Qui perpétue le déséquilibrage Est-Ouest de l’Ile-de-France ?
En donnant son feu vert à la construction de nouvelles tours à la Défense, le ministre de l’aménagement du territoire, également président du Conseil général des Hauts-de-Seine et président de l’établissement public aménageur de la Défense, fait un cadeau aux fonds d’investissements immobiliers internationaux, et perpétue la fracture politique, territoriale et sociale entre l’Est et l’Ouest de Paris.
L’Ouest parisien concentre les emplois. Plus de 15 millions de m2 de bureaux se situent dans les arrondissements parisiens, à la Défense, et dans les communes de l’Ouest (Levallois, Boulogne, Issy-les-Moulineaux). Le Nord et l’Est parisien émergent très lentement, avec 3 millions de m2 à Plaine Commune, Montreuil. La Seine-et-Marne avec les pôles de Roissy , de Marne-la-Vallée et de Val d’Europe ne pèse que 1 % dans l’extension du parc immobilier annuel francilien.
Dans un contexte de logements de plus en plus chers, les salariés se logent de plus en plus à l’Est pour venir travailler à l’Ouest de Paris. Le ratio emplois par habitant se dégrade en deuxième et troisième couronne. Les collectivités locales de l’Ouest parisien sont de plus en plus riches et attirent les familles aisées qui peuvent s’y loger. Les communes à l’Est doivent financer des services à une population de plus en plus nombreuse, sans avoir de nouvelles recettes liées à l’activité économique. Les communes manufacturières de l’Est sont de plus affaiblies financièrement et socialement par des restructurations industrielles (SKF, Nina Ricci...).
Le rééquilibrage Est-Ouest dispose pourtant de bases solides : l’Ouest parisien s’est développé depuis les années 1960 grâce à une économie nationale reliée à son hinterland par les grandes gares parisiennes et Orly. Aujourd’hui, dans une économie mondialisée, l’Est francilien bénéficie des liaisons aériennes internationales à partir de Roissy, et du TGV qui desservira en dix minutes Marne-la-Vallée dès 2007.
Il est surprenant que dans ce contexte, le ministre de l’aménagement du territoire, également président du Conseil général des Hauts-de-Seine et président de l’établissement public aménageur de la Défense, privilégie par une décision du 25 juillet 2006 l’extension de l’offre de bureaux à l’Ouest en autorisant la construction de 300 000 m2 à la Défense. Le gouvernement offre un dispositif fiscal favorable et des garanties financières publiques sur des grands travaux d’aménagement. Cette faveur est justifiée par le fait que l’Etablissement public d’aménagement de la Défense est en déficit récurrent. La réponse est-elle de vendre plus de droits à construire, ou bien d’augmenter la contribution des propriétaires, investisseurs institutionnels, au coût réel du quartier de la Défense ? Il est paradoxal que la Défense soit un succès pour les investisseurs mais qu’ils n’en paient pas le juste prix.
Cette décision enlise l’Est francilien, qui ne peut réussir sans une politique publique incitative pour y implanter un ou deux premiers grands sièges sociaux. Ces premières grandes implantations créeront l’ image économique qui manque à l’Est francilien, et inciteront un tissu d’entreprises de services à venir.
Donner la priorité à la Défense va à rebours de l’histoire économique et de l’intérêt régional. L’objectif d’un seul grand pôle de bureaux en Ile-de-France garantit la valorisation immobilière, mais produit de considérables coûts externes négatifs, notamment en termes de qualité de vie, de pollution et d’infrastructures de transport.
La décision de 2006 autorisant 300 000 m2 de plus à la Défense ramène ceux qui l’ont prise à leurs ancêtres, qui après 1870 avaient ajouté, dans un élan de méchant conservatisme, à la fracture sociale parisienne, sa fracture géographique Est-Ouest.
Formules économiques locales
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