Regarde !
On est en mai.1981. Barbara, la torturée, chante avec une voix qu’on ne lui connait pas, une voix sensuelle, plein de bonheur et d’espoir : Regarde ! Quelque chose a changé, l’air semble plus léger, c’est indéfinissable... On sent l’air printanier, on sent l’envie, le renouveau, l’espérance. François Mitterrand, l’homme à la rose, est élu. Dans les rues, les gens se sont enivrés de cette victoire. Barbara a écrit une chanson. On raconte qu’après quelques mois, elle ne l’a jamais plus chantée. Se sentant trahie, comme des millions deFrançais qui l’avaient porté au pouvoir, pour changer les choses. Malheureusement, rien n’en a été ainsi. Il a été l’homme d’une nouvelle ère, celle de vingt-cinq ans, qui lui a vu succéder Chirac et compères. Vingt-cinq ans où la médiocrité du pouvoir exercé a fait glisser la France dans la crise. Mais, en 1981, la France, qui venait de subir difficilement les deux chocs pétroliers, n’est pas encore au plus mal. Elle est ébranlée mais solide, elle attend une réaction, un virage pour la revitaliser. Au lieu de ça, elle a connu la chute lente et progressive. Les trente années d’avant ruinées par les vingt-cinq d’après. A cette époque, on avait ce droit au faux pas. Car, même si Mitterrand et Chirac ont fait certaines choses, leurs mandats sont restés insuffisants face à l’enjeu.
Mitterrand, qui préférait voir élire Chirac à la place de Jospin en 95, et Chirac qui ne voudrait pas voir Sarkozy élu. Il y a peu, un député me disait que la chiraquie ferait tout pour faire chuter Sarkozy. Les chiraquiens ont grillé un premier joker avec Alliot-Marie. Il leur reste Villepin et Chirac lui-même. Il y a quelques mois, Arrête ton cinéma signait un article évoquant l’hypothèse vraisemblable d’un Chirac candidat. Aujourd’hui, on lit de plus en plus d’articles en faisant part alors qu’il y a à peine neuf mois, tout le monde en rigolait. Mais est-ce là le plus important ?
Non ! Ce qui est important, ce n’est plus la politique politicienne, même si les frontières avec l’élection sont parfois bien floues. On voit bien se dessiner un quatuor de tête entre deux candidats UMPS, comme dirait Villiers, et les deux challengers Bayrou et Le Pen. Comment les classer ? Avec les sondages ? Mais quand on voit que ces mêmes sondages, qui donnaient déjà le duo gagnant de 2002, prédisent un Le Pen à 12%, on a du mal à leur faire confiance. Surtout, lorsque les RG (renseignements généraux) évoquent Le Pen à plus de 20%. Surtout quand on entend la grogne des Français, certains parlant de voter Le Pen pour emmerder tous ces guignols. Le vote Le Pen, c’est une base solide de xénophobes, nationalistes, antisémites.... et un surplus de mécontents irrationnels. Le Pen a fait presque le plein des voix en 2002. Il a tout de même gagné près d’un million de voix entre les deux tours, malgré les manifs, les médias.... Il serait donc naturel, dans un pays où les moeurs politiques n’ont guère changé (Clearstream, effets d’annonces, la gauche qui veut gagner contre la droite...), que le Pen engrange encore quelques millions de voix pour atteindre ces 20%. La question se pose donc sur le challenger de Le Pen au deuxième tour. Ce challenger qui engrangera entre 70 et 90% des voix au second tour. Il se pourrait que suivent derrière Le Pen, dans un mouchoir de poche, les trois autres. Qui pourrait croire que Royal et Sarkozy pourraient chacun faire 30%, à part les sondages ?! Il y aurait donc entre 15 et 20% : Bayrou, Sarkozy et Royal. Sarkozy ne peut pas faire 30% par sa posture trop à droite. Royal ne peut faire un tel score non plus, ne rassemblant pas assez derrière elle au-delà des frontières, d’autant plus qu’on voit les vieilles méthodes appliquées par ces deux nouveaux visages (meeting énorme, promesses, populisme