Reclassement à l’étranger : une proposition de loi de pure forme !
Messieurs les députés vous êtes des magiciens , des Mandrake sans la cape et le panache
vous faites prendre des vessies pour des lanternes !!!!!
suite à ces articles je postais une analyse sur ce sujet clic ici
ces affaires touchant un point d’actualité dès plus sensible dans le contexte économique déprimé que nous connaissons une proposition de loi visant à inscrire dans le Code du travail des garanties salariales et procédurales au bénéfice des salariés qui sont destinataires d’offres de reclassement interne a été déposée à l’Assemblée nationale .
proposition de loi "visant à garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement", clic ici
La proposition de loi a été adoptée sans amendement par l’Assemblée nationale le 30 juin dernier et a été transmise au Sénat.
que modifie la proposition de loi ?
- tout d’abord elle confirme le principe que le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient.
- elle rappelle le principe que Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent. et ajoute la formule "et assortie d’une rémunération équivalente"
A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.
- elle introduit une procédure à respecter pour faire aux salariés des propositions de reclassement à l’étranger
- lorsque l’entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l’employeur demande au salarié, préalablement au licenciement :
- s’il accepte de recevoir des offres de reclassement à l’étranger
- sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation.
- Le salarié manifeste son refus ou son accord, assorti le cas échéant des restrictions susmentionnées.
il dispose d’un délai de 6 jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l’employeur pour donner sa réponse . L’absence de réponse vaut refus.
- Les offres de reclassement hors du territoire national, qui sont écrites et précises, ne sont adressées qu’au salarié ayant accepté d’en recevoir et compte tenu des restrictions qu’il a pu exprimer.
Le salarié reste libre de refuser ces offres. Le salarié auquel aucune offre n’est adressée est informé de l’absence d’offres correspondantes à celles qu’il a acceptées de recevoir.
dans la réalité ce texte constitue t-il une avancée sociale ?
exemple : une entreprise ayant des établissements en Afrique centrale cette entreprise supprime 300 postes en France elle dispose de postes vacants dans ces implantations africaines
avant le texte de loi l’entreprise était dans l’obligation de faire des propositions écrites et précises pour ses unités étrangères à tous les salariés visés par le licenciement
Quels étaient les principaux aspects de cette obligation ?
la Direction générale de l’emploi et de la formation professionnelle avait émis le 23 janvier 2006 une instruction déclarant que « la proposition d’une entreprise concernant des postes au sein du groupe dans des unités de production à l’étranger pour des salaires très inférieurs au Smic ne peut être considérée comme sérieuse ».
Mais cette instruction n’a pas valeur de droit.
l’entreprise était donc dans l’obligation de faire des propositions de reclassement à l’étranger précises et écrites à tous les salariés menacés par un licenciement sauf à encourir des dommages et intérets pour licenciement abusif
si les propositions étaient assorties de salaires locaux elles risquaient fort ( dans la mesure à mon sens où le dialogue social était défaillant) de soulever indignation et colère des salariés
ce qui a été le cas dans plusieurs affaires récentes.
maintenant que va t-il se passer ?
- l’entreprise adresse un courrier aux salariés menacés d’un licenciement ( je pense que compte tenu des délais inscrits dans la loi la lettre devra être adressée en recommandé ou remise contre signature il en sera de même de la réponse du salarié)
dans ce courrier l’employeur doit indiquer s’il y a des postes disponibles à l’étranger et demander à chaque salarié dont le licenciement est envisagé s’il est d’accord ou non avec le principe de recevoir des propositions de reclassement hors du territoire national.
l’obligation de l’entreprise est minimaliste semble t- il.
un courrier demandant au salarié s’il est d’accord de recevoir des propositions de reclassement à l’étranger, l’informant qu’il peut émettre des restrictions sur les propositions à recevoir, qu’il dispose d’un délai de 6 jours ouvrables pour donner sa réponse et que le défaut de réponse vaut refus semble suffire.
