Que nous propose Dominique Strauss-Kahn ?
Dominique Strauss-Kahn, qui a mené une politique plutôt libérale dans le Gouvernement Jospin (privatisations de banques et de services publics, libéralisation du secteur de l'énergie, cadeaux fiscaux aux grandes entreprises, etc.)(1), qui a essayé de se profiler à gauche à la primaire du parti socialiste de 2006, mais sans succès, et qui peu après l'élection présidentielle se fait nommer directeur du FMI, notamment grâce à l'appui Nicolas Sarkozy, essaye maintenant de nous faire croire que le FMI est une institution qui représente les idées et les valeurs de la gauche - alors qu'il n'en est rien (2) - et qu'il est lui-même très inspiré par ces idées et ces valeurs. Mais que nous propose-t-il véritablement ?
Rien de moins qu'une politique d'austérité budgétaire imposée par Bruxelles. En effet, il s'est récemment et plusieurs fois prononcé en faveur de la création d'une « autorité budgétaire européenne centralisée », qui serait « aussi indépendante politiquement que la Banque centrale européenne ». Toute puissante, « cette autorité fixerait les orientations budgétaires de chaque pays membre et allouerait les ressources provenant du budget central.(3) »
Or la commission européenne vient d'adopter un pacte de « gouvernance » économique européenne tout à fait dans la ligne de la proposition de DSK et clairement orienté vers une politique d'austérité budgétaire (4) : « Bruxelles insiste sur les coupes à opérer dans les budgets sociaux, ainsi que sur de nouveaux reculs de l'âge de la retraite (en suggérant d'indexer ce dernier sur l'espérance de vie). La « modération salariale » est évidemment exigée. Sur le plan fiscal, il conviendra d'alléger les cotisations assises sur les salaires versés, et de renforcer les taxes sur la consommation. (5) ».
En fait DSK, en formulant sa proposition avait simplement fait savoir que s'il accédait à la Présidence, il permettrait l'élaboration de ce projet de "gouvernance" budgétaire européenne déjà en cours. En effet, en parlant de "gouvernance budgétaire" européenne alors qu'un projet était en cours et qu'il imposerait une politique d'austérité, conformément aux options libérales de la Commission, des Allemands et de la BCE, DSK soutenait de fait le projet qui deviendra "Le Pacte pour l'Euro et la compétitivité". Et maintenant qu'il est adopté, il est certain que DSK ne le remettrait pas en cause. Ainsi il renouvellerait son exploit de 1997 avec l'Euro : cautionner et faire accepter une politique de droite ou libérale à la gauche, sous prétexte de construction européenne.
DSK a aussi parlé plusieurs fois de la nécessité de créer une gouvernance mondiale dont le FMI serait le « moteur » (France Inter, le 15/11/10). Mais il s'est bien garder de parler de régulation de la finance, sujet pourtant au coeur de l'actualité et il n'a en rien précisé le rôle du FMI - à part produire des rapports lus aux G20- dans sa conception d'une gouvernance mondiale.
Par contre Michel Camdessus, ancien directeur du FMI, libéral convaincu et conseiller occasionnel de Nicolas Sarkozy précise dans un rapport adressé au chef de l'Etat Français en janvier 2011 le rôle qu'il faudrait selon lui attribuer à l'institution pour en faire un élément de gouvernement mondial. Il préconise « de "renforcer la surveillance du FMI" sur les "politiques budgétaire, monétaire et financière des Etats [membres] " et de leur imposer des "normes" dont tout écart pourrait être sanctionné. En clair, il plaide pour "une discipline efficace" et une surveillance accrue du FMI afin d'œuvrer à un ajustement renforcé. " Cette "régulation" devrait être gérée par le FMI et s'appliquer aux Etats, non au marché, celui-ci devant rester libre et sans entraves... (6) »
Que va dire DSK sur ce sujet ? Va-t-il soutenir une option du type de celle exprimée par M. Camdessus, au risque de nuire à sa carrière politique au sein du Parti Socialiste. Ou va-t-il défendre une régulation de la finance, contre les opinions et les intérêts des milieux financiers tels qu'ils sont exprimés par M. Camdessus, et contre les idées des animateurs du Groupe Bilderberg - qui réunis des "décideurs" américains et européens - dont DSK fait parti (7) et dont il défend les idées mondialistes, presque autant que peut le faire M. Camdessus.
Dans les deux cas, il s'agit d'imposer aux états des politiques d'austérité budgétaire, à propos desquelles J. Attali a dit qu'elles vont « plonger l'Europe dans une période de dépression majeure » (8), tandis que pour J. Stiglitz (Prix Nobel d'économie) elles sont « une menace pour les démocraties par les tensions qu'elles génèrent » ; et empêcher les états d'opter pour des politiques alternatives (9).
Nous sommes parvenu assez loin de ce que DSK a déclaré lors de son dernier passage télévisuel, mais certainement beaucoup plus près (surtout pour son projet européen) de la politique qu'il compte appliquer à la France et à l'Europe en cas de victoire à la présidentielle. En cas de défaite, Sarkozy s'appliquera à faire la même chose, c'est-à-dire continuer ce qu'il a déjà entreprit.
Ce qui a fait dire à Jean-Pierre Chevènement, lors de son commentaire sur la proposition européenne de DSK, qu'"entre ce que propose Strauss-Kahn et ce que propose Sarkozy", il ne voyait "pas une grande différence" (10).
Par Gaël Michel
Notes :
1.http://www.cadtm.org/Les-sept-peche...
2.http://www.monde-diplomatique.fr/20...
http://www.democratie-socialisme.or...
3.http://www.democratie-socialisme.or...
4.http://www.chevenement.fr/Mobilisat...
5.http://www.marianne2.fr/Europe-la-s...
6.http://www.mondialisation.ca/index....
7. http://fr.wikipedia.org/wiki/Groupe...
8.http://www.dailymotion.com/video/xd...
9.http://www.marianne2.fr/Joseph-Stig...
10. http://www.dailymotion.com/video/xg...
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