Quel accueil des exilés par les collectivités territoriales ?
En dehors d’une réponse à l’urgence, les collectivités territoriales sont légalement responsables de certaines tâches en matière d’accueil des réfugiés. En termes d’accueil des exilé.e.s, ces trois échelons locaux exercent différentes compétences. Tout d’abord, les communes favorisent la bonne installation des exilé.e.s dans. Par exemple, elles facilitent l’inscription des enfants à l’école maternelle et primaire ou encore la demande de logement social. Ensuite, les départements s’occupent du domaine de l’action sociale comme l’aide à domicile pour les personnes âgées. Et enfin, les régions et plus particulièrement les conseils régionaux s’occupent du financement pour les intégrer dans la société.
Par ailleurs, avec la décentralisation, les collectivités territoriales ont pris de plus en plus d’importance au sein de l’État français et bénéficient d’une relative marge de manoeuvre en terme d’exercice de compétence. L’article 72 de la Constitution du 4 octobre 1958 (modifiée par la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003) statue que “Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon.” ou encore “les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limitée, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences.” Il faut aussi noter que depuis 2015, avec l’adoption de la loi NOTRe, la répartition des compétences des collectivités à changé et la commune est la seule à garder sa clause de compétence générale. Elle serait donc celle qui a le plus de pouvoir concernant l’accueil des exilés.
Ainsi, l’accueil des exilé.e.s n’est plus qu’une question étatique, mais également une problématique pour les collectivités territoriales qui bénéficient d’une certaine marge de manoeuvre pour agir en faveur des personnes exilé.e.s.
Il conviendra donc de se demander en quoi les collectivités territoriales, en France et en Europe, peuvent jouer un rôle fondamental dans l’accueil des exilés et ainsi quelles sont les stratégies et les limites à leurs démarches.
Le terme “exilée.s” sera préféré à l’emploi du terme “migrant.e.s”. Effectivement, comme l’explique la Cimade, le terme “migrant.e.s” est souvent utilisé pour évoquer les personnes qui quittent leur pays pour des raisons économiques.L’exil se réfère à l’impossibilité de vivre dans sa patrie et à la fuite que cela entraîne. “Exilé.e.s” est employé comme un état (peu souvent utilisé comme verbe d’action) évoquant ainsi une situation plus subie que choisie. De plus, ce terme permet d’aborder plus largement ces populations sans se limiter à celles qui se sont vu attribuer le statut de réfugié. Par exemple, il permet d’inclure les personnes en demande d’asile.
L’accueil des exilé.e.s : une initiative stratégique de la part des collectivités territoriales.
Pourquoi les collectivités mettent-elles en place des politiques publiques d’accueil des exilé.e.s sur leur territoire ?
Nous pouvons distinguer deux principales motivations des collectivités à agir en faveur de l’accueil des exilé.e.s : la solidarité et la réponse à l’urgence.
Dans le premier cas, les collectivités s’engagent pour la solidarité. Elles agissent de manière spontanée, sans être confrontées brutalement à des arrivées de personnes en situation d’exil sur le territoire mais parce qu’elles sont conscientes de l’enjeu. C’est le cas de Barcelone, membre du réseau des villes-refuge, dont l’engagement ne provient pas d’un enjeu territorial mais d’une véritable volonté politique de solidarité.
Dans le second cas, les collectivités territoriales répondent à une urgence qui concerne leur territoire dans une démarche davantage réactive que réellement volontaire.
De cette implication territoriale, des politiques publiques sont prises par certaines collectivités territoriales, de manière spontanée ou bien en réponse politique à la demande des habitants. Ces politiques publiques peuvent être plus ou moins ambitieuses. Parmi ces collectivités, nous pouvons mentionner Strasbourg. La ville de Strasbourg mène une politique publique d’accueil des réfugié.e.s, en réponse à l’urgence, qui est menée en coopération avec la société civile. Dans cet engagement, la ville de Strasbourg travaille avec les associations, finance des projets comme des structures d’accueil pour les demandeurs d’asile et a élaboré un Manifeste pour l’Accueil digne des personnes migrantes vulnérables. Ce Manifeste a été créé en collaboration par plus de 150 acteurs de la société civile (associatifs, caritatifs), universitaire et institutionnelle pour faire évoluer la réponse du territoire. De manière plus concrète, le Manifeste souhaite mettre en œuvre des actions qui sont tournées sur l’appui aux associations, le soutien de la dynamique citoyenne, la concrétisation d’une politique publique engagée en coopération avec ces associations, et enfin, la mise en réseau à travers les instances de dialogue nationales et européennes. On trouve ici une véritable volonté de sortir de l’urgence et de formuler une réponse viable sur le long terme à travers une politique d’accueil globale : assez ambitieuse par sa volonté de mettre en réseau à travers des instances et par la coopération entre la société civile et la collectivité, mais dépendante de cette société civile. Ces politiques publiques locales de réponse à l’urgence peuvent donc être plus ou moins ambitieuses, cependant, elles semblent limitées par les compétences et moyens des collectivités.
Cependant, de manière annexe aux motivations les plus évidentes, d’autres arguments peuvent être mobilisés pour justifier l’action des collectivités.
Un troisième facteur de motivation pour les collectivités peut être que la collectivité tire un bénéfice direct de l’accueil d’exilé.e.s sur son territoire. Mobiliser ce type d’argument peut permettre de convaincre un plus grand nombre d’acteurs. Effectivement, dans une situation économique compliquée où les emplois se font rares, l’arrivée de nouvelles personnes peut être mal perçue. Or dans certains cas, l’arrivée de personnes exilé.e.s peut amener un nouveau souffle aux territoires dépeuplés. Le cas du village de Riace en Italie, a accueilli un grand nombre d’exilé.e.s dans le but de repeupler et redynamiser le village. Mimmo Lucano, ex-maire de Riace, a accueilli depuis 1998, plus de 600 personnes. En échange d’un travail dans l’artisanat local, les exilé.e.s étaient nourri.e.s, logé.e.s et même payé.e.s à hauteur de 600 euros en monnaie locale. Au-delà de ses valeurs humanistes, il a perçu l’arrivée de nouvelles personnes comme une véritable opportunité pour son village. L’argument économique peut donc servir à défendre un système d’accueil tel que l’a construit Mimmo Lucani. Cet épisode en faveur de l’accueil des exilés reste marginal mais a démontré son efficacité à Riace. Toutefois, le projet est mis à mal par le procès de Mimmo Lucani, accusé d’aide à l’immigration clandestine dans un contexte politique italien de moins en moins favorable à l’accueil des exilé.e.s.
Malgré l’absence de compétence consacrée dans le droit des collectivités à agir en matière d’accueil des exilé.e.s, l’engagement d’élu.e.s ou représentant.e.s de groupes de collectivités territoriales témoignent d’une volonté de s’investir dans ce domaine : Notons la déclaration du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe en mars 2017 « Il est de la responsabilité des collectivités locales de s’assurer que les droits humains fondamentaux des réfugiés arrivant dans leur communauté sont préservés ».
Cette envie d’agir se traduit par une plus grande implication des collectivités dans la mise en place de politiques d’asile et d’immigration. Ainsi Jean Marie Bockel, sénateur et président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation déclare en mars 2017 “Nombre d’entre nous ont été maires et connaissent cette question. Ils savent que l’accueil [des exilé.e.s] constitue une compétence de fait, même si elle n’est pas de droit. “
Nous avons vu les raisons pour lesquelles les collectivités mettent en place des politiques d’accueil sur leur territoire mais il nous faudra voir par quels dispositifs ces politiques se mettent en place.
Les politiques d’accueil des exilé.e.s lorsqu’elles sont développées à l’échelon local peuvent à la fois faire l’objet de stratégie comme être seulement une simple réponse à l’urgence. Quelles que soient les raisons, il convient maintenant de regarder plus en détail la mise en œuvre de ces politiques d’accueil.
Les modalités d’accueil
Les collectivités territoriales peuvent mettre en place différentes politiques publiques d’accueil. Sans passer en revue l’ensemble des actions pouvant être menées, nous allons à présent nous concentrer sur les politiques d’hébergement et sur les initiatives de coopération décentralisée.
Le volet hébergement de la politique d’accueil est géré majoritairement par l’État par le biais des départements. Toutefois, les pouvoirs publics n’agissent pas seuls. En général, pour gérer les dispositifs d’hébergement, ils font appel à des associations ou des entreprises. Ces acteurs sont missionnés par l’État pour s’occuper des dispositifs où logent les personnes exilé.e.s. Des subventions sont accordées à des associations pour qu’elles régissent les centres d’hébergement. Cela permet de s’adapter au mieux aux besoins locaux et d’une certaine manière de profiter de la légitimité des associations.
Selon Magalie SantaMaria, ces associations ont tendance à se professionnaliser et à perdre leur pouvoir d’influence sur les politiques publiques. Elle les qualifie d’“associations gestionnaires”. Celles-ci deviennent de véritables opérateurs publics. Ces associations bénéficient du statut de la loi de 1901 et leur financement est issu majoritairement de subventions publiques. La majeure partie des membres sont salariés et non bénévoles. Par ailleurs elles accomplissent des missions de service public. Leur marge d’action est donc limitée.
Afin de dépasser l’urgence et d’accueillir des exilés sur leurs territoires, les collectivités vont parfois jusqu’à mettre en place des réseaux de collectivités afin de partager leur expertise et leurs expériences.
Cette volonté de coopérer dans le cadre de l’accueil des exilé.e.s peut prendre des formes variées. En 1995, un réseau de ville-refuge a été créé à l’initiative du Parlement international des écrivains. Ce Parlement a été créé en 1993 à la suite d'assassinats en Algérie touchant notamment des écrivains. Un des buts du Parlement était de créer un réseau de villes refuges pour accueillir les écrivains persécutés souhaitant s'exiler. C’est ici une initiative de coopération décentralisée entre collectivités territoriales, une initiative prise de manière volontaire et non pas en réponse à l’urgence. Le choix de rejoindre le réseau est propre à chaque collectivité mais bien que le partenariat s’établisse sur le long terme, une alternance politique au sein de la collectivité peut nuire au à sa bonne mise en œuvre.
On retrouve ce type d’initiatives territoriales de coopération décentralisée pour l’accueil des exilé.e.s politiques depuis les années 2010. Certaines villes, ne souhaitant plus agir dans l’urgence, ont constitué un réseau de villes-refuge (Barcelone, Paris, Lampedusa, Lesbos) afin de garantir des conditions d’accueil décentes aux migrants, demandeur.e.s d’asile et exilé.e.s. La dynamique d’accueil des réfugié.e.s provient des collectivités qui souhaitent impulser une démarche à l’échelle internationale en créant un réseau international d’acteurs locaux.
Cette volonté de coopération décentralisée est parfois mise en œuvre au sein même des instances internationales. Nous pouvons citer l’initiative d’Ada Colau, maire de Barcelone, qui a organisé au Parlement européen le 18 octobre 2016 les Solidacities : une journée dédiée aux villes solidaires et à l’accueil des exilés, pour que les représentants de nombreuses villes européennes confrontent leurs pratiques. Les représentant.e.s de ces villes y ont tenu un discours opposé à ceux tenus par leurs États : ils y ont dénoncé l’absence de volonté politique des gouvernements étatiques en matière d’accueil des réfugié.e.s, ce qui est pour eux une justification de la prise de relais par les collectivités « la ville est le premier niveau d’accueil des migrants quand l’État est incapable de réagir ». Bien que les collectivités territoriales ne partagent pas les mêmes échelles (Métropoles, villages) elles ont malgré leurs différences, tenté de résoudre un problème commun. Par cette démarche, les collectivités territoriales cherchent à se démarquer des politiques nationales de leurs pays.
Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, et le président de la Fédération nationale des élu.e.s socialistes et républicain.e.s (FNESR), Pierre Cohen, ont lancé en 2015 un appel à la création d’un réseau de villes solidaires qui s'engagèrent à accueillir des réfugié.e.s. Cet appel soutenu par la maire de Lille, Martine Aubry, traduit la mobilisation des élu.e.s politiques (du parti socialiste) concernant la question des réfugiés. “L’objectif est également de faire entendre la voix des territoires et d’engager ainsi le dialogue entre les différents niveaux de gouvernance (niveau local, national et européen)”. Ainsi, le Congrès les pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe a adopté le mercredi 21 octobre 2015 à Strasbourg une déclaration invitant les pouvoirs locaux et régionaux à se constituer en “réseau européen de villes solidaires”. Cette déclaration réitère “les principes de solidarité et de cohésion sociale”. Le réseau européen des villes solidaires œuvre pour le développement d’un “plan d’action innovant autour de quatre axes prioritaires : l’accès à la formation des nouveaux arrivants, le développement de nouvelles connexions entre les réfugiés et la population locale, la mise en réseau des acteurs et enfin le partage de compétence”. Le réseau européen des villes solidaires permet aux différents acteurs engagés dans l’accueil des exilé.e.s une mise en commun des actions.
Les démarches mises en œuvre par les collectivités territoriales en faveur de l’accueil des exilé.e.s se déploient différemment en fonction des territoires et des raisons qui les motivent. Elles dépendent aussi fortement du cadre législatif national.
Un cadre juridique national incertain laissant une marge d’action relative aux collectivités territoriales et aux acteurs du territoire.
Un cadre flou donnant une forte capacité d’action aux CT
La Stratégie nationale a été annoncée en juillet 2017 dans le cadre du plan pour garantir le droit d’asile et organiser les flux migratoires, en s’inspirant des conclusions du rapport “Pour une politique ambitieuse d’intégration des étrangers arrivant en France” du député Aurélien Taché le 19 février 2018. Cette stratégie “dessine un plan d’action global pour l’intégration des réfugié.e.s, mobilisant l’ensemble des acteurs impliqués (État, collectivités territoriales, associations, entreprises et réfugiés eux-mêmes). Elle s’articule autour de sept grands axes : le pilotage (qui correspond à la formalisation d’engagement des élus locaux en faveur de l’intégration des réfugié.e.s, la contractualisation avec des métropoles volontaires et le développement d’études), un parcours d’intégration renforcé avec la rénovation du Contrat d’intégration républicaine (CIR), l’amélioration de la maîtrise de la langue française et l’accès à la formation et à l’emploi, l’accès au logement en s’appuyant sur le “pôle migrants” de la Dihal, l’amélioration de l’accès aux soins, de l’accès au droit et enfin, le développement des liens entre les réfugié.e.s et la France à travers la mobilisation des jeunes, l’accès au sport et à la culture et la mise en place d’une plate-forme numérique d’échange. Alain Régnier, délégué interministériel chargé de l’accueil et de l’intégration des réfugiés. Depuis avril 2018, il effectue un tour de France afin de mettre en œuvre la Stratégie nationale pour l’accueil et l’intégration des réfugiés. Selon lui, la “Stratégie nationale pour l’accueil et l’intégration des réfugiés”, présentée lors du comité interministériel à l’intégration le 5 juin 2018 repose sur les collectivités territoriales. Grâce à la Stratégie nationale, les collectivités territoriales pourront signer une convention d’engagement pour l’accueil et l’intégration des réfugié.e.s. En contrepartie de ces signatures, l’État a prévu de mobiliser jusqu’à 300 000 euros par territoire pour financer des projets “ayant trait à la thématique de l’intégration, selon l’un des sept axes de la Stratégie nationale, comme l’apprentissage de la langue, l’accès au logement, à l’emploi, aux soins et aux droits". Ainsi, il n’y a pas d’intégration réussie des réfugié.e.s sans la bonne volonté et l’engagement des collectivités territoriales. Un autre axe de cette convention et souligné par Alain Régnier est le changement de regard sur les réfugié.e.s “à l’heure où les États traversent des crises de populisme". D’autre part, le 1er octobre 2018, la ministre du Travail Muriel Pénicaud a lancé un appel à projets pour l’intégration professionnelle des réfugié.e.s de 15 millions d’euros. Cet appel à projets vise à compléter les dispositifs déjà mis en places et à soutenir le développement des parcours vers l’emploi ou la création d’activité, des actions de diagnostics préalables, des actions visant à mieux évaluer et reconnaître l’expérience et les compétences des bénéficiaires d’une protection internationale, des actions visant à multiplier les passerelles entre bénéficiaires d’une protection internationale et acteurs économiques et des actions visant à favoriser la capitalisation des pratiques professionnelles. Le lundi 28 janvier, dix-huit projets ont été nommés par le ministère du Travail, dont deux déployés pour la région Auvergne Rhône-Alpes. L’État tente donc de s’impliquer dans l’accueil des exilé.e.s par la mobilisation de moyens. Toutefois, cette implication n’est pas contraignante pour les collectivités territoriales et l’accueil s’appuie donc davantage sur le bon vouloir de ces dernières.
