Réforme de la fiscalité : la bombe à retardement d’Ayrault
En annonçant dans un entretien au journal Les Echos la remise à plat de la fiscalité, Jean-Marc Ayrault a allumé la mèche lente d'un baril de poudre qui pourrait bien exploser à la tête de l'exécutif socialiste. Comment en effet réformer la fiscalité, en période de crise, au mieux à niveau de prélèvement constant, sans mécontenter tout le monde ? Sans accroissement de la richesse nationale, et sans coupes sombres dans la dépense publique, ça semble quasi impossible. Alors, geste d'un désespéré ou plus simplement désespérant d'une classe politique aux abois incapable de voir l'éclatement en cours de notre société ?

Renforcement de l’impôt sur le revenu, prélèvement à la source, fusion IR/CSG, peu importe. Le seul objectif du côté de Bercy c'est de remplir les caisses de l'Etat et donc de faire rentrer coûte que coûte des recettes. Le contribuable moyen n'y gagnera rien. Ce qui viendra dans sa poche droite sera repris dans sa poche gauche. Tout le problème du coup de force Jean-Marc Ayrault concocté sans l'accord de Bercy ni de l'Elysée est bien là.
Le seul intérêt aujourd'hui de la remise à plat de la fiscalité c'est de tenter d'apporter un embryon de réponse au délitement du consentement à l'impôt qui constitue l'un des piliers de la République en offrant une meilleure lisibilité à un système fiscal à bout de souffle. Un système sédimentaire où à force de mettre du poids sur le dos de la mule, celle-ci ne veut plus avancer.
François hollande dont la devise sur le sujet pourrait-être "courage fuyons" a déjà passé commande des chrysanthèmes en déclarant que cette périlleuse réforme fiscale prendra le temps du quinquennat. Gérer pour durer, durer pour gérer … Et la France dans tout cet immobilisme qui semble être la marque de fabrique de ces hommes du terroir corrézien ?
François Bayrou et une partie de la droite ont raison de dire qu'une réduction des dépenses publiques est incontournable. Leur problème c'est qu'une fois qu'on a dit ça, tout reste à faire. Que supprime-t-on, que réduit-on, dans quelle logique et pour dessiner quel projet de société ?
Les syndicats ont bien senti le piège tendu par Matignon. Peu courageux, le pouvoir politique tente de faire monter dans son radeau de la méduse de la réforme fiscale les syndicats, histoire de se dédouaner si l'affaire tourne mal.
Les organisations patronales demandent de leur côté une baisse des impôts et des charges, notamment la part qui finance les allocations familiales. Celles qui défendent les PME, comme les syndicats, mettent l’accent sur le rééquilibrage de l’impôt sur les sociétés entre petites et grandes entreprises. On sait déjà comment cela se terminera. Par le transfert de nouveaux impôts sur le citoyen pour sauver un système productif qui n'est plus compétitif comme en atteste les plans sociaux qui se multiplient. Rappelons à cet égard que le relèvement de la TVA programmé en janvier est destiné à financer partiellement le crédit d’impôt accordé aux entreprises pour baisser le coût du travail.
Triste époque où ceux qui ne cessent de se gargariser du mot République et de son triptyque liberté, égalité, fraternité, sont en passe d'en être les fossoyeurs. Dans cet océan de délitement et de vacuité politique il convient de saluer le travail réalisé par le géographe Christophe Guilly qui s'acharne, un peu dans le désert, à nous alerter sur la fracturation de notre société.
Si on juge une société à sa capacité à répondre aux plus faibles, aux plus maltraités, force est de constater que la république protectrice est en recul. Elle ne s'adresse plus aux gueules cassées de la misère, aux classes moyennes paupérisées, à ces pauvres mis en concurrence avec plus pauvres qu'eux. La mise en garde de Christophe Guilly est forte : les catégories populaires ne font plus partie du projet économique des élites (de gauche et de droite) et se trouvent géographiquement de plus en plus reléguées en périphérie des grandes métropoles ou se génère 80% de la richesse nationale.
Les élites politiques et médiatiques sont devenus un miroir déformant qui ne renvoie plus l'image d'une partie de la société qui se sent à juste titre condamnée, abandonnée, assignée à résidence car dépourvue de mobilité en raison de son logement.
Dans ce contexte inquiétant, amplifié par une crise identitaire liée à un système assimilationniste en panne et donc à une montée des communautarismes, le FN apparaît malheureusement comme le parti des perdants de la mondialisation, des nostalgiques de la France d'hier, des délaissés de la république.
A ce petit jeu, les coupables ne sont pas ceux qui par dépit feront le choix du FN ou de l'abstention mais les bien-pensants qui n'auront pas fait l'effort d'écouter et de répondre à la France qui souffre.
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