parfois, affrontements classiques, guéguerres...). Elle pourrait, par contre, engranger beaucoup de voix, parce qu’elle est une femme, parce qu’elle a éliminé le "Ché" et le parti radical de gauche. Par ailleurs, les sympathisants (à différencier des militants) socialistes, pourraient être désorientés par ses propos très à gauche, alternant avec des propos plus centristes qu’ils entendent mieux mais peut-être trop rarement. Et si elle s’oriente trop à gauche, de nombreuses voix pourraient tomber dans le panier de Bayrou. Mais Bayrou récolte aussi les voix des mécontents rationnels. Et ils sont beaucoup plus nombreux que les irrationnels (je ne compare pas les irrationnels à des irréfléchis ou des imbéciles). J’entends par rationnels les gens qui veulent voter protestataire mais utile. Car on sait bien que le vote Le Pen, aussi prostestataire soit-il, n’engrangera pas de renouveau en France, mais ferait sombrer celle-ci dans une crise dont on ne connait pas vraiment les modalités. Etre irrationnel, c’est peut être vouloir "foutre la merde" tellement le désarroi et la colère est grande, autant que la confiance est inexistante. Bayrou monte progressivement, dans toutes les enquêtes d’opinion. Passé de 6 à 10%, sans grande médiatisation, il peut continuer de monter et alors il se produira un effet boule de neige. Parce qu’à 15%, les médias sont obligés d’en parler, les gens commencent à y croire.... 10% en janvier 2007 alors qu’il en faisait 4 il y a 5 ans. Donc voilà pour l’analyse proche de la politique politicienne, proche de la politique fiction, mais basée sur une réflexion qui ne semble pas invraisemblable.
Il reste à savoir ce que peuvent apporter ces 4 candidats. Avant d’en parler, je voudrais glisser un mot sur quelques autres candidats, qui, même s’ils ne rassemblent pas des millions de voix, méritent par leur réflexion ou leur influence, qu’on en dise un mot. Il y a le candidat Nihous, représentant le parti Chasse pêche nature et traditions (CPNT), qui a succédé à Saint-Josse. Nihous n’a pas le charisme de Saint-Josse. Je ne l’avais vu qu’une fois à la télé (sans l’avoir entendu à la radio) et c’est dimanche, dans une des rares bonnes émissions politiques, avec le Franc Parler et Chez FOG, France Europe Express. Il a dit certaines choses, de manière un peu brouillonne. Je vais donc sur le site de CPNT, et j’essaie d’aller sur le lien donnant leur programme. Je tombe sur une page "erreur". Tant pis pour eux ! Corrine Lepage, qui s’était voilée du pseudonyme Catherine Médicis pour accoucher d’un effet médiatique quelque peu raté, est une ancienne ministre d’Alain Juppé à l’écologie. Elle dénonçait, dans les livres signés par son double, violemment la "république bananière" qu’était devenue la France. Elle veut l’instauration d’une république durable avec de nouvelles institutions, le refus de la précarité... Voici son manifeste. Il y a également Philippe De Villiers, Voynet, Laguiller, Besancenot et Buffet. Pour Voynet et Besancenot cliquez ici. Pour les autres, on vous en reparlera. Je voudrais, avant de passer à notre quatuor, ajouter un mot sur Dupont-Aignan. Cet homme intègre, qui a plusieurs fois démissioné pour exprimer son désaccord, est un élu depuis 1995 et a été réélu à ses mandats au premier tour. Il a de nombreux points communs avec Lepage et Bayrou malgré quelques désaccords sur l’Europe. Pour en savoir plus, nous avons mis sur le site une interview de lui établie par Nicolas Voisin. D’autres candidats sont intéressants mais si peu représentatifs que je vous laisse le soin de faire vos recherches (Roland Castro, Christian Chavrier, Jean-Philippe Allenbach, Gérard Schivardi...). Voilà pour les candidats que l’on qualifie de petits.
11 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON