@jmdest62
Vous voilà lancé dans la même discussion. Je n’ai pas vu votre réponse concernant l’intervention de Mélenchon qui propose, non pas de sortir de l’UE, mais de l’euro (rappelez vous le lien vidéo que vous m’avez proposé).
Je viens de relire une analyse de Frédéric Lordon, qui est, vous en conviendrez, plutôt de « gauche ».
Je vous ai écrit que, du fait de l’existence de l’article 48, il était inutile d’espérer de modifier les traités européens. Pour modifier les « dispositions » des traités, la route est longue et elle requiert l’unanimité. Si un seul parlement national, par exemple, s’oppose à la rénégociation, elle ne se fait pas. C’est quand même simple à comprendre.
Que dit Frédéric Lordon ? Il explique qu’aucune politique de « gauche » n’est possible dans le cadre des traités européens. Un parti de gauche, propose un programme de gouvernement de gauche, n’est-ce pas ? Puisqu’un programme de gouvernement de gauche n’est pas possible dans le cadre des traités européens, la seule et unique issue est de sortir de l’UE par appliquer un programme de gauche. C’est chercher midi à quatorze heures que de dire le contraire. Et même l’idée d’un « référendum » pour savoir si le peuple de France souhaite sortir de l’UE est totalement dépassée. En effet, le peuple de France de gauche veut une politique de gauche. Celle ci étant impossible dans l’UE pourquoi diable vouloir demander au peuple une telle chose.
Voici un extrait du texte de Frédéric Lordon, vous devriez vous y intéresser.
........ "Supposons donc, pour l’expérience de pensée, que nous soit échue la bénédiction d’un gouvernement authentiquement de gauche. Que peut-il mettre en œuvre qui ne se heurte aussitôt à la contrainte des traités ? Rien. Quelles solutions lui reste-t-il alors ? Trois.
• Plier, comme Tsipras — et fin de l’histoire.
• Entreprendre hardiment la bataille de la transformation de l’intérieur. Mais avec quels soutiens ? La désynchronisation des conjonctures politiques nationales nous offrira ce qu’elle peut en cette matière, c’est-à-dire pas grand-chose — comme l’a vécu la Grèce. L’alter-européisme nous prie dans ce cas d’attendre le grand alignement des planètes progressistes pour qu’advienne la nouvelle Europe — pourvu que le premier gouvernement de gauche soit encore en place au moment où la cavalerie des autres le rejoindra…
• Désobéir. Mais il faut n’avoir rien appris des expériences de Chypre et de la Grèce pour imaginer le noyau libéral des institutions et des Etats-membres laisser faire sans réagir. Comme on le sait désormais, c’est la Banque centrale européenne (BCE) qui a les moyens de mettre un pays à genoux en quelques jours, en mettant sous embargo son système bancaire. Sans doute y regarderait-elle à deux fois, considérant la possibilité de dommages collatéraux cataclysmiques. Elle n’en a pas moins tous les instruments permettant de régler finement l’asphyxie pour trouver son optimum punitif : tuer la croissance par étranglement du crédit sans pour autant mettre les banques à terre. Ceci pour ne rien dire de toutes les procédures de représailles inscrites dans les traités mêmes.
« Libxit » et « Gerxit »
En tout cas il faut avoir la croyance chevillée au corps pour imaginer que l’épreuve de force qui s’ouvrirait alors pourrait trouver une résolution autre que la reddition complète de l’une des parties quand les enjeux du différend sont aussi fondamentaux. De la partie dissidente progressiste très vraisemblablement, et pour les raisons qui viennent d’être indiquées : sur qui un gouvernement de gauche, radicalement ostracisé au milieu du Conseil, pourrait-il donc compter comme renfort ? Et dans le cas miraculeux qui le verrait entouré de quelques alliés, suffisamment nombreux pour que l’hypothèse d’un changement réel et profond commence à sérieusement prendre corps, qu’adviendrait-il à coup sûr, sinon l’auto-éjection du noyau libéral (« Libxit »), Allemagne en tête (« Gerxit) ?
Lire aussi Niels Kadritzke, « Grande braderie en Grèce », Le Monde diplomatique, juillet 2016.N’apprenant décidément rien des leçons de l’histoire, même quand elles sont récentes, l’alter-européisme rechute lourdement dans l’hypothèse implicite qui a déjà fait la déconfiture de Tspiras : « l’Europe est finalement un club de démocraties, et on peut toujours s’entendre entre bonnes volontés démocrates ». C’est n’avoir toujours pas compris que la démocratie et le néolibéralisme, spécialement dans la variante ordolibérale allemande (6), n’ont rien à voir. C’est refuser, après pourtant trois décennies de grand spectacle, d’acter que le néolibéralisme est fondamentalement une entreprise de « dé-démocratisation » (Wendy Brown), de neutralisation de l’encombrant démos, et qu’il peut même, comme l’atteste avec éclat le gouvernement Hollande-Valls, se montrer parfaitement compatible avec les formes d’un autoritarisme bien trempé. Dans l’hypothèse (déjà fantaisiste) où il se trouverait mis en minorité, le noyau dur libéral n’en tirerait vraisemblablement pas la conclusion que la démocratie, qui est la loi de la majorité, a parlé. Il prendrait ses cliques et ses claques pour laisser les « communistes » à leurs affaires et s’en irait reconsolider la « fin de l’histoire » de son côté."