Refonder une vision politique de gauche
Au commencement, il n’y a rien (de nécessaire) ; tout est possible. L’Homme dispose d’une faculté particulière, la créativité* qui lui confère aussi sa dignité. Elle le rend humain en le différenciant des autres êtres vivants (sans instaurer nécessairement de hiérarchie entre lui et ces êtres). Par l’intermédiaire grossier du langage, il invente bien et mal, catégories et hiérarchies, croyances et traditions, qui lui permettent de se repérer efficacement dans le monde et de donner du sens (parmi de multiples sens possibles) à sa vie.
Tradition et créativité
La tradition (et la religion peut en instaurer des formes particulières), qui ne se manifeste que quand elle est transgressée (et donc n’existe paradoxalement que par la transgression, qui est aussi une forme d’innovation), ne vaut que dans un contexte donné et ne peut prétendre régler toutes les affaires humaines. Cela ne signifie pas qu’elle doive être systématiquement combattue, mais uniquement qu’elle n’est pas première parmi les principes qui règlent la société de tous les Hommes. La tradition est en effet relative, certaines formes qui bafouent la dignité et la créativité humaines doivent être supprimées. Bien évidemment la seule transgression d’une tradition par une autre, sans mise en cause de la créativité d’un individu, n’est pas une raison suffisante pour supprimer la tradition « coupable » : ainsi, on interdit en France l’excision mais on doit tolérer la prière publique qui n’entrave pas la circulation.
La relativité de la tradition ne s’oppose cependant pas à un absolu, dans la mesure où tous les êtres humains n’ont pas réussi à se retrouver autour d’une seule transcendance qui donnerait à l’être humain, de l’extérieur, le sens de son existence. Appartenant à une même race, les Hommes sont en revanche unis par un universel. Cet universel, que nous voyions ces dernières années de plus en plus s’échapper, revient au grand galop avec les révolutions observées en Afrique du Nord. Il repose sur ce qui fonde l’humanité en tout individu : la créativité.
Créativité et politique
La créativité ne connaît pas de limite et, quand elle s’exprime dans les domaines artistique ou de la pensée, elle ouvre une fenêtre de l’Homme fini vers la réalité infinie. Il n’y aurait rien d’inhumain ou d’indigne à faire le choix de s’épanouir uniquement selon ces modes (le philosophe reclus ou l’artiste marginal). L’homme vit cependant le plus souvent en société et est donc confrontée à la question du vive-ensemble, du politique. Là encore, l’horizon est infini. Rien ne peut empêcher a priori les individus, quelque soit le régime considéré, de perpétrer, individuellement ou collectivement, le pire. Il revient à la volonté libre, individuelle ou collective, de fonder un mode du vivre-ensemble qui permette à l’humanité, dans toute sa diversité (matérialisation de la créativité humaine), de vivre ensemble dans le respect de chacun.
Quand les institutions politiques permettent la répartition du pouvoir la plus équitable possible entre les individus d’une société donnée, on parle de démocratie. Dans ce régime, chaque individu contribue à la définition des formes du vivre-ensemble, l’Homme est considéré comme collectivement créateur des institutions qui le gouvernent et qu’il reconnaît. La question de l’origine des institutions relève de l’histoire propre à chaque communauté. Bien qu’elle puisse être source d’inspiration pour d’autres, aucune expérience ne peut être exactement reproduite. En revanche, ce qui intéresse l’action politique contemporaine, c’est la manière dont se maintiennent (conservatisme), se modifient (réformisme) et sont remplacées (révolution) les institutions et les réalités humaines qu’elles canalisent. Au-delà de la mise en place d’institutions, la créativité s’exprimera ou devra être protégée au cours du processus de délibération des individus (directe ou indirecte dans un régime représentatif) définissant des politiques particulières.
Politique et droits de l’Homme
Ce texte n’approfondira pas la réflexion sur la forme que peut prendre une institution et les décisions politiques produites (cf. Elections présidentielles 2012 et droits de l’Homme : pour un projet décomplexé et réaliste à gauche) : la créativité permet d’en imaginer à l’infini. Ce qui nous intéresse, ce sont les limites données au pouvoir politique du peuple afin que ses décisions ne se retournent pas contre lui (si nous considérons notamment l’abus dirigé contre une fraction de la population, de par son caractère arbitraire, comme un abus dirigé contre le peuple en entier). Il n’a pas été trouvé mieux, en système démocratique, que l’élection comme principe régulateur dans les sociétés de grande taille. Celle-ci ne vaut cependant rien sans la liberté des individus d’y participer et de participer, de manière créative, à la vie de la cité.
Si les droits de l’Homme on été revendiqués à l’origine, puis promus contre des Etats autoritaires, leur respect, toujours perfectible, permet aujourd’hui à la démocratie de fonctionner effectivement, ou du moins le moins mal possible, en empêchant qu’une minorité ne s’arroge tout le pouvoir ou que la majorité à tendance tyrannique ne porte atteinte à la dignité d’une minorité. Les droits de l’Homme, également « inventés » par les individus après délibération mais à un niveau supérieur à toute autre décision (ou qui devrait être considéré comme tel), sont ces principes, ces lignes directrices, qui permettent aux institutions de créer et de se perpétuer dans la recherche constante d’une plus grande actualisation du potentiel proprement humain des individus.
Ils le permettent sur deux plans : celui des droits civils et politiques qui libèrent véritablement la créativité politique ; celui des droits économiques et sociaux. Le respect de ses derniers doit permettre au plus grand nombre d’actualiser son humanité dans des domaines autres que purement politiques (vie économique, artistique, sociale…). Ces derniers ne doivent plus être considérés comme un luxe accessible à une poignée de privilégiés. La priorité des personnes qui ont faim, n’ont pas d’eau potable ou sont exploités par des entités peu scrupuleuses de la dignité humaine n’est certes pas la participation politique. L’interdépendance des droits de l’Homme se manifeste cependant par le fait que l’expression de leurs besoins peut remédier à leurs difficultés matérielles en favorisant une meilleure répartition des richesses et à stabiliser la société. Ici se retrouve le principe d’égalité (des chances) fondé sur l’appartenance de tous à une même race. Etre mis de manière durable en position d’infériorité économique sous couvert d’un discours de liberté encourageant l’autonomie absolue des individus, comme le fait l’ultralibéralisme, fragilise le potentiel créatif.
Décliner le respect de la dignité et de la créativité en mesures politiques
Cet article, sous la forme d’une méditation politique, s’efforce de poser les bases d’une vision politique qui puisse largement partagée avant d’être déclinée en politiques particulières (http://ekaminski.blog.lemonde.fr/). Les électeurs, après la présidence catastrophique qui s’achève, souhaiteront, au-delà de mesures nécessaires ou symboliques attendues depuis longtemps, être représentés par une personnalité qui sera capable de fixer des repères dans un monde complexe. Espérons que le PS et le(a) candidat(e) qui le représentera en 2012 sauront porter une vision solide et cohérente pour en finir avec cette politique indigne que nous subissons depuis plus de quatre ans.
*définie comme pouvoir d’action sur la réalité et conscience de ce pouvoir.
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