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Accueil du site > Actualités > Politique > Retraites : l’hypocrisie larvée du projet du PS

Retraites : l’hypocrisie larvée du projet du PS

Le projet du PS sur les retraites propose quatre grandes priorités : garantir le niveau de vie des retraités, faire une réforme juste, faire une réforme durable et davantage de choix individuels.

Au-delà de ces bons mots, il reste évidemment à savoir si cela dessine une orientation politique durable ou bien s’il traduit une posture commode d’opposition au projet du gouvernement et qui n’engage à rien pour l’avenir.

Le plus sûr moyen de lever cette réserve consisterait à faire des pas supplémentaires en direction d’une vraie réforme de gauche des retraites…

On a aujourd’hui des raisons légitimes de s’interroger sur la crédibilité des nouveaux engagements du PS, d’autant qu’il existe une résolution votée à la quasi unanimité du Congrès de Dijon en mars 2003, consistant à rejeter la réforme Fillon1. Or, de ce rejet solennel et jamais aboli par une nouvelle résolution, il n’est aujourd’hui plus question dans le contre-projet du PS.

Quel crédit dès lors peut-on accorder au rejet de la future réforme Fillon2 par un PS qui entérine une réforme Fillon1 fondée sur le même principe de l’allongement de la durée de cotisation ?

Une premier éclaircissement : l’abolition des réformes Balladur et Fillon

Comme Nicolas Sarkozy aujourd’hui, profitant des congés d’été, le tandem Balladur/Veil proposait en douce, à l’été 1993, une réforme portant le nombre d’années de cotisations progressivement de 37,5 à 40 annuités pour le secteur privé et modifiant profondément le mode le mode de calcul de la retraite :

  • Le salaire annuel moyen (SAM), calculé jusqu’en 1993 sur les 10 meilleures années de salaire, est calculé maintenant sur les 25 meilleures années, ce qui s’est traduit par une baisse de près de 20% des montants de retraite du régime général, à la fin des quinze années au cours desquelles s’est étalée cette "réforme".
  • L’indexation annuelle automatique des pensions, initialement calculée à partir de l’indice d’augmentation du salaire moyen, est basée aujourd’hui sur l’indice officiel des prix, datant de 1946 et ne reflétant pas, loin s’en faut, la réalité de l’évolution des prix. Cela entraîne chaque année une seconde dévalorisation du montant des pensions, déjà amputées de la CSG et de la CRDS.
  • Le mécanisme particulier de la fixation annuelle du plafond de la Sécurité sociale entraîne lui aussi une érosion du montant des pensions. Ainsi, un salarié possédant 25 meilleures années de carrière au plafond de la sécurité sociale (2885 € mensuels au 01/01/2010) aura une pension mensuelle égale à environ 42 % de ce plafond ! Et chaque année, le différentiel entre le taux plein (50%) et le taux calculé final s’accroit sans que les pouvoirs publics s’en émeuvent le moins du monde. Le montant de la pension maximale tend ainsi à se rapprocher progressivement de la pension minimale garantie…

Puis la loi « Fillon » du 21 août 2003, avalisée par trois organisations syndicales particulièrement naïves (CFDT, CFTC et CFE-CGC), a aggravé encore la situation par la prévision d’un allongement progressif au-delà de 40 ans en 2012 de la durée d’assurance pour obtenir une pension à taux plein.

En 1993, la retraite nette moyenne (Régime général + Régime complémentaire) s’élevait à 78 % du salaire moyen net. Après les réformes de 1993 et 2003 et celle des régimes complémentaires Arrco et Agirc de 1995 et 1996, la retraite nette moyenne devrait baisser environ de 19 points (59 % du salaire annuel net) aux environs de 2030 et ce sans compter les effets négatifs de la réforme à venir de 2010…

Dans ce contexte, le plan de financement proposé par le PS, a hauteur de 45 milliards d’euros, permet seulement de couvrir le besoin de financement du système actuel, tel qu’il est estimé par le COR à l’horizon 2025. Il entérine donc, entre autres, les mesures instaurées par les réformes de 1993 et 2003.

Ce plan permet au mieux, d’éviter une régression supplémentaire mais en aucun cas de restaurer des retraites décentes pour tous. Or, le seul engagement clair que devrait prendre le PS, s’il revient au pouvoir, serait d’abolir les réformes Balladur et Fillon et de dégager les moyens de financement nécessaires pour assurer à chacun la possibilité de prendre sa retraite à taux plein à partir de 60 ans.

