Rentrée politique 2008 : premier bilan
Cette fin d’été 2008 aurait pu être tranquille d’un point de vue politique : les élections municipales sont digérées, les prochaines échéances (européennes) sont encore loin, les sénatoriales se résument à combat interne à l’UMP, et majorité et opposition ont généralement pris à ce stade leur rythme de croisière. Il n’en a rien été. Une série d’événements est ainsi venue bouleverser la série d’universités d’été des partis politiques, au point de préfigurer une reconfiguration en profondeur du paysage politique français. Petit résumé à la mode du Point :

En baisse
Le Parti socialiste
Le premier parti d’opposition n’en finit pas de se déchirer et de désespérer militants et électeurs. Sauvé de la faillite (politique) par une gaffe de Jean-Louis Borloo entre les deux tours des municipales, qui lui avait permis de remporter de nombreuses villes et cantons, le PS est aussitôt retombé dans son péché mignon : étaler ses querelles internes sur la place publique. De rebondissements en traîtrises, de combinaisons en déclarations, le Parti socialiste s’autodétruit à petit feu. Circonstance aggravante, piloté par un François Hollande désireux de conserver son influence, il a choisi de prolonger l’agonie le plus longtemps possible, en fixant à novembre 2008 son congrès national et la désignation de son prochain premier secrétaire. A la délectation de tous les journalistes présents et de ses adversaires politiques, le PS a donc montré lors de son université d’été un extraordinaire spectacle de division. Tous coupables donc, puisque les ténors du PS savaient pertinemment comment les médias couvriraient leurs divisions et se sont servis des journalistes pour se torpiller mutuellement. Pire, ces divisions ont non seulement occulté les travaux de réflexions sur le projet du PS, mais ont aussi empêché ses responsables de réagir aux problèmes des Français et à l’actualité pourtant riche de cet été. Inaudible et divisé, le Parti socialiste traverse une crise grave à laquelle on ne voit pas de solution immédiate. Selon toute probabilité, aucun leader n’obtiendra de majorité claire à son prochain congrès, malgré la prise de recul de Ségolène Royal, consciente de son retard dans cette compétition. Cela devrait déboucher une fois de plus sur un consensus mou entre tenants des vieilles alliances à gauche et partisans de l’ouverture au centre. Faute de trancher sur sa ligne politique, le prochain leader demeurera prisonnier des luttes intestines qui étouffent un Parti socialiste ayant perdu près de la moitié de ses militants en un an.
Le Front national
Plombé par ses difficultés financières issues de ses mauvais scores aux élections législatives puis municipales, le parti de Jean-Marie Le Pen se débat aussi dans une lutte de succession de plus en plus ouverte. Faute d’avoir préparé l’avenir, le leader vieillissant du FN se retrouve en position délicate : sa volonté d’imposer sa fille comme successeur est contestée par des cadres et militants minés par les défaites, qui mettent justement en cause sa stratégie politique. Avec moins de moyens, une ligne politique vacillante, un électorat désabusé et largement récupéré par Nicolas Sarkozy, le Front national est redevenu inaudible alors que son fonds de commerce, l’immigration, n’est plus une priorité pour des Français principalement concernés par leur pouvoir d’achat. Or, en matière économique, le Front national n’a jamais su proposer de politique alternative crédible auprès des électeurs. Faute d’avoir permis l’émergence d’un nouveau leader charismatique, le FN pourrait bien continuer à s’enfoncer dans la marginalisation.