Ensuite, les collectivités disposent de budgets propres agrémentés par des ressources spécifiques, elles entretiennent de nombreuses relations financières avec l’État à travers les concours que celui-ci leur verse. Chaque transfert de compétence de la part de l’État entraîne une compensation financière au profit de la collectivité pour qu’elle puisse mener à bien la mission en question. Les collectivités territoriales bénéficient d’une autonomie financière prévue à l’article 72-2 de la Constitution qui prévoit que les collectivités bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi : la liberté d’utilisation de leurs ressources doit être nuancée dans la mesure où l’État leur impose des dépenses obligatoires et les empêche d’effectuer certain type de dépense (ce sont les dépenses interdites). La marge de liberté des collectivités est donc limitée lorsqu’il s’agit de déterminer les projets qu’elles souhaitent financer. Les dépenses relatives à l’accueil des exilé.e.s font partie des dépenses facultatives : ces dépenses ne sont ni obligatoires ni interdites. L’accueil des exilé.e.s fait partie de la compétence sociale, c’est en l’occurrence du rôle prépondérant du département. En outre, il arrive que les compétences de collectivités pour les exilé.e.s soient directement imposées par l’État. C’est le cas en ce moment avec la circulaire du 12 novembre adressée aux préfets. Cette circulaire fixe des quotas régionaux d'accueil de réfugiés par région entre 2020 et 2021. Cet engagement correspond à l’annonce faite par M. Macron d'accueillir 10 000 réfugiés en deux ans. Cette action sera donc accompagnée d’une compensation financière de l’État envers les collectivités concernées. Sauf cas spécial prévu par l’État, chaque collectivité est donc assez libre de choisir d’agir pour les exilés ou pas, cela fait aussi partie de choix politiques des organes délibérants. Mais même s’ils décident d’agir leurs moyens ne sont pas illimités. De plus, les finances des collectivités sont fortement contrôlées autant au niveau local que national.
Enfin, un des problèmes de politiques locales vis-à-vis des problèmes migratoires est leur marginalité. François Germenne, chercheur et enseignant en sciences politiques, a étudié la question des réfugiés climatiques et la réponse de nos sociétés face à cette question. À travers la question des réfugiés climatiques, on retrouve un problème plus global face à l’intensification à venir du nombre de populations cherchant à s'exiler pour des raisons politiques, économiques ou climatiques. Face à cet accroissement du nombre de personnes cherchant l’exil, la mise en place de politique d’accueil, est certes nécessaire, mais pas suffisante. François Germenne met en perspective la nécessité de structurer nos pays et nos gouvernements en fonction des migrations, de manière transversale et non pas comme de simple gestionnaire. Hors, les politiques liées aux exilé.e.s sont développées de manière annexe et ne permettent ainsi pas aux collectivités de se structurer sur cette problématique.
Des freins étatiques aux compétences des collectivités territoriales à agir
Le droit d’asile est un droit consacré au niveau constitutionnel et législatif. L’asile et l’immigration sont des compétences régaliennes. Les États décident souverainement des conditions d’entrée et de séjour sur leurs territoires. En premier lieu, même si les collectivités peuvent prendre des initiatives concernant l’accueil des exilés, l’État est le premier organe compétent.
