L’annonce au cours de l’été de mesures sécuritaires relatives aux Roms ne doit rien au hasard. Conscient des dégâts causés par l’affaire Woerth, le pouvoir est entré précipitamment en campagne, enfourchant les thèmes qui ont si bien réussi à la droite française en 2002 et 2007.
Le 10 juillet 2002, le ministre de l’intérieur de l’époque devenu Président de la République inventait le concept de mafia roumaine. Tentative de déchiffrage.
Le mot Roms signifie homme en hindi. D’après ce que nous pouvons en savoir, les Roms viendraient d’Inde. A partir de leur groupe sanguin, Les Roms seraient apparentés aux Cingalais et aux habitants du Nord de l’Inde. Du fait de leur statut d’impur, ils auraient quitté l’Inde vers l’an 1000 après Jésus Christ et, après avoir servi Mongols et Tatars, ils auraient migré vers l’Europe progressivement. Esclaves, agriculteurs, ils se sédentarisent et il faudra attendre le mouvement abolitionniste qui secoua l’Europe vers la milieu du XIXe siècle pour qu’ils (re)deviennent nomades. A ce jour, on compte environ 8 à 10 millions de Roms dans le Monde. 7 à 10 millions d’entre eux vivent en Europe. Les plus grands contingents de population Roms sont en Turquie, Roumanie, Espagne, France, Brésil, , Hongrie, Bulgarie, Slovaquie. La très grande majorité des Roms qui sont dans notre pays sont de nationalité française.
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Les linguistes identifient 3 groupes distincts de Roms :
- les Tsiganes qui peuplent l’Europe de l’Est et l’Europe Centrale ;
- les Manouches implantés en Europe de l’Ouest ;
- les Gitans qui vivent pour l’essentiel en Espagne et dans le sud de la France.
La persécution des Roms
Dès 1912, les Roms doivent se munir en France d’un carnet anthropométrique d’identité qui sera remplacé en 1969 par le
livret de circulation. Très occupés par leurs affaires militaires, les Européens "s’intéresseront" aux Roms dans le milieu des années 1920 avec la crise où ils joueront aux côtés des juifs le rôle de boucs émissaires. De 1926 à 1972, les Suisses pratiqueront l’internement psychiatrique et des stérilisations pour des raisons "humanitaires". En Suède, ces pratiques eugénistes se poursuivront jusqu’en 1975. Lors de la seconde guerre mondiale, les nazis arrivés au pouvoir démocratiquement en 1933 extermineront, selon les estimations, 220000 Tsiganes. Malgré leurs origines indiennes, ils n’avaient pas cette "chance" d’appartenir à la "race" aryenne. Avec la crise, la persécution des Roms a repris de plus belle en Europe. En 1999, en Tchéquie, la municipalité d’Ustinad Laben érige un mur pour isoler les Roms du reste de la population. En France, le 11 janvier 2006,
Michel Habig, maire d’EnsisHeim, vice-président du Conseil Général du Haut-Rhin, fait brûler 14 caravanes d’un campement de Roms. Il sera condamné à 5000 euros d’amende. Deux poids. Deux mesures. En 2008, à Naples, la population brûle les camps de Roms. Après Michel Habig, Les Napolitains, suite à une tentative d’enlèvement d’un bébé par un jeune Rom de 17 ans, déclinent une version "moderne" du pogrom.
Les Roms, l’obsession d’un petit homme
Le 10 juillet 2002, le ministre de l’intérieur du gouvernement Chirac-Raffarin, Nicolas Sarkozy, déclarait déjà : "
Comment se fait-il que l’on voie dans certains de ces campements tant de si belles voitures, alors qu’il y a si peu de gens qui travaillent ?" Les Roms aujourd’hui vivent pour l’essentiel de la mendicité des femmes et des adolescent(e)s, les enfants étant scolarisés dans nos écoles pour la très grande majorité d’entre eux. Quant aux hommes, ils vivent de l’activité liée au recyclage des déchets : papiers, cartons, métaux, etc. Visibles, ils échappent néanmoins à l’impôt et à la fiscalité sociale. En avril 2005,
Caroline Damiens nous montre que les perquisitions et les interpellations pratiquées les 6/3/2003, 27/3/2003, 16/4/2003, 28/4/2003, 18/11/2003, les 27/7/2004 dans des campements Roms se sont soldées, dans leur très grande majorité, par des non-lieux ! Aujourd’hui, nous ne disposons d’aucune statistique sur la sur-criminalité supposée qui serait liée à la présence de Roms sur un territoire. Et pour cause ! Sarkozy a totalement inventé la notion de "mafia roumaine". Cette obsession de la droite française envers les Roms s’est exprimé dans les articles 44, 53, 58, 64 de la LSI (
Loi pour la Sécurité Intérieure) votée par les parlementaires français le 18 mars 2003. L’article 225-12-5 du code pénal criminalise l’exploitation de la mendicité en la définissant comme étant le fait de "
tirer profit de la mendicité d’autrui, d’en partager les bénéfices ou de recevoir des subsides d’une personne se livrant habituellement à la mendicité".
Alors, pourquoi ?
Dans l’acharnement du pouvoir français envers les Roms, je vous renvoie, une nouvelle fois, à l’œuvre exceptionnelle de l’extraordinaire de René Girard. Transposons. Avec la crise, les riches ont gagné et la "paix" entre les vainqueurs et les vaincus ne peut se faire que sur le dos d’un...
bouc émissaire. Caroline Damiens présente d’autres hypothèses : les Roms seraient, par nature,
des anti-systèmes qui expriment, par leur autonomie et aussi leur talent, une alternative au modèle dominant. Elle émet une autre hypothèse : la droite se servirait symboliquement de cette thématique pour durcir son discours sécuritaire à l’
approche d’échéances électorales. C’est aussi le sentiment qu’exprime très largement la
presse roumaine. Pour ma part, j’émettrais
une autre hypothèse. René Rémond avait classé
la droite française en 3 catégories distinctes :
- la droite légitimiste ou réactionnaire dont le Front National est l’héritier direct ;
- la droite orléaniste devenue libérale, incarnée à la fois par Villiers (qui emprunte à la droite légitimiste), par Giscard, par Balladur et par Bayrou et Marielle de Sarnez qui fut la collaboratrice d’un certain Raymon Barre ;
- la droite bonapartiste dont on se demande si elle existe encore et qu’incarnaient le général de Gaulle, Georges Pompidou et, dans une moindre mesure, Jacques Chirac !
Les coups de menton du nouveau
caudillo de la droite française nous montrent sur la question des Roms toute la
porosité qui peut exister entre les légitimistes et les orléanistes. C’est d’ailleurs à l’occasion du vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain et de la politique de collaboration qu’elle s’est illustrée cruellement dans notre pays. A l’approche de 2012, assistons-nous à la répétition du scénario de 1940 et de la
fusion des droites dont le mouvement semble avoir été initié par la création de l’UMP le 17 novembre 2002 ? L’OPA jetée sur l’électorat du Front National à l’occasion des élections de 2002 et 2007 semble s’inscrire dans un changement profond de la nature de la droite de gouvernement française. Pour faire court et simple, ça pue ! Source :
Voie Militante Crédit photos :
Le Monde Diplomatique