Le Parti communiste
Le vieux parti d’extrême gauche n’en finit pas de mourir. Et les quelques centaines de militants présents lors de son université d’été à Vieux-Boucau n’ont guère eu de raisons de retrouver l’espoir. Faute d’avoir su renier à temps son héritage totalitaire, le Parti communiste français est devenu un vieux rafiot qui sombre par mer calme, sans capitaine ni équipage, dans l’indifférence générale. Prisonnier de ses structures et de son dogme archaïque, et dépourvu de leader charismatique, le PC n’a pas su prendre l’une des vagues porteuses de la nouvelle gauche (altermondialisme, économie sociale, etc.). Paralysé par le désir de protéger ses élus restants, il s’est retrouvé enfermé dans une alliance sans espoir avec le Parti socialiste et ainsi privé de liberté de parole. En voulant « changer sans se perdre » (le mot d’ordre de cette dernière université d’été), le PC n’a pas su changer et s’est donc perdu. Sauf miracle, on ne voit pas comment il pourrait renaître, tant l’espace politique lui est devenu petit, et ce n’est pas la récente tentative de renouer avec la gauche plurielle qui lui redonnera du crédit.
Le Nouveau Centre
Avec 15 % d’opinion favorable (dernier sondage TNS-Sofres), le parti d’Hervé Morin continue de souffrir d’un triple handicap. D’abord, comme le reconnaît son président, du sceau de « traître » imprimé au fer rouge dès sa naissance sur le front de ses leaders. Ceux-ci avaient déserté François Bayrou dès le lundi de l’entre-deux tours de l’élection présidentielle, pour conserver leur poste. Ensuite, de son absence totale d’autonomie vis-à-vis de l’UMP. Ceci rend le Nouveau Centre transparent aux yeux de l’électeur, qui a tendance à préférer l’original à la copie. Enfin, de ne pas avoir su rassembler les anciens de l’UDF hostiles à François Bayrou. Ces derniers s’éparpillent dans de multiples groupuscules, ce qui rend le Nouveau Centre inutile aux yeux mêmes de ses alliés UMP. Certes, Hervé Morin a bien tenté d’exister lors de son université d’été, qui réunissait quelques centaines de sympathisants en un lieu proche de l’université du MoDem. En portant une modeste attaque contre le fichier Edvige, il a essayé de suivre le mouvement de contestation très puissant né dans l’opinion. La réponse cinglante de l’UMP a démontré le poids insignifiant de ce parti mort-né. Enfin, la tentative de rapprochement de son leader avec les libéraux de l’UMP a définitivement terni l’image sociale que le Nouveau Centre tentait d’entretenir et créé une fracture au sein même de ce petit parti. Créé pour des raisons électoralistes, mais dépourvu de doctrine, le Nouveau Centre n’a pour avenir que celui des partis radicaux, de gauche comme de droite.
Stable
L’UMP
Faisant suite à une université d’été socialiste marquée par les divisions de ses chefs, le « campus » de l‘UMP avait pour seul mot d’ordre la consigne venue de l’Élysée : pas de vagues. Malgré les nombreuses rivalités internes qui agitent le parti majoritaire (lutte pour la place de secrétaire général, pour le leadership aux régionales en Île-de-France, pour la présidence du Sénat…), celui-ci a réussi à maintenir devant les caméras une image cohérente. Même si personne ne fut dupe, cette unité de façade a permis aux responsables UMP de se gausser des socialistes à peu de frais. Pour autant, les difficultés demeurent. Ainsi, le petit rebond de popularité de l’exécutif pendant l’été, obtenu grâce à la politique extérieure, n’occultera pas longtemps les difficultés du moment. Le rapide rétropédalage au sujet du fichier Edvige démontre cette fragilité vis-à-vis d’une opinion publique désabusée. Et la discussion sur le financement du RSA risque de réveiller les clivages de plus en plus nombreux au sein de l’UMP, et de favoriser, comme au PS, la chute vertigineuse du nombre de ses adhérents. Plus grave, ce colosse aux pieds d’argile est miné par la crise économique, qui démontre la futilité des déclarations volontaristes, mais hasardeuses, de son chef. L’UMP a donc gagné un répit en affichant cet été un semblant de cohérence, mais le plus dur est encore à venir.