je dis bien semble , car déjà à ce niveau des contentieux pourront naître.
un salarié ne répondant pas ou répondant par la négative ne recevra donc aucune proposition de reclassement
ne sera t-il pas fondé à réclamer des dommages et intérets si l’employeur ne fournit pas une liste exhaustive des lieux de reclassement- ne pourra t-il pas invoquer de ne pas avoir été suffisamment informé pour donner une réponse de principe éclairée etc...
les tribunaux ne manqueront pas de dessiner le contour de cette nouvelle obligation faîte à l’entreprise au fur et à mesure des contentieux .
le respect de la procédure sous sa forme minimaliste ne garantit pas à mon sens l’employeur .
- le salarié a un délai de 6 jours ouvrables pour donner son accord de principe et doit fournir les restrictions notamment quant au salaire et aux postes proposés.
par exemple :
oui je donne mon accord pour un poste de..... sauf dans les pays suivants.....
je n’accepte pas un salaire mensuel inférieur au smic soit ... en nets a ce jour ...euros ( ce n’est qu’un exemple) et je souhaite conserver mes fonctions de...
autre exemple je suis d’accord pour être reclassé à....
sur un poste qui correspond aux fonctions que j’ai actuellement et au salaire de base en euros que je perçois ce jour soit .... bruts ou nets....
le salarié doit réfléchir vite car il a un délai de 6 jours pour donner une réponse de principe ( délai qui est bien court lorsqu’on a femme et enfants et que cette décision risque de bouleverser votre vie personnelle et familiale !)
les entreprises auront à mon avis et pour se garantir tout intérêt à élaborer des questionnaires pour donner une information précise aux salariés et les aider à formuler leur réponse.
- l’employeur devra ensuite faire le tri des réponses
il adressera des propositions de reclassement précises uniquement aux salariés ayant manifesté leur intention d’en recevoir.
les oublis et erreurs de l’employeur seront lourdes de conséquences car tout salarié qui ne recevra aucune proposition alors qu’il a accepté le principe de recevoir des offres sera fondé comme aujourd’hui à réclamer des dommages et intérets .
l’employeur devra également faire une bonne lecture des restrictions émises par le salarié car s’il lui fait parvenir des propositions de reclassement dans un pays rejeté par ce dernier ou à un salaire inférieur au salaire indiqué , il risque fort de créer mécontentements et d’aggraver le climat social déjà en général tendu pendant les procédures de licenciement collectif.
si l’employeur se trompe dans la lecture des restrictions là encore il peut s’exposer à des dommages et intérets
les problèmes risquent d’être multiples et les contentieux en proportion.
en résumé cette nouvelle obligation faite à l’employeur ne résoud rien bien au contraire
si les propositions assorties d’un salaire local ont choqué c’est que la communication au sein des entreprises concernées était à mon sens défaillante et la procédure mise en place ne garantit pas une amélioration de cette communication lorsqu’elle est mauvaise.
( je n’exclue bien évidemment pas une instrumentalisation des affaires qui ont fait la une des médias par les syndicats et partis politiques.)
- le texte apporte une nouveauté l’obligation de faire une proposition de reclassement "assortie d’une rémunération équivalente"
mais que veut dire le terme équivalent ?
Equivalent ne veut pas dire identique les débats à la commission sociale sont clairs sur ce sujet :
voici quelques interventions des membres de la commission sociale dont celle du rapporteur
La référence au concept d’ordre public social français en matière de rémunération correspond au salaire minimum de croissance. Or les cadres et les salariés qualifiés perçoivent une rémunération supérieure et la garantie du SMIC ne leur suffirait pas. Je souhaite que seule l’obligation de proposer un reclassement sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente soit inscrite dans le droit du travail.
M. le rapporteur. Le fait d’adresser une lettre recommandée aux salariés, puisqu’en pratique cela se passera ainsi, est une contrainte minime. Dans l’autre sens, l’amendement vise à instaurer une règle simple et claire qui évitera en conséquence le maximum de contentieux.