La gauche fera-t-elle demain ce qu’elle n’a pas fait hier ? On se souvient que Lionel Jospin, 1er ministre, avait refusé d’abolir la réforme Balladur de 1993…

Un deuxième éclaircissement : l’allongement de la durée de cotisation est incompatible avec le maintien de l’âge légal à 60 ans

Le projet du PS fixe le maintien de l’âge légal de départ à 60 ans mais dans le même temps n’exclut pas la possibilité d’un allongement de la durée de cotisation au delà de 40 annuités et renvoie l’examen de cette « solution » à 2025. C’est là que réside sans doute la plus grande hypocrisie de ce projet qui rejoint en cela celui de la CFDT, signataire des accords Fillon1.

Au cours des dernières années avant la retraite en effet, de nombreux salariés sont au chômage, en préretraite ou en invalidité et n’arrivent pas, dans leur grande majorité, à atteindre 40 annuités de carrière réelle, soit 160 trimestres. Cette situation sera pire lorsque la durée de cotisation nécessaire, pour obtenir une pension à taux plein sera de 41 ou 42 annuités, voire plus.

Car tout salarié soucieux du meilleur montant de sa retraite future essaiera toujours de partir avec une retraite calculée au taux plein (50% du salaire moyen des 25 dernières années). S’il n’a pas les annuités exigées, il sera contraint de différer son départ au-delà de 60 ans, si toutefois sa santé lui permet, sous peine de voir sa retraite subir une décote importante.

La seule solution crédible et réaliste serait de permettre à tous de partir à la retraite dès lors que le nombre d’annuités est atteint. Ce qui permettrait, notamment à ceux qui ont commencé à travailler très jeune, de partir avant 60 ans, s’ils le désirent.

L’allongement de la durée obligatoire de cotisation au-delà de 40 ans aura donc pour effet de reculer l’âge réel de départ à la retraite au-delà de 60 ans pour bon nombre de salariés mais aussi de gonfler la charge d’indemnisation des chômeurs âgés.

Le PS suggère enfin une « retraite à la carte ». Dans le contexte présent, la « retraite à la carte » fait l’impasse sur le fait que la majorité des salariés n’a pas les moyens de se régaler « à la carte ». N’est-ce pas là un cadeau fait à la minorité privilégiée qui jouit d’un travail épanouissant, d’une espérance de vie et d’un revenu supérieur à la moyenne ?

Un troisième éclaircissement : la modification de l’assiette des cotisations

Le PS propose bien quelques mesures éparses qui vont dans le bon sens :

  • La majoration des prélèvements sociaux sur les bonus et les stock-options, de 5% à 38% comme le propose la Cour des comptes (2 milliards €).
  • Le relèvement du « forfait social » appliqué à l’intéressement et à la participation de 4% à 20% (3 milliards €).
  • L’application de la CSG sur les revenus du capital actuellement exonérés et la remise en cause de la défiscalisation des plus-values sur les cessions de filiales (7 milliards €)
  • L’augmentation de la contribution sur la valeur ajoutée, instaurée à la suite de la suppression de la taxe professionnelle de 1,5% à 2,2%, en exonérant les petites entreprises (7 milliards €)

Mais dans le même temps, il propose une augmentation de 0,1 point de cotisation salariale et employeur chaque année, étalée dans le temps de 2012 à 2021 (12 milliards €),

Le PS, comme d’ailleurs toute la gauche en général, a toujours beaucoup de mal à admettre que le financement par le biais de cotisations sur salaires a atteint aujourd’hui ses limites. Si cela a relativement bien fonctionné pendant les « trente glorieuses », la part des salaires dans la richesse produite a baissé de 10% en 30 ans. L’assiette salariale actuelle est de plus largement inappropriée car les salaires ne reflètent pas forcément la réalité et la totalité des revenus perçus, tels que déclarés à l’administration fiscale.

Il conviendrait plutôt de fixer un taux unique de cotisation pour toutes les personnes physiques, salariées ou pas, s’appliquant sur une assiette commune constituée par l’ensemble des revenus fiscaux pour accroître sensiblement les rentrées financières. A taux égal en effet, un point de cotisation sur le revenu est beaucoup plus rémunérateur qu’un point basé sur le seul salaire (seulement 4,5 milliards €).

En ce qui concerne les cotisations des entreprises, le taux actuel s’applique là-aussi principalement sur les seuls salaires. Elles devraient être remplacées en grande partie par une contribution basée sur la valeur ajoutée. La proposition du PS de passer la contribution sur la valeur ajoutée, instaurée à la suite de la suppression de la taxe professionnelle de 1,5% à 2,2%, représente seulement 0,7% qui serait consacré aux retraites.

Ces nouvelles contributions salariale et patronale permettraient d’en finir avec le déficit chronique de la branche retraite mais également de l’ensemble des branches de la Sécurité sociale (déficit record prévu de 26,8 milliards € pour 2010).