En hausse
Les Verts
Après des années de divisions et de guerre des chefs, l’été 2008 a enfin vu le parti écologique se rassembler autour de Daniel Cohn-Bendit pour les élections européennes. Mieux, ce dernier a réussi à faire taire un instant les différences profondes qui séparent ses acteurs et agglomérer autour de lui la galaxie écologiste, de José Bové à Nicolas Hulot. Dernière bonne nouvelle, le débauchage annoncé d’Eva Joly, qui semble avoir reçu l’assurance d’une meilleure place sur une liste verte qu’au MoDem. Ainsi unis, les Verts pourraient faire leur retour au premier plan lors des prochaines élections de juin 2009. Néanmoins, tout est loin d’être réglé dans ce parti complexe et les vieux démons ne sont jamais bien loin. Ainsi, la présence de la secrétaire nationale des Verts à une réunion avec François Hollande et Marie-George Buffet afin de ressusciter la « gauche plurielle » risque bien de raviver le clivage entre antilibéraux et modérés. L’avenir de cette union provisoire des écologistes dépend donc largement des talents de persuasion de Daniel Cohn-Bendit et risque bien de ne durer que l’espace de la campagne européenne.
Le NPA
Tiré par la popularité personnelle de son leader, Olivier Besancenot, et aidé par les divisions du Parti socialiste, le Nouveau Parti anticapitaliste (nom provisoire donné au parti dérivé de l’ancienne LCR) a le vent en poupe. Il parvient en effet à cristalliser un mécontentement populaire attisé par une situation économique désastreuse et à apparaître comme le seul parti de gauche luttant frontalement contre la politique économique du gouvernement. Certes, le projet de société du NPA est loin d’entraîner l’adhésion de ses supporteurs, mais ce parti révolutionnaire a parfaitement su adapter son discours pour occuper une place laissée vacante par la gauche traditionnelle. Autre élément favorable, le NPA profite de la faiblesse des syndicats français, très divisés, pour prendre un rôle majeur dans le soutien aux revendications des salariés les plus défavorisés. Seul bémol, ce nouveau parti n’a pas su rassembler au-delà de l’ancienne LCR, malgré le ralliement timide de Clémentine Autain. Or, le rassemblement de la gauche radicale constitue un élément déterminant pour un succès électoral aux prochaines élections européennes.
Le MoDem
François Bayrou et le Mouvement Démocrate sont les grands gagnants de cette rentrée politique. Premier élément favorable, le nouveau parti démocrate semble avoir réussi sa mue et sa structuration interne. Malgré le départ de nombreux anciens élus UDF, le MoDem s’installe durablement dans le paysage politique français et semble avoir réussi à conserver une part importante de ses militants, comme en témoigne l’affluence lors de son université d’été. Autre circonstance positive, l’absence de toute alternative crédible au centre, faute de leader et de projet politique original, qui permet au MoDem de revendiquer seul l’étiquette de centriste. Enfin et surtout, l’habilité politique de son leader, qui a su identifier le premier les erreurs du gouvernement, et frapper là où cela fait mal : Edvige, RSA, affaire Tapie, erreur stratégique vis-à-vis de la Russie, créations de taxes nouvelles… En réagissant brillamment avant un Parti socialiste à la dérive, François Bayrou a réussi l’exploit de s’imposer dans les médias comme premier opposant au sarkozysme, malgré les relations toujours conflictuelles qu’il entretient avec l’audiovisuel en France. Mieux, il a contraint les autres leaders politiques à se situer par rapport à lui et à ses positions, se resituant ainsi au cœur du débat politique. Sans jeu de mot, le Mouvement Démocrate peut voir l’avenir en rose, les prochaines échéances électorales lui étant a priori plus favorables en raison des scrutins proportionnels. Reste à François Bayrou deux défis : proposer un projet alternatif cohérent, et attirer auprès de lui des personnalités au-delà de son parti. En ce qui concerne la première condition, il a lancé une série de pistes intéressantes lors de son discours de clôture de son université d’été, qui forment un socle idéologique intéressant. La seconde dépendra bien sûr de l’évolution du Parti socialiste d’un côté et de la popularité de l’exécutif de l’autre, mais les circonstances semblent infiniment plus favorables qu’en 2007.
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