choisir sa chanson de campagne. Au même moment, la chanson non officielle I got a Crush on Obama interprétée par Obama Girl faisait une percée remarquée. Moyen facile de faire parler de soi et de toucher rapidement des dizaines de millions d’électeurs, la musique joue depuis plus de quarante ans un rôle-clé dans les campagnes présidentielles états-uniennes.

La musique a été au cœur de cette semaine très particulière marquée par la convention démocrate, la présentation de l’inattendue colistière de John McCain et le soixante-douzième anniversaire de ce dernier. C’est en effet cette semaine que le magazine musical Blender a révélé la liste des dix chansons préférées des deux candidats à la Maison-Blanche... un petit détail qui comptera peut-être plus qu’il ne faudrait. Si la sélection de Barack Obama correspond à l’image qu’il a donnée de lui jusqu’ici, celle de John McCain a véritablement créé la surprise.

Obama, Afro-Américain modèle

Celui dont certains démocrates se demandaient encore il y a un an s’il était « vraiment noir  » (à cause notamment de ses origines seulement à moitié africaines... et non afro-américaines) a choisi des artistes qui confortent son image de membre de la communauté afro-américaine. Des Fugees à  Marvin Gaye en passant par l’incontournable Nina Simone, l’immortelle Aretha Franklin, le rappeur Kanye West et le rappeur Will.i.am (qui a écrit la chanson inspirée de son slogan de campagne « Yes, we can »), six des dix chansons préférées de Barack Obama sont signées par des artistes afro-américains, façon s’il en est de montrer qu’il a été bercé par la culture afro-américaine. Il a aussi choisi quelques chanteurs « engagés » (Bruce Springsteen et U2), les rockeurs britanniques des Rolling Stones et le crooner Frank Sinatra, le seul artiste cité par les deux candidats (dont Barack Obama a choisi You’d be so Easy to Love et John McCain I’ve got you under my Skin, deux chansons romantiques de celui qui fut l’un des célèbres soutiens du candidat démocrate John F. Kennedy et des candidats républicains Richard Nixon et Ronald Reagan).

Placé en première position par Barack Obama, le titre Ready or not, here I Come (« Que vous soyez prêts ou non, me voilà ») des Fugees résume bien la posture du candidat démocrate, qui, face aux détracteurs qui lui reprochent d’être trop jeune (ou trop noir), affirme qu’il est capable d’être président, que le changement est possible (« Yes, we can ») et revendique l’« audace d’espérer » (The Audacity of Hope, titre de son dernier livre). Les chansons placées en première position par les deux candidats ne manqueront pas d’être associées à leurs campagnes dans les semaines à venir.

Candidat républicain cherche hymne de campagne

Face à un Obama jeune et à la mode, l’équipe de John McCain a vite compris qu’elle devrait accorder une place plus importante à la musique dans sa stratégie afin d’être en mesure de rivaliser avec la popularité du candidat démocrate. Tandis qu’Obama passait des chansons plus contemporaines lors de ses meetings (Stevie Wonder et Ben Harper), John McCain entrait encore sur scène au son de Johnny B Goode de Chuck Berry, tube des années 1950 déjà hymne de campagne de Ronald Reagan. Plus généralement, le candidat qui avait défrayé la chronique (et effrayé une partie de l’opinion) en pastichant le fameux Barbara Ann des Beach Boys pour chanter Bom-bom-bom bomb bomb Iran avait besoin d’effectuer un changement radical d’image pour ne pas se laisser ringardiser par un Obama toujours plus apprécié du grand public. Seulement, l’équipe de campagne s’est vite rendu compte qu’il n’était pas aisé pour un candidat républicain pro-guerre d’obtenir l’autorisation de chanteurs de rock plutôt à gauche d’utiliser leurs chansons. Ainsi, brandissant la menace de poursuites judiciaires, le groupe Van Halen a demandé cette semaine à John McCain d’arrêter de passer sa chanson Right Now lors de ses meetings. Lorsque John Edwards avait annoncé son retrait de la course à l’investiture démocrate, John McCain avait déjà tenté de reprendre la chanson que ce dernier utilisait lors de ses meetings, la ballade Our country de John Cougar Mellencamp... mais il fut là aussi contraint de cesser de la diffuser sur demande du chanteur (ce même chanteur qui a autorisé cette semaine la diffusion de sa chanson Pink houses pour l’investiture de Joseph Biden comme colistier de Barack Obama).

McCain, reine de la nuit ?