Elles permettraient également de payer des retraites minimales décentes qui ne devraient pas être inférieures au seuil de pauvreté de 903 € (8 millions de personnes aujourd’hui en France...) et il serait même possible de revenir à une retraite calculée sur les dix meilleures années, aux 37,5 années de cotisation et de mettre fin aux cotisations instituées sur les retraites.

Un quatrième éclaircissement : l’abandon du Traité de Lisbonne

Des réformes sociales justes sont de plus en plus incompatibles avec le fonctionnement actuel de l’Union européenne. Comment des pays soumis à la libre concurrence peuvent-ils rester compétitifs s’ils acceptent des cotisations sociales et des prélèvements supplémentaires que tous leurs concurrents cherchent au contraire à alléger ?

L’Union européenne est engagée depuis les années 1990 dans une logique de dumping social et fiscal interne qui pousse à l’harmonisation des systèmes sociaux par le bas et au développement des assurances sociales privées. Cette pression régressive est renforcée par l’ouverture délibérée de l’Union au libre échange mondial et à la spéculation sur les marchés internationaux de capitaux. Enfin, la crise grecque est aujourd’hui instrumentalisée par les gouvernements européens pour renforcer cette tendance et imposer une rigueur budgétaire générale.

Par conséquent, on ne peut aujourd’hui soutenir simultanément et sans incohérence, un projet ambitieux de progrès social (notamment en matière de retraites) et la pleine application du traité de Lisbonne et des directives européennes, comme le fait aujourd’hui Martine Aubry qui s’était prononcé il y quelques mois, à titre personnel, pour un report de l’âge légal de départ à 61 ou 62 ans…

La cohérence et l’honnêteté politique commanderaient à la gauche de mener le combat pour le rejet du traité de Lisbonne et pour une refondation du projet européen. Elles commanderaient également de dire clairement aux électeurs le choix que ferait un gouvernement de gauche si les contraintes imposées par les traités européens contrariaient la restauration durable et le développement de notre protection sociale comme de nos services publics.

Un futur gouvernement de gauche devrait mettre en œuvre son programme, en dérogeant si nécessaire au droit européen et en invitant ses partenaires européens à la renégociation des traités qui constitue désormais une condition à la survie même de l’Union.

C’est certainement là l’ultime éclaircissement qui ne viendra jamais du PS, à plus forte raison si DSK est son candidat en 2012 et si un autre « socialiste », Pascal Lamy, continue d’œuvrer à l’OMC en ne cessant de prôner un libéralisme qui fait de plus en plus de ravages sociaux dans le monde…

Photo Flickr-cc : promenade au bord de l’eau par mcohen.chromiste (http://www.flickr.com/photos/mcohenchromiste/2744486861/)


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12 réactions à cet article    


  • jaja jaja 19 juin 2010 08:56

    Bon article d’Albert. Pour ma part au deuxième tour des Présidentielles je ne voterai que pour celui qui s’engagera à effacer totalement toutes les régressions sociales de l’ère Sarkozy...

    Si ce n’est pas le cas je m’abstiendrai...

    Sur la question des retraites il faut revenir aux 37,5 annuités et au calcul de la pension sur les 10 meilleures années de salaire avec un minimum de 1500 € nets...

    Sachant que 6 salariés sur 10 sont sans emploi à l’âge de la retraite cette « réforme » ne fera qu’accroitre la période de chômage (ou de RSA) pour la majorité des travailleurs concernés....

    En attendant toutes et tous dans la rue le 24 juin pour défendre nos retraites...



    • lordrax 19 juin 2010 16:48

      Bon article d’Albert. Pour ma part au deuxième tour des Présidentielles je ne voterai que pour celui qui s’engagera à effacer totalement toutes les régressions sociales de l’ère Sarkozy...

      Si ce n’est pas le cas je m’abstiendrai...

      Vu la merde totale dans laquelle se trouvent les pays occidentaux(surtout les peuples) je ne suis pas sûr que des élections auront lieu en 2012. M’est d’avis que le vase est déjà plein et que la goutte d’eau qui le fera déborder n’est plus très loin


    • Lecomte Lecomte 19 juin 2010 09:44

      N’importe quoi , décevant de raisonner comme cela sans rien proposer de sérieux , la gauche et consciente de ce qu’il se passe , d’autres non helas 


      • jaja jaja 19 juin 2010 11:27

        ? ???? mais encore ?


        • Radis Call 19 juin 2010 11:45

          Une des meilleures analyses critique de ce dossier retraite que j’ai trouvée sur ce dossier est celle faite par J.L Mélenchon...

          Il n’est pas nécessaire d’adhérer à son mouvement pour le lire attentivement et s’intéresser aux commentaires...

          http://www.jean-luc-melenchon.fr/2010/06/jour-de-cendres/

          Sinon, bravo l’auteur !


          • foufouille foufouille 19 juin 2010 13:44

            on rajoute une couche sur l’uzine a gaz ...........


            • Proudhon Proudhon 19 juin 2010 14:38

              Je ne sais pas vous, mais moi je vois dans tout cela l’arrivée prochaine de la prochaine guerre mondiale qui a toujours servi les intérêts de la société capitaliste et de ses crises systémiques. Je ne sais pas si dans vos entreprises c’est pareil mais en ce moment la nouveauté c’est de faire travailler les handicapés. ce qui serait tout a fait normal si nous étions dirigés par des personnes d’une morale établie. Le problème c’est que ce n’est pas le cas, il suffit de vivre au sein d’une entreprise pour s’en apercevoir très vite (Si ils pouvaient, ils feraient même travailler les gamins de 9ans, les vôtres, pas les leurs bien sûr)

              Donc faire travailler les femmes, les handicapés et les vieux est un bon moyen quand les jeunes sont partis au front pour défendre les intérêts de la racaille en col blanc.


              • lordrax 19 juin 2010 16:56

                La guerre mondiale a lieu en ce moment même. La bataille finale qui décidera de quoi sera fait demain va bientôt avoir lieu....Ou pas ! Ce qui est inquiétant. Les peuples vont-ils capituler sans se battre ?
                Pour l’instant ils se prennent une belle branlée et ne semblent pas avoir ni le courage, ni les moyens pour lutter face à la dictature financière mondiale. Il faut dire que vu le nombre de prisonniers de guerres....


              • jjwaDal jjwaDal 19 juin 2010 20:52

                En démocratie les élus du peuple décident selon la volonté du peuple (mandat reçu et acté en son nom).
                Quand une Loi s’avère néfaste, on la modifie ou la supprime. Or les traités européens et le droit de l’OMC ont prévu des « clapets anti-retour démocratique) rendant un retour en arrière quasi-impossible. Supprimer l’article 104 du Traité de Maastricht qui nous supprime le droit de création monétaire est ainsi théoriquement impossible (sauf unanimité des signataires).
                Sauf qu’en pratique si un Etat européen majeur pisse dessus, il n’existe plus. On en débat et on vote ?
                Sans retour sur le boulet que constitue l’usure, on peut toujours poser quelques rustines : on a donné 1300 milliards d’euros d’intérêts depuis 1973 alors que les lignes de crédit qui nous ont été accordées étaient largement assises sur l’épargne des peuples. On s’est servis du privilège exhorbitant accordé à des entreprises privés pour nous conduire progressivement à l’abattoir.
                Par ailleurs une mesure complémentaire nous a rendu encore plus vulnérables (le libre-échangisme des capitaux qui en pratique nous condamne tous à la course imbécile au moins-disant social, sous le regard narquois des agences de notations dont l’expertise a été mise en lumière récemment).
                On pourrait également revenir sur la confusion des activités entre banques de dépôts et banques d’investissements.
                L’article est bon, je ne le nie pas. Mais nous ne sommes plus maîtres de notre destin aussi longtemps que nous ne remettons pas en cause (dans la violence style rejet de Maastricht et sortie de l’OMC) les règles du jeu qui nous mettent en esclavage.
                Clairement si depuis les années 80 on n’avait pas choisis de bichonner les revenus du capital en laissant »partir" les revenus du travail, la question du financement des retraites ne se poserait pas.
                Artus a quelques idées pour trouver des sous sans sortir du cadre, mais le PS étant clairement (voir TCE) un parti au service de nos aggresseurs, qu’il nous enfonce un peu plus en alternance avec l’UMP n’y changera rien.


                • leypanou 20 juin 2010 11:09

                  @l’auteur :

                  Cet article résume parfaitement l’hypocrisie du PS concernant les retraites. Comment en effet prétendre vouloir garder le droit de partir à la retraite à 60 ans tout en maintenant les réformes Balladur-Fillon, alors qu’on sait que les personnes commencent à travailler de plus en plus tard ? La conséquence automatique de cela est la baisse des pensions par manque d’annuités. Bien sûr, c’est mieux que de ne pas pouvoir partir à la retraite à 60 ans. En fait, pour le PS, le droit de partir à 60 ans est surtout pour ceux qui ont commencé à travailler tôt et qui auront les annuités nécessaires ; pour les autres, ce n’est pas 60 ans mais 64 ans au mieux (début de carrière (=23 ou 24 ans) + annuités nécessaires (=41)).


                  • fefe2 14 mars 2013 17:26

                    venez nous rejoindre sur le forum


                    pour combattre la reforme des retraites 

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