Il faut également ajouter aux compétences régaliennes, les contraintes législatives supranationales pesant sur la capacité des collectivités à agir. Nous assistons en effet depuis une dizaine d’années à une européanisation du droit d’asile ; notamment depuis le traité de Lisbonne entré en vigueur en décembre 2019, qui a modifié les mesures en matière d’asile en créant un système commun comportant un statut et des procédures uniformes pour les pays de l’Union, puis en 2013 le droit d’asile se retrouve encadré par l’Union Européenne à travers l’adoption du “Paquet asile”. Notons également l’impact du règlement UE Dublin III du 26 juin 2013 qui établit qu’un seul État membre est et reste responsable de l’examen d’une demande d’asile dans l’Union Européenne, ainsi que l’expérimentation française de régionalisation des procédures Dublin qui contraignent fortement la procédure de demande d’asile et peut entacher la capacité des collectivités territoriales à gérer l’accueil des exilé.e.s sur leurs territoires.
Nous pouvons aussi mesurer l’exclusion des collectivités territoriales par l’État à travers la mise en œuvre de processus de relocalisation des personnes. Après le démantèlement de la Jungle de Calais, le Ministère de l'Intérieur a décidé l’ouverture de Centres d’Accueil et d’Orientation (CAO) suite au rapport de Jean Aribaud et Jérôme Vignon de 2015, pour disperser les personnes sur le territoire français et mettre en place des démarches administratives adaptées à leurs parcours migratoires. Les exilé.e.s présent.e.s à Calais ont été orienté.e.s vers 450 CAO répartis sur l’ensemble du territoire à l’exception de l’Ile-de-France et de la Corse. L’ouverture de ces centres s’est faite dans l’absence de concertation avec les villes au niveau des dispositifs d’accueil.
Pour la gestion de l’hébergement, le schéma national est élaboré de façon centralisée sans implication des élu.e.s locaux.les. Du reste, la Direction départementale de la Cohésion sociale et de la Protection des Populations (DDCSPP) traite directement avec les opérateurs et gestionnaires de centres d’hébergement sans concertation avec les territoires. Philippe Rigollier, responsable de la mission Intégration et lutte contre les discriminations à Nantes Métropole, indique que l’une des difficultés à laquelle les municipalités font face est celle de subir la mise en œuvre d’une politique de gestion des migrations construite par un État centralisateur et se cantonnant à « gérer des flux », sans prise en compte des réalités et des conséquences sur le territoire.
Enfin, on peut actuellement déceler une absence de volonté du gouvernement actuel de donner des moyens aux collectivités pour accueillir les exilé.e.s.
Les collectivités territoriales françaises ont l’obligation légale de déclarer chaque année leurs dépenses d’aide publique au développement au titre de l’article L1115-6 du Code général des Collectivités territoriales. Ce n’est que depuis 2016, que l’État a demandé aux collectivités d’inclure leurs dépenses d’aide aux réfugié.e.s à leurs dépenses d’aide publique au développement. Cette demande a permis de gonfler les chiffres d’aide au développement qui devraient atteindre 0,55% du Produit national brut en 2022, mais dans le même temps, l’Etat a déclaré avoir augmenté l’aide au développement pour “inciter les migrants à rester dans leur pays et de lutter contre les passeurs”.
Un accueil des exilé.e.s dépendant en partie de la volonté des acteurs locaux
L’accueil des exilé.e.s dépend de la collectivité dans laquelle il s’inscrit.
Rappelons qu’en France le cadre de l’accueil et de l’asile est défini par le Code de l’entrée et du séjour des étranger.e.s et de l’asile (CESEDA). Les prérogatives du maire dans les procédures administratives y sont mentionnées. La municipalité doit de supporter concrètement la mise en œuvre des services concourant à la réalisation des droits fondamentaux des personnes accueillies : le droit au logement, à l’accès au soin, au travail, à la scolarisation pour les enfants.
En prenant l’exemple de Calais nous pouvons examiner comment la collectivité va structurer de manière autonome l’accueil des exilés.
En 2019, trois ans après la destruction de la “jungle” de Calais, la politique vis-à-vis des exilé.e.s se base essentiellement sur le démantèlement des camps d’exilé.e.s. La mobilisation des forces de l'ordre dans le démantèlement des camps est menée par la ville de Calais.
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