Quand Joffrin manque sa cible Le Pen
Laurent Joffrin, dans un éditorial du Nouvel Observateur, revient sur sa prestation personnelle lors de l'émission "Des Paroles et des Actes" sur France 2 dans laquelle David Pujadas recevait Marine Le Pen. Il est regrettable que cet édito, bien structuré, n’ait pas servi de plan pour la prestation télévisée du journaliste. Il est même probable que sa rédaction à postériori ne soit en fait qu’une reconnaissance implicite de la très mauvaise image présentée devant les caméras : un « mea culpa » déguisé.
Un mot sur l’autre "opposition" à Marine Le Pen, Caroline Fourest. On sait depuis belle lurette qu’elles forment toutes les deux un « couple infernal » comme l’écrit Pascal Boniface sur son blog, l’une se nourrissant de l’autre : « cette dernière (Fourest) essaie de faire oublier la stigmatisation de l’islam à laquelle elle doit sa gloire médiatique, en en faisant désormais le reproche à Marine Le Pen. » ecrit-il plus loin à juste titre, pour conclure plus généralement que « Marine Le Pen est l'ennemie utile de Caroline Fourest »
Le caricatural en forme de promotion étant sans intérêt, revenons à Laurent Joffrin. Il était manifestement agacé par les interventions imbéciles et surtout inefficaces de Fourest, mais cela ne peut suffire à expliquer sa propre errance. Le spectacle de Marine Le Pen se pourléchant littéralement les babines et remettant une petite dose de provocations, suffisait pour souligner la fausse route. Non pas que ses arguments soient mauvais ou mal choisis, mais très mal présentés et délivrés à l’envers de manière contre-productive.
Plus prompt à parfaire une image de pourfendeur incorruptible, Laurent Joffrin oublie que c’est en « embrassant » à l’étouffement son adversaire qu’on obtient plus sûrement la victoire. Il est normal d’employer le mot « adversaire » puisque Laurent Joffrin le revendique lui-même. Il subodore d'ailleurs ses insuffisances stratégiques : « cette opposition (la sienne) devait s'exprimer, dans un esprit de vivacité démocratique, quitte à prendre le mauvais rôle aux yeux d'une partie des spectateurs » écrit-il … Il aurait pourtant suffit qu’il s’impose la même discipline rigoureuse à l'écran que dans son édito pour parvenir à ses fins.
Il fallait reconnaître par exemple, comme il le fait à l'écrit, la cohérence de la blonde « Son discours est celui d'une héritière qui s'est donné pour mission de poursuivre l'œuvre du fondateur sans rien renier des principes originels du Front. » Il n'est pas neutre de commencer un propos par une attaque ou par une reconnaissance de « cohérence » ! La perception de l'argumentation est très différente pour celui qui écoute et la réplique plus difficile pour l'adversaire. La fin de son édito résume d’ailleurs parfaitement l’angle qui aurait dû être le sien lors de l’entretien télévisé : « Tout cela forme un tout cohérent : une politique nationaliste, intolérante envers les étrangers, hostiles à tout projet européen, souvent contraire à la constitution et qui piétine allègrement les principes républicains qui sont les nôtres. » Ainsi une intervention du genre : Madame on doit reconnaître à votre programme une très grande cohérence, à la fois avec le passé et les directions imposées par votre père, et avec le fonds de commerce habituel des partis d’extrême droite, avait beaucoup plus de chance de gêner celle qui s'invente « nouvelle »
Pour faire le tour complet de la galaxie, reconnaissons qu'il devient délicat pour une partie de la gauche de s'attaquer avec trop de virulence à certaines composantes du programme de Marine Le Pen, sauf à mettre en lumière des similitudes aveuglantes. En effet entre le discours d'un Arnaud Montebourg dans son livre "Votez pour la démondialsisation !" et celui de Marine Le Pen en la matière, il n'y a que l'épaisseur d'une mince feuille de papier à cigarette. L'auteur s'en défend, mais le lecteur appréciera. Sur le même sujet, Mélenchon est également très proche, encore que plus réaliste que le député de Saône et Loire.
Dès que la question d'un "protectionnisme" quelconque, Européen ou National, est évoquée, le spectre du FN resurgit et les arguments s'étranglent dans les gorges, deviennent incompréhensibles à force de dénégations niaises pour sauver la face. La tactique devrait être beaucoup plus limpide et claire, reconnaître simplement la validité de certaines préoccupations plutôt que de les diaboliser pour ensuite les côtoyer allègement et en conséquence les renforcer.
En attendant, pour celui qui s’égarait, non averti, sur les ondes ce soir là, il n'est pas certain que le "procès du Diable" n'ait pas tourné en "promotion".
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