Productivité vieillissement et retraites
Le problème est récurrent, jamais vraiment réglé et présenté comme insurmontable. La transition démographique s’est conclue en Europe par un vieillissement rapide de la population. Cette révolution impose de revoir nos systèmes sociaux et de retraites basés sur une redistribution de charges prélevées sur les revenus du travail.
Des débats ont été organisés et des contres-vérités ont été dites. L’impression que laissent tous ces discours, c’est que l’on persiste à tenter d’améliorer un système inadapté à la situation. Quel est le fond du problème ? Nos systèmes sociaux sont financés par le travail. Mais la proportion travailleur/retraité-chômeur a tendance à se renverser défavorablement. Et il y a peu de chance que la tendance puisse s’inverser rapidement.
Aussi nous propose-t-on d’augmenter les cotisations, pour augmenter les revenus ; de travailler plus longtemps, ce qui augmentera également les ressources tout en diminuant les charges ; nous devons aussi faire autant d’enfants que possible, et bien sur les pensions devront diminuer. Un charmant programme... Qu’il faille travailler un peu plus longtemps quand on vit beaucoup plus longtemps, cela peut s’entendre ; mais qu’en plus de cet inconvénient il faille supporter une diminution très significative des pensions et une augmentation des charges qui pèsent déjà sur les salaires, c’est déjà plus difficile. Quand en plus on nous apprend que le problème n’est même pas réglé et que la situation ne peut qu’empirer... Ça devient inacceptable.
Les Français ont une productivité horaire très forte, plus forte qu’en Allemagne ou qu’au Danemark , c’est la plus forte productivité horaire en Europe après la Norvège, mais les Norvégiens travaillent environ une centaine d’heure de moins par an (source BIT). Nous l’avons dit, les ressources consacrées à l’entretien de nos systèmes sociaux viennent du travail et non pas de la richesse produite, ce qui est une chose bien différente.
Si le SMIC a suivi approximativement la courbe de l’inflation ajoutée à celle de la croissance, ce n’est absolument pas le cas du salaire moyen. Pendant que la croissance avait accru notre PIB de 98 % entre 1989 et 2009 (en euros constants), le salaire moyen n’a cru que de 19 %. Pendant cette même période l’inflation cumulée a été de 48 %. Le salaire moyen a donc régressé... Si l’on finance nos système sociaux par le travail et que la masse financière qu’il représente baisse en proportion du PIB, il est logique que l’on rencontre quelque soucis.
Pour une croissance en euros constants de 50 % et une inflation de 48 %, il aurait fallu que le salaire moyen augmente de 98 %, passant de 1741 € à 3447 €, et non pas de 1741 € à 2069 €. Notre croissance économique s’est complètement déconnectée de l’évolution de notre niveau de vie et du financement de nos systèmes sociaux. Plus nous serons productifs, plus nous ferons de progrès techniques permettant de produire plus avec moins de travail et plus nous rencontrerons des difficultés à financer nos retraites. Car pour les financer, ce qui compte ce n’est pas notre productivité, ni la production de richesse globale, c’est la masse de travail, efficace ou pas. Voilà où nous mène cette logique ! Si les Français veulent faire quelque chose pour sauver les retraites, il faut faire un effort d’inefficacité !
Comment faire pour que le financement de l’Etat et de la Sécurité sociale ne soit pas aussi dépendants du travail ? Car c’est une nécessité absolue ! Nous ne pouvons pas rester dans ce système absurde. Les progrès techniques sont souhaitables, travailler moins pour gagner toujours autant sinon plus est un progrès humain évident. Nous ne pouvons pas nous en priver sous prétexte de destructions d’emplois. Si des emplois sont détruits, si le financement de nos institution n’est plus garanti, c’est avant tout parce que le système de financement est biaisé. Il faut faire en sorte de rendre au progrès sa vraie place.
