Reconnaître le vote blanc : une nécessité démocratique
L’élection présidentielle 2007 a suscité une forte mobilisation des électeurs mais l’analyse du résultat montre aussi que le vote blanc ou nul a triplé entre le premier et le second tour, passant de 534 846 bulletins, soit 1,44% des votants le 22 avril à 1 568 426 bulletins, soit 4,20 % des votants le 6 mai.
De nombreux électeurs ont refusé de choisir entre une politique libérale et atlantiste incarnée par Nicolas Sarkozy et une politique de « l’ordre juste » mis à toutes les sauces mais sans contenu réel, incarnée par Ségolène Royal.
L’absence d’élection à la proportionnelle écarte déjà de toute représentation parlementaire plusieurs millions d’électeurs mais nos institutions ne s’honorent pas non plus à ignorer le vote blanc qui n’est pas une abstention.

Dans une démocratie, l’exercice du droit de vote est un acte civique de la plus haute importance car il traduit l’engagement politique de chaque électeur.
Apparu
à l’époque où l’électeur écrivait le nom de son candidat sur le
bulletin de vote, le bulletin blanc exprimait tout naturellement le non-choix. Il fut pris en compte jusqu’en 1852, année du décret qui le
considère comme vote nul.
Aujourd’hui, de nombreux citoyens, ne trouvant pas leur bonheur dans l’offre politique, se déplacent néanmoins au bureau de vote en votant blanc. En plus de l’abstention traditionnelle, en particulier à d’autres élections que la présidentielle, l’expression des électeurs s’est diversifiée et l’affrontement bipolaire tend à s’atténuer au profit de choix plus relatifs, le taux de votes blancs ou nuls, traduisant l’état de doute de l’opinion.
Les motivations de vote de l’électeur « blanc » ne sont ni le désintérêt ni le manque d’information mais avant tout le refus des candidats en présence et l’hostilité à la politique proposée. Il n’y a donc aucune raison de considérer un bulletin blanc comme un bulletin nul.
Or,
l’article L. 66 du code électoral assimile fâcheusement les bulletins
blancs aux bulletins nuls. Cette confusion, née à l’origine de la
volonté du législateur, ne recouvre plus, ou très partiellement, la
réalité électorale actuelle. Il est d’ailleurs intéressant de souligner
que les dispositions de la loi du 30 décembre 1988 relatives aux
machines à voter prévoient l’enregistrement et la totalisation du vote
blanc ! Comme si le législateur, une fois n’était pas coutume, avait
anticipé sur les évolutions de l’opinion publique et de ses demandes.
Un
sondage réalisé par l’IFOP permet de mesurer les attentes des électeurs
sur cette question : 7 % des Français (soit 3 millions de personnes)
déclarent avoir souvent voté blanc ou nul, 13 % quelquefois, et 16 %
très rarement. La reconnaissance du vote
blanc rencontre la faveur d’environ 60 % des personnes consultées. Ce
sont surtout les jeunes électeurs qui se prononcent en ce sens (75 %
chez les moins de 35 ans, 86 % chez les cadres supérieurs et
professions libérales). Enfin, quelle que soit l’orientation politique
des personnes interrogées, une majorité se prononce en ce sens, à
gauche ou à droite.
Devant l’ampleur de ce malaise politique, la question posée est donc claire : vaut-il mieux reconnaître le vote blanc comme exutoire civique et élargir ainsi l’offre politique, ou encourager une expression protestataire nettement plus périlleuse pour la démocratie ?
Les arguments ne manquent pas pour justifier la comptabilisation des votes blancs en nombre de suffrages exprimés car il s’agit d’une demande formulée par les citoyens eux-mêmes et c’est une question essentielle sur le plan politique. Mais cette réforme verra t-elle enfin le jour ?
Le
nouveau président de la République Nicolas Sarkozy ne semble pas avoir
un tel projet politique dans ses cartons, plus préoccupé d’ouvrir
d’autres chantiers tels que la suppression totale des droits de
succession ou une nouvelle baisse de l’impôt sur le revenu pour le plus
grand bonheur des plus fortunés et au détriment de l’ensemble des
salariés qui verront une nouvelle fois augmenter les impôts indirects
de toute sorte...
Quant au PS, en page 63 de son petit opuscule « Réussir ensemble le changement », il affirme vouloir « reconnaître la prise en compte séparée des bulletins blancs, pour une démocratie plus directe ». Mais lors de la primaire interne du 16 novembre dernier, relative au choix du candidat pour la présidentielle 2007, aucun bulletin blanc n’avait été mis à la disposition des adhérents socialistes. Seuls 1145 militants courageux avaient toutefois trouvé le moyen de voter blanc pour pouvoir s’exprimer comme ils l’entendaient...
La reconnaissance du vote blanc en tant que suffrage exprimé est une nécessité pour la démocratie et la défense des droits des citoyens et les craintes exprimées, ici ou là, par les tenants d’un certain conservatisme, sont le plus souvent excessives.
La proposition de loi du parti blanc
Il n’est pas envisageable d’introduire le vote blanc comme suffrage exprimé sans prendre en compte le maximum de conséquences prévisibles de cette nouvelle règle dans l’ensemble du système électoral. C’est pourquoi nous demandons :
1) La reconnaissance du vote blanc comme moyen d’expression
Les bulletins blancs doivent être mis à disposition des électeurs, dans une forme identique aux autres bulletins, les noms des candidats (la réponse à la question) étant remplacés par l’intitulé " Vote blanc ". Ils doivent être comptabilisés dans les suffrages exprimés. Ils sont interprétés pour valider ou invalider la consultation, mais ne sont pas pris en compte dans le décompte définitif servant à l’élection proprement dite. On peut même imaginer un moyen plus nuancé d’exprimer son vote blanc : des bulletins différents pourraient être imprimés sous divers intitulés : " Aucun des autres choix ne me convient ", " Je ne me sens pas en mesure d’exprimer mon choix" ou « J’exprime mon mécontentement face à un fonctionnement démocratique que je juge anormal ».
2) La modification des calculs électoraux
La
prise en compte du vote blanc comme suffrage exprimé impose de
redéfinir le quorum de validité des consultations, les seuils de
passage au second tour, et d’élection, dans les différents types de
scrutins. Il conviendra également de définir un taux de votes blancs
impliquant un report de la consultation. En
effet, si un grand nombre d’électeurs manifestent ainsi leur incapacité
à se prononcer en faveur de l’une des possibilités offertes, il faut
laisser un certain temps (deux mois par exemple) pour permettre à l’offre
politique de se réorganiser, et aux candidats de mieux s’expliquer. Ce
taux ne serait plus pertinent lors de la deuxième consultation.
3) Une meilleure répartition du financement public des partis
Actuellement, il faut obtenir un score supérieur à 5% pour se voir intégralement remboursé de ses frais de campagne. Ce système ne favorise pas l’émergence de nouvelles forces politiques et donc le renouvellement des idées. Les formations politiques naissantes ne communiquent en effet pas efficacement leurs idées quand les partis traditionnels font du véritable marketing politique. Nous proposons que les partis politiques se voient allouer une somme proportionnelle au nombre de voix obtenues. Cette somme serait forfaitaire en cas de report d’élection. Les sommes correspondant au vote blanc seraient versées à un organisme public indépendant (par exemple le Centre d’Information civique) qui les utiliserait pour la formation des citoyens, et le subventionnement des organisations politiques qui ne touchent pas encore d’autres formes de financement public.
Pétition en faveur de la reconnaissance du vote blanc sur : http://petition.partiblanc.fr/
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