RETRAITES : Quels régimes profitent de la compensation ?
Le système de retraite par répartition permet aux retraités d’aujourd’hui de recevoir une pension grâce à l’activité des travailleurs d’aujourd’hui. Leurs droits à pension résultent du versement de cotisations tout au long de leur activité professionnelle. La sécheresse du mécanisme entraînerait des disparités scandaleuses si le système français n’était pas humanisé par de multiples mesures correctrices et solidaires : solidarités « familiales » (bonifications, majorations …), solidarités liées aux métiers dangereux, stressants, pénibles (policiers, navigants, gendarmes, roulants, infirmières, pompiers…), solidarités inter-catégorielles, mesures en faveur des carrières longues, et, avec de plus des interventions de la Sécurité Sociale et du budget de l’État, la prise en compte des handicapés.
En revanche, il est rare que soient abordées les solidarités financières entre les différents régimes de retraite : la compensation entre tous les régimes de retraite et la compensation spécifique ou « surcompensation » entre les régimes spéciaux (dont celui des fonctionnaires). Pourtant le montant des sommes transférées entre les caisses est plus considérable que toutes les autres mesures de solidarité.
À la Libération, la création de la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse des Travailleurs Salariés (CNAV -TS) a représenté un progrès considérable pour les salariés du privé, même si le taux de remplacement n’était alors que de 40 % par rapport aux salaires.
Des travailleurs indépendants ont refusé catégoriquement un régime de retraite solidaire. À l’inverse, les travailleurs qui par leurs luttes avaient des régimes plus avantageux (mineurs, cheminots, fonctionnaires…) ont voulu conserver leurs régimes de retraite plus avantageux.
Au début des années 1970, toutes les professions ont eu des régimes de retraite, soit par rattachement à la CNAV TS, soit par création de régimes spécifiques. Les différences de revenus entre catégories sociales, les cotisations forfaitaires insuffisantes, le travail et les rémunérations non déclarés ont creusé les écarts entre régimes. D’autre part les bouleversements économiques, les décisions politiques de désindustrialisation ont créé des situations financières intenables avec parfois très peu de cotisants et de recettes pour beaucoup de pensionnés.
Voici deux exemples très différents :
- en 2010, on constate des déficits de plusieurs milliards d’euros pour des régimes agricoles
- moins de 7 000 mineurs en activité cotisent pour 340 000 mineurs retraités, retraités qui ont cotisé, au centime près, pendant toute leur carrière ; ils méritent donc une retraite convenable. Notons que c'est un choix politique de l'arrêt de l'exploitation des mines en France qui est responsable de cette situation.
Dès 1970, les difficultés pour équilibrer les comptes étaient apparues. Il a fallu trouver rapidement un système pour renflouer certains régimes de retraite en faillite. La loi du 24 décembre 1974 a imposé la compensation démographique généralisée entre tous les régimes de retraite. Les régimes aux comptes financiers excédentaires, en équilibre, voire en déficit limité (et ayant une certaine importance) ont été contraints de verser une contribution à ceux dont les comptes étaient dans le rouge.
En 1985, l’État a créé la surcompensation entre régimes spéciaux (Fonction Publique, Industries Électriques et Gazières, SNCF, RATP …) s’ajoutant à la compensation généralisée.
Les excès du cumul de ces deux mécanismes ont créé des situations absurdes et scandaleuses. Ainsi, au début des années 1990, les prélèvements effectués sur la caisse la plus saine, la CNRACL (collectivités territoriales et hôpitaux) a mis ses comptes en déficit. La CNRACL a été obligée d’emprunter ! Le service de cette dette a plombé ses comptes pendant plusieurs années !
Depuis des décennies, le régime général du privé doit verser au fonds de compensation l’équivalent de plusieurs milliards d’euros. En 2009, les 4,827 milliards ponctionnés dans la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse des Travailleurs Salariés du privé (CNAV TS) ne sont pas pour rien dans le déficit de ce régime !
Pour faire accepter les contre-réformes, avant la casse finale , les gouvernements doivent mettre en avant les déficits : depuis 1996 les taux des cotisations sociales sont bloqués ; alors que de 1945 à 1995, les taux évoluaient en fonction des besoins financiers et des transferts.
Des régimes de retraite excédentaires ont été mis en déficit à la suite des ponctions (au titre de la compensation et de la surcompensation) ; en 2002, la CNRACL devait encore emprunter, pourtant depuis 1994 un décret avait permis d’augmenter les cotisations payées par les collectivités locales et les hôpitaux de 18% !
En ce qui concerne les compensations financières entre régimes, l’ignorance de la plupart des non salariés des mécanismes qui fondent les solidarités dont ils bénéficient les incite plus à envier le sort des retraités salariés qu’à participer aux luttes pour des avancées sociales et la recherche de financements nouveaux.
La comparaison des chiffres montre qui profite massivement de la compensation. Quelques exemples :
98 % des 8,07 milliards de la compensation généralisée sont versés par 4 régimes : CNAV (60 %), Fonction publique d’État (12 %), CNRACL (FP collectivités et hôpitaux : 19 %), professions libérales (6 %).
95 % des 8,07 milliards distribués bénéficient au monde agricole (près de 78 %, soit 6,227 milliards) et aux artisans et commerçants (près de 18 %, soit 1,4 milliard).
La solidarité n’est pas un vain mot…
Conscience Citoyenne Responsable
voir également :
RETRAITE DES FONCTIONNAIRES, DE 6 MOIS A 10 ANS …
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