Notre système nous impose la création continue de nouveau besoins pour se financer et limiter le chômage provoqué par nos progrès techniques. Il existe deux solutions, essayer, sans certitude de succès, de noyer le consommateur sous une masse de nouveau objets tous plus nouvellement utiles les uns que les autres, ou reconnecter le PIB et notre niveau de vie. Les charges sociales doivent disparaître totalement, c’est un archaïsme qui nous vient d’une époque bien différente de la notre où la mécanisation n’était pas encore pleinement développée. Tout doit être reporté exclusivement sur l’impôt, que ce soit sur les sociétés, le revenu et les revenus de capitaux. Un euro gagné sur notre sol et reversé à un actionnaire étranger doit être taxé à la hauteur de la différence de taxation existant entre les deux pays, et ce avant de quitter notre sol, décourageant par là toute tentative de « dumping ». Nous sommes en démocratie, et nous ne devons pas laisser quelques individus décider à notre place en nous menaçant de partir à l’étranger s’ils ne peuvent pas maintenir un niveau de vie d’émir qatari. La fiscalité sur les revenus de capitaux doit être prélevé sur les comptes de l’entreprise avant versement du dividende, avec un tel système, un actionnaire aurait le choix entre renoncer au marché français et payer cette taxe.
Au demeurant, les entreprises seraient elles vraiment désavantagées ? Chacune verrait sa situation évoluer. Les charges disparues, une entreprise fortement consommatrice de main d’œuvre se verrait avantagée, alors qu’une entreprise ayant un fort rendement serait quelque peu désavantagée. Ce serait donc une mesure en faveur de l’emploi, avec un coût de la main d’œuvre quasiment divisé par deux.
Par ailleurs, si les prélèvement obligatoires sont relativement élevés en France, il ne faut pas perdre de vue que près du cinquième des ressources sont perdus pour financer la dette accumulée. Une dette accumulée à cause d’un système de financement inadapté. En la réduisant grâce à un nouveau système de financement, le total des prélèvements obligatoires pourraient baisser. Par ailleurs avec un coût du travail réduit, il est probable que nos besoin de financement en faveur des chômeurs soit moindre. Le déficit concernant le financement des retraites est actuellement de près de 11 milliards, ce qui représente 0,6 % de notre PIB. Il faut bien admettre que ce serait bien peu de choses si les financement dépendait directement du PIB. Mais ce chiffre est exagéré, car nous sommes en pleine crise et en pleine récession. Si nous prenons les chiffres de 2006, le déficit ne représente que 0,3 % du PIB. Toujours en 2006, la totalité du déficit public représentait 2,6 % de notre PIB. Gérer sagement nos dépenses et augmenter légèrement nos ressources afin de réduire la dette permettrait de libérer des fonds et de diminuer les prélèvements obligatoire à terme. Car si les prélèvements obligatoires représentent près de 44 % du PIB, seul 35 % sont nécessaire à l’entretien du système, le reste étant consacré à notre dette publique.
Mais la vraie raison d’un tel changement est démocratique. Si nous voulons prendre des décisions en connaissance de cause, nous avons besoin de voir clair dans notre système d’imposition. Ne plus jouer que sur quelques paramètres, que sont l’imposition et les dépenses, permettrait de faire des choix éclairés. Ne pas écraser l’entreprise, songer aux conditions de vie du citoyen... A ce moment là il serait possible de définir une priorité et de s’y tenir.
Veut-on absolument financer la retraite à 60 ans ? Alors nous la finançons. Le taux d’imposition nécessaire à ce financement fait fuir les investisseurs ? Alors nous songeons à réduire nos dépenses. Mais dans notre situation actuelle, avec un taux de chômage très élevé chez les séniors, nous n’aurions aucun intérêt à relever l’âge de la retraite puisque nous serions forcés de financer leur chômage.
Nous avons réussi à créer un système ou vivre vieux, ce qui est une chance, devient un inconvénient, avoir une forte productivité est aussi un inconvénient. Tout nouveau progrès qui permet de vivre mieux en travaillant moins est un inconvénient. Si nous continuons dans cette direction jusqu’où irons nous ? Un PIB quintuplé, le minimum vieillesse pour tous, pas de Sécu ? Parce que nous avons peur de voir fuir ceux qui, par la terreur, nous dirigent vraiment ?
Les temps changent, il est temps de faire un choix...
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