Une entreprise possédant des établissements en France, en Espagne, en Belgique, en Roumanie, en Inde ou encore au Brésil fera au salarié des propositions en fonction des conditions de rémunérations qu’elles pensent pouvoir légitimement offrir dans chacun de ces pays ; toutefois, comme le salarié aura indiqué à l’avance ses conditions de salaire, si l’entreprise ne peut pas offrir une rémunération égale ou supérieure à celle demandée, elle ne sera pas obligée de faire une proposition. En définitive, le salarié ne risquera plus de recevoir une proposition indécente et l’employeur ne sera plus dans une situation de doute.
J’ajoute, connaissant le peu de goût pour la mobilité de nos concitoyens, que cette disposition concernera peu de salariés.
Enfin, si nous n’adoptions pas cet amendement, nous laisserions dans le texte la référence au concept d’ordre public social français, juridiquement incertaine et source de contentieux.
La première partie de l’article unique de la proposition de loi précise que les offres de reclassement devront assurer aux salariés une rémunération équivalente à celle qu’ils percevaient dans leur précédent emploi. Cette mention était étrangement absente de l’article L. 1233-4, qui se contentait d’assurer aux salariés concernés un reclassement portant « sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe, ou sur un emploi équivalent ».
Désormais, le juge pourra si ce texte est adopté, sanctionner les offres de reclassement assorties d’une rémunération non équivalente, et plus particulièrement celles qui sont humiliantes pour le salarié, ce qui permettra d’éviter les nombreuses dérives dont nous avons été témoins.
A la lecture de ces interventions le texte de loi n’impose nullement une rémunération identique à celle perçue par le salarié
elle n’impose nullement une rémunération minimale conforme à l’ordre public français c’est à dire au Smic
elle impose une rémunération équivalente c’est à dire une rémunération qui dans l’esprit des députés correspond à une rémunération que l’entreprise estime pouvoir donner pour le pays d’accueil
et d’ajouter que les salariés qui auront refusé de recevoir des propositions à l’étranger ne recevront pas de propositions indécentes !
pour ceux qui accepteront le principe d’un reclassement à un salaire au smic ou à leur salaire ne recevront aucune proposition si l’entreprise ne peut pas donner autre chose qu’un salaire inférieur.
le rapporteur a également précisé :
"Pour résumer ma présentation, je dirais que cette proposition de loi poursuit deux objectifs. Le premier relève de la morale : il s’agit de faire en sorte que jamais, plus jamais, un salarié ne puisse recevoir une proposition de reclassement indécente, voire traumatisante, au mépris même de sa dignité. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Pour résumer l’ambition de cette proposition de loi du groupe Nouveau Centre, je dirai qu’elle vise deux objectifs.
Le premier est d’ordre moral. Il s’agit de remettre de la dignité dans des procédures où le mépris de la personne a pu s’installer. Plus jamais un salarié ne recevra une proposition de reclassement indécente voire traumatisant"
mince alors rien de nouveau sous le soleil des textes de loi
ce projet de loi , déposé en réaction à des affaires médiatisées, c’est une sorte de pommade qui a pour objectif de ménager la susceptibilité des salariés , ne pas les choquer et de rassurer l’entreprise !
bien plus encore la loi permettra d’ éviter aux employeurs d’envoyer des propositions car ces propositions devant correspondre aux souhaits des salariés quel sera le salarié qui indiquera dans sa lettre qu’il accepte un poste assorti d’un salaire inférieur au smic ? ou un salaire correspondant en pouvoir d’achat local ,,,.
quelle belle innovation !
en résumé il appartiendra encore une fois aux tribunaux , si la loi n’est pas précisée par un décret , de définir ce qu’est une rémunératio équivalente
ce point sera particulièrement délicat dans les pays émergents ayant des salaires trés inférieurs à ceux que nous pratiquons en France.
voir compte rendu de la commission des affaires sociales et culturelles du 10.06.2009 clic ici
voir débats réunion assemblée nationale du 25.06.2009 clic ici
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