La liste des dix chansons préférées des candidats établie à l’initiative du magazine Blender fut donc l’occasion pour John McCain de montrer (à défaut de diffuser) les chansons qu’il aime, et la surprise fut grande. En effet, au sein d’une série de classiques états-uniens des années 40, 50, 60 et 70, la chanson placée en première position par le candidat est Dancing Queen du groupe Abba, un tube disco considéré comme un hymne gay dans de nombreux pays anglophones (élue notamment « chanson la plus gay de tous les temps » sur le site gay australien SameSame). On le savait amateur du groupe suédois (la troisième chanson de sa liste est d’ailleurs aussi d’Abba : Take a Chance on me - « Essaye-moi »), mais on ne savait pas à quel point. Bien entendu, le candidat républicain, qui  est opposé (tout comme son concurrent démocrate) au mariage homosexuel, n’a rien laissé entendre d’un éventuel clin d’œil à la communauté gay. Ceci venait toutefois s’ajouter à l’annonce dans le Los Angeles Times de la semaine dernière du soutien financier apporté à John McCain par le millionnaire Jonathan Crutchley, patron entre autres du très populaire site de rencontre pour hommes Manhunt.com, avait suscité des débats enflammés et plusieurs groupes de soutien, notamment Gays 4 McCain (proches des Log Cabin Republicans - groupe de républicains militant pour inclure l’égalité homos-hétéros dans le programme du parti) avaient présenté ces deux éléments (le soutien de Jonathan Crutchley et l’affinité pour Abba) comme deux signes du caractère « gay-friendly » du candidat républicain. Tout ceci était déjà préfiguré par un autre élément - musical lui aussi -, la sortie du clip It’s raining McCain des McCain Girls sur internet. Reprise d’un autre grand hit disco lui aussi souvent considéré comme un classique gay : It’s raining men des Weather Girls. A cette pluie d’hommes qui suscitait l’émoi enthousiaste des Weather Girls succède donc une pluie de John McCain dont le public est invité à se réjouir (en particulier les « femmes seules », comme l’indique la chanson). L’équipe du candidat républicain semble ainsi tenter de transformer une image austère, dure et dépassée en une image joyeuse, décalée et plus libérale. Et au moment même où la convention démocrate entérine le ticket Obama-Biden, McCain a pris de court le camp adverse (et une bonne partie de son propre camp) en présentant sa colistière, la jeune gouverneur de l’Alaska, Sarah Palin.

Rock star vs Daddy Cool

Qualifiant le candidat démocrate de « rock star » dans un de ses clips de campagne, John McCain a cherché à dénoncer la pipolisation de Barack Obama (on se souvient du clip de l’équipe McCain comparant Barack Obama avec la chanteuse Britney Spears et Paris Hilton). Affichant soudain son penchant pour la musique disco et laissant transparaître une petite dimension sexuelle, le candidat républicain prendrait presque des airs de Daddy Cool. Cest d’ailleurs ainsi que beaucoup ont interprété sa rencontre cette semaine avec le chanteur portoricain Daddy Yankee venu lui apporter son soutien à Phoenix devant une centaine d’adolescentes extatiques. John McCain présenta l’interprète de la chanson Gasolina comme son « ami spécial » (ladite chanson est un tube très sexuel qui eut un certain succès l’été dernier et dont le refrain dit : « elle aime l’essence - donne-moi plus d’essence ! - / oh comme elle aime l’essence ! - donne-moi plus d’essence ! - »). Difficile de savoir à quel point ce virage calculé est contrôlé, en tout cas il semble qu’à côté de l’équipe Obama qui surfe sur la popularité de son champion et bénéficie de nombreux soutiens chez les artistes, l’équipe McCain fasse tout pour mobiliser des chanteurs et des stars, mais avec peu de succès. En plus, il ne s’agira pas seulement de trouver des soutiens à John McCain, il faudra également trouver des artistes pour répliquer à ceux qui lui sont opposés, et ce ne sont pas les moins connus. En 2004, Bruce Springsteen avait mouillé le maillot contre la réélection de Bush, cette année c’est Madonna qui a ouvert le feu contre John McCain lors du premier concert de sa nouvelle tournée samedi dernier en projetant lors de sa chanson Get Stupid (« Devenez stupides ») un diaporama montrant Adolf Hitler, Robert Mugabe et... John McCain !

A une époque où on juge de moins en moins les hommes politiques sur leur programme et où leur image joue un rôle croissant, la bataille musicale - qui ne devrait être qu’une dimension anecdotique de la campagne - risque de prendre des proportions toujours plus importantes, et c’est triste.

Ci-dessous les dix chansons préférées de Barack Obama et John McCain :

Barack Obama

Fugees - Ready or not
Marvin Gaye - What’s going on
Bruce Springsteen - I’m on Fire
The Rolling Stones - Gimme Shelter
Nina Simone - Sinnerman
Kanye West - Touch the Sky
Frank Sinatra - You’d be so Easy to Love
Aretha Franklin - Think
U2 - City of Blinding Lights
Will.i.am - Yes we Can

John McCain

ABBA - Dancing Queen
Roy Orbison - Blue Bayou
ABBA - Take a Chance on me
Merle Haggard - If we Make it through December
Dooley Wilson - As Time goes by
The Beach Boys - Good Vibrations
Louis Armstrong - What a Wonderful World
Frank Sinatra - I’ve got you under my Skin
Neil Diamond - Sweet Caroline
The Platters - Smoke gets in your Eyes


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4 réactions à cet article    


  • saint_sebastien saint_sebastien 9 septembre 2008 17:54

    Merci pour cet article qui éclaire la campagne Américaine sous un angle inédit.


    • Yvance77 9 septembre 2008 20:10

      Le problème c’est que la campagne amerloque tape toujours sous des angles inédits, mais à contrario elle ne va jamais à l’essentiel, ou tout au moins cela transpire si peu.

      A peluche


      • Keyvan Sayar Keyvan Sayar 9 septembre 2008 20:20

        Merci pour ces commentaires !
        C’est clair que le programme des deux principaux candidats (car il y a aussi d’autres candidats et d’autres partis dont la presse ne parle presque pas) est encore aujourd’hui assez flou et qu’ils restent surtout dans le domaine de l’image, de la représentation.

        Juste une petite note : cet article a été écrit et envoyé le 30 août, donc quand j’écrivais "cette semaine", je parlais de la semaine qui s’est terminée le 31 août.

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