Que faire de Michel Rocard ?
Trublions du PS, dans la lignée de Jaurès, Briand, Mendès, Michel Rocard joue un trouble-jeu avec les médias et sert souvent d’argumentaire à la droite. A l’approche du Congrès du PS, comment écouter les pertinentes recommandations de l’ex-Premier ministre, qui soutient-il ? La motion strauss-kahnienne, la motion de Pierre Larrouturou ? Impossible qu’il ne se reconnaisse dans le débat Royal/Delanoë.

Que faire de Michel Rocard ? Comment aborder cet ovni politico-intellectuel qui traverse de part en part la scène politique française depuis quarante ans ?
Les dernières "sorties" de l’ex-Premier ministre, à savoir, ses propos sur Ségolène Royal durant la campagne, sa participation à la commission Pochard sur l’enseignement (et sa démission), n’ont eu pour effet que de fragiliser encore plus la gauche. Michel Rocard, à son insu peut-être, fut utilisé par les médias comme détonateur, comme électrochoc, notamment pour dynamiter le PS.
Rappelons-nous qu’il s’est vu poser la fameuse question de Thierry Ardisson "Est-ce que sucer, c’est tromper ?", véritable. Celui que, bon nombre, considère comme l’un des intellectuels politiques français des plus brillants et reconnus comme tel au niveau européen... Celui que bon nombre considère comme " mal compris"... celui-là même que l’on considère comme "trop honnête" pour devenir président de la République (comme Mendès France)... Cet homme serait celui qui aurait ouvert la brèche à la trop forte collusion cathodico-politique de ces dernières années !
Alors conscient ou inconscient, ce jeu médiatique qu’entretient la tête pensante de la deuxième gauche française ? Ne sont parus dans les médias que ses propos tendant à sceller un accord entre le PS et le centre "social-démocrate". Sa bienveillante complaisance avec l’UMP apparut notamment lors de son passage à l’émission Chez FOG où il se délecta à s’acoquiner sous nos yeux avec François Fillon.
Mais lorsque Michel Rocard soutient Pierre Larrouturou dans son "Livre Noir du libéralisme" soulignant ses inquiétudes envers le capitalisme moderne, lorsqu’il se dit intéressé par le Mouvement "Utopia", collectif proche du PS et des verts, qui se réclame ouvertement de la décroissance et de l’altermondialisme, il n’y a plus de Michel Rocard, il n’intéresse plus les médias.
Et cette sempiternelle phrase sur l’immigration semble bien résumer le paradoxe Rocard :
"La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part".
L’Histoire n’a retenu que ce qui l’intéressait, au grand dam de son créateur.
Le combat de Michel Rocard, tout au long de sa carrière, fut de faire accepter à la gauche française une vision non-étatique de la gouvernance, une gauche dé-marxisée, anti-jacobine ; et ce fut le cas depuis le PSU jusqu’à aujourd’hui : décentralisation, autonomie de la Nouvelle-Calédonie, autogestion, appui des syndicats, associations... Dans cette logique, il s’est (peut-être à juste titre) affronté à François Mitterrand et aujourd’hui à Nicolas Sarkozy.
Eternel trublion de la gauche française, il s’est vu maintes fois utilisé a contrario de son légitime combat, à tel point que ses "sorties" provocatrices sont devenues un véritable fonds de commerce. Lors du lynchage de Ségolène Royal, il fut contradictoire de préconiser "une victoire contre l’alliance Sarko-Le Pen" et en même temps, de ne point soutenir la candidate choisie par les adhérents du PS. A cet égard, Il est aussi l’un des responsable de la défaite de la candidate socialiste.
De tradition jauresienne, l’ex-Premier ministre prend son bâton de pèlerin pour décloisonner la gauche française. Rappelons que Jaures a écrit "L’Armée nouvelle" avec une défense de l’Armée française nationale, rappelons aussi que Jaures s’est vu assigné en duel par Paul Déroulède pour avoir utilisé le symbole droitiste de Jeanne d’Arc. A cette tradition, Rocard veut briser les tabous partisans qui sclérosent la vie politique française, sa proposition d’alliance avec Bayrou lors de la campagne de 2007 en fut l’un des exemples.
Ses critiques du PS et de Mitterrand n’en demeurent pas moins pertinentes et l’on ne peut que le croire lorsqu’il affirme que le PS n’était pas prêt à gouverner en 1981 : "La moitié des députés ne savaient pas ce que c’était qu’une balance de paiement", et Mitterrand par la même occasion (Si la gauche savait, 2007).
Homme de raison, d’éthique (il a créé le Collegium international éthique, politique et scientifique) et empêcheur de tourner en rond, Michel Rocard voit très souvent juste et défend des valeurs modernes, à mon sens. Cependant, il ne cerne pas la vie politique actuelle qui est un combat médiatique où le responsable politique est un "produit" bien étiqueté. Il s’agit pour lui, et pour les autres, de comprendre sa fonction dans le paysage médiatique français et d’en tirer les conséquences.
27 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON