La Nation, celle du Tiers-État d’autrefois, celle du Peuple, peut constituer le cadre légal et souverain recherché, intégrateur d’identités multiformes. La France, dans sa dimension mémorielle et historique, ne doit être en rien niée.
La religion s’inscrit dans la vie intime de façon ancestrale, la liberté reconnue à tous ne doit pas être contredite par une laïcité échouant dans la négation vile de toute religion. La grandeur supposée de la Laïcité est a contrario de permettre une libre spiritualité (ou athéisme, agnosticisme...) de tous
Comme une personne, une Nation est la rencontre entre un héritage historique et un projet d’avenir à définir ou redéfinir sans cesse. Les Français « de souche » portent naturellement un passé mémoriel commun, jusque dans leur chair et sans recourir à la psycho-généalogie. Au niveau de cette identité « nationale » intrinsèque, les immigrés de troisième ou quatrième génération, eux-mêmes, peinent à la partager réellement et surtout à la ressentir. Le temps fera son affaire. Inutile d’insister ici sur des sentiments exprimés lors d’épreuves sportives. Qu’il y ait une nationalité « de souche » s’exprime aussi de cette façon, on peut être initialement algérien et secondement Français. La double nationalité éprouvée doit être reconnue puisqu’elle est vécue. Les vues de l’esprit idéalistes ou démagogues n’y peuvent véritablement rien changer, le sentiment des origines s’inscrit dans l’être intime outre l’être social (« identité civique »).
Au sens premier, la Nation s’inscrit ainsi de part et d’autre dans une durée, une Mémoire. Doit-on absolument et uniquement se définir dans cette continuité d’une Histoire commune pour accéder à un vivre ensemble harmonieux ? L’Histoire « officielle » est-elle une matière figée dans le marbre ? Laissons donc le marbre aux tombes. Un pays, une Culture, une Langue, vivent. Il y a la Nation, à partir de 1789 elle fondait pour l’essentiel le Tiers-Etat, autant dire le Peuple, lequel pouvait se prévaloir de sa souveraineté dans le respect d’un corpus de Lois acceptées par tous. Faire Nation relève donc aussi de cet aspect, lequel ne nécessite pas de partager l’Histoire commune évoquée précédemment. A tout moment, tout individu peut s’engager à se soumettre à une législation. Outre l’identité mémorielle, il peut y avoir une identité nationale « légale ». Il reste à permettre officiellement cette appartenance. Une langue, une Culture, tout cela peut en effet se partager. Du reste, pour peu que l’on observe le grand frère des Amériques, preuve est faite qu’unanime Nation peut recouvrir l’usage de langues diverses. Sans doute faut-il tendre à constituer pour le moins une Culture commune, chose indispensable à « épouser » suffisamment pour se ressentir pleinement citoyen d’un pays. Il y a donc une identité mémorielle, légale, culturelle. D’aucuns étendent cette dimension dernière au partage d’un mode de vie.
L’identité d’une Nation reconnaît des diversités locales, sans pour autant ressentir son unité globale comme menacée. Il peut y avoir une pluralité des formes d’identités, tout en constituant une même Nation. On peut être par son engagement suffisamment officialisé un citoyen Français, sans avoir à renier sa filiation initiale. Finalement, que l’on soit Breton ou Basque très attaché à sa spécificité originelle, Algérien ou d’autres origines premières encore, cela n’interdit nullement de « faire Nation ». Sans doute les deux dernières guerres mondiales nous ont-elles fait confondre le nationalisme, et le cadre structurant et identifiant de la Nation.
Il y aurait donc la boîte magique sans cesse ouverte de la « laïcité » comme remède à tout et facteur extraordinaire d’intégration et d’assimilation. Depuis que le monde est monde, la transcendance existe, chose sans cesse confirmée par toutes les recherches notamment archéologiques. Cette aspiration est intrinsèque à l’Homme, la religion peut aussi rassembler. Qu’il y ait diversité de religions est un fait, une vraie laïcité ne peut fonder un refus de toute religion, elle doit a contrario permettre la vie de toutes, dans l’harmonie. Peut-on sérieusement exiger d’un citoyen qu’il renonce et dissimule (croire n’est pas une faute !) ce qu’il y a de plus cher et précieux à ses yeux ? La liberté de croire ou pas participe aussi des « droits de l’Homme » ! La fille ainée de l’Église serait bien mal venue pour interdire à d’autres le sentiment religieux. Les débats relatifs aux Minarets posent surtout la question de l’appartenance mémorielle, qui ne peut se partager du jour au lendemain. La France est habituée à ses clochers, comme on l’est ailleurs à d’autres édifices, comme des minarets. Là aussi, seul le temps fera son affaire, et Dieu seul sait laquelle. Il y a probablement des choses qu’une vieille Nation ne peut pas intégrer à sa longue Mémoire. Il reste que l’Identité peut être plurielle, au sein d’une seule et même Nation. Des vagues d’immigration se sont passées plus aisément pour s’être produites dans des phases plus ouvertes d’intégration dans le marché du Travail, comme dans l’après-guerre. La crise qui dure depuis la fin des années 70 s’est traduite par la constitution de ghettos, entraînant la segmentation de la Nation, et la réactivation des identités originelles. La Nation reposant sur le rassemblement, elle se trouve plus encore fragilisée. La France se vit dans la mélancolie et la nostalgie d’une époque glorieuse. Peut-il y avoir identité (y compris diverse) sans appartenance à un cadre unifiant ?
Sans doute devons-nous premièrement songer à réaffirmer ce cadre structurant, celui de la Nation, seul à même de recouvrir une pluri-identité Française. La Nation ne doit plus être considérée comme un cadre « fascisant », notamment suite aux traumatismes des deux guerres mondiales, fruits du Nationalisme perverti en dictature. Le cadre national peut être structurant et unificateur, souverain, et donc seul à même (peut-être) de faire en sorte que chacun se sente pleinement citoyen et intégré. Souveraine (une Mémoire, une Histoire, des Lois, un mode de vivre ensemble...) dans son fondement, elle peut recouvrir ainsi une pluri-identité résultant de vagues d’immigrations successives. Il reste que la Nation exige d’être choisie, et respectée (le cas échéant par la reconnaissance progressive et officielle d’une identité, autre que mémorielle). Masquer son visage (sous une burqa ou une cagoule) ne relève pas de l’identité, mais de la structuration psychologique du rapport à soi et aux autres, marquée d’un refus certain du vivre ensemble : est-il possible de s’adresser à un grillage ? Est-il aimable et respectueux de se présenter ainsi ? Si une nation est une personne, ceux qui la constituent se doivent d’en respecter et adopter le mode de vie. Comme pour une personne, dans la rencontre constitutive de toute assimilation (acceptation et intégration), il est alors possible de ne faire plus qu’un(e) avec l’Autre venu(e) d’ailleurs. Le symbole de la ville de Damas où l’on trouve un minaret construit sur ce qui fut jadis une Église est intéressant, aussi sur l’essentiel qui demeure au-delà de la forme architecturale.
Gardons que la Fille Ainée de l’Église qu’est la France a le cœur généreux, et clairvoyant.
Guillaume Boucard