Une campagne nationale bien orchestrée, laisse entendre, qu’évidemment la Loire Atlantique doit être rattachée à la Bretagne. Peut-on faire si facilement l’impasse sur la région des Pays de la Loire dont Nantes est depuis 50 ans la capitale ?
Ainsi l’affaire serait entendue : la Loire Atlantique demanderait son rattachement à la Bretagne, afin de reconstituer la Bretagne historique, et mettre fin à 50 ans d’anomalie administrative et politique. Le président de la République – qui parle beaucoup – s’en est fait l’écho, et un peu à la Ponce Pilate, a laissé croire qu’il laisserait faire. Depuis le grand amplificateur médiatique et la forte mobilisation des militants de cette cause, donnent le sentiment que le redécoupage des régions a été l’activité principale de la commission Balladur, et qu’il faut passer à l’acte. L’acte de décès des Pays de la Loire.
Pour ce faire, les avantages que la Loire Atlantique retirerait de son rattachement à la Bretagne - comme un dernier wagon resté à quai - sont peu développés. En revanche, le procès fait au Pays de la Loire est sans appel : mosaïque informe, fille de Pétain, habitée de « ligériens » - appellation péjorative ! - sans histoire ni culture commune, et autres amabilités.
Alors que l’air du temps est à la valorisation du métissage et de la diversité, reconnaissons au moins que les Pays de la Loire constituent un bel exemple d’enrichissement mutuel. L’histoire, les paysages, les territoires de vie, rapprochent les hommes et les départements de cette région.
Faut-il rappeler le passé prestigieux du Maine et de l’Anjou bien symbolisé par l’Abbaye de Fontevrault. De la Hongrie à Jérusalem, de l’Angleterre au royaume de Sicile, « L’Europe des Anjou » a marqué l’histoire du XIIème au XVème siècle. Passé douloureux au sud de la région, avec la Vendée au sens large, qui a payé lourdement sa rébellion contre un pouvoir qui la méprisait. Les Chouans dans leur errance ont sillonné cette région, et lui ont aussi donné des éléments d’identité.
Les paysages et leur lumière si particulière, les cultures avec les vignobles du val de Loire au pays nantais – de Saumur à Clisson - les cultures maraîchères qui suivent le fleuve : autant de marques de qualité connues bien au-delà de nos frontières. Faut-il appeler à la barre de ce procès, Julien Gracq ligérien célèbre qui écrivait « Quand on va du nord au sud de la Loire, bien qu’on reste dans la région du schiste et du bocage, on change en réalité de pays…et même de manière villageoise de vivre et de philosopher ». C’est bien aussi la diversité de la Loire Atlantique, si bien nommée, avec ses ardoises au nord et ses tuiles au sud.
Comment ne pas voir enfin le spectaculaire rapprochement des territoires de vie des habitants de cette région, avec les aires urbaines de Nantes, La Roche sur Yon, Cholet, Ancenis, Angers, toujours plus proches. Ce sont autant d’échanges, de projets communs, de migrations quotidiennes, qui avec l’attirance des Mayennais et Sarthois pour nos côtes, ont constitué un vrai territoire économique social et culturel. Nantes s’y inscrit naturellement comme pôle central et l’hôtel de région au milieu du fleuve tourné vers l’est, symbolise bien la dimension ligérienne, multipolaire. Comment imaginer la Loire Atlantique rompant tous ces liens et tournant définitivement le dos à la Loire ?
Alors ne jetons pas la région des Pays de la Loire avec l’eau du fleuve. Gardons ce que l’histoire récente a façonné et enrichi. Et s’il faut trouver de nouvelles dimensions pour nos régions, nous avons davantage à gagner dans le dépassement pour constituer un ensemble plus vaste. La Bretagne, les Pays de la Loire, le Poitou Charente, en mettant en commun ce qu’elles ont de meilleur, constitueraient un territoire tourné vers l’avenir, alliant dynamisme économique, démographique et culturel. Chacun pourrait y garder son identité et assurer son développement sans repli ni crispation.