Roms : Marseille au cœur de la bataille de l’intégration
Expulsions de Roms, manifestations de militants et exaspération de riverains… Marseille est au cœur de la problématique d’intégration de ces nouveaux citoyens européens. Pour le gouvernement, l’intégration passe d’abord par le pays d’origine, d’où l’instauration d’un régime transitoire qui restreint temporairement les droits de ces populations en France.
De leur côté, les associations plaident pour une intégration dans le pays d’accueil et dénoncent une instrumentalisation politique de la situation des Roms, pris comme bouc émissaire ! News of Marseille a consulté tous les acteurs de la cité phocéenne pour décrypter un phénomène qui laisse rarement indifférent…
Mardi 9 août devant le tribunal administratif de Marseille. Les associations s’indignent : saisi par le maire de Marseille Jean-Claude Gaudin, le tribunal vient d’ordonner l’expulsion d’une centaine de familles roms, installées à la Porte d’Aix. Dans le quotidien La Provence, le maire avait déclaré qu’il fallait que « les Roms partent ailleurs ». L’intégration ? Le gouvernement estime qu’elle commence d’abord dans le pays d’origine, puisque « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde[…] », comme certains élus se plaisent à citer la phrase de l’ancien Premier Ministre Michel Rocard.
Après avoir été accueillies au centre d’hébergement de la Madrague, certaines de ces familles retourneront en Roumanie, leur pays d’origine, un billet d’avion et 300 € en poche. « Mais ce n’est pas en effaçant le problème qu’on va le résoudre », pointe Bernard Eynaud, président de la Ligue des droits de l’homme qui demande la fin du régime transitoire, en vigueur théoriquement jusqu’en 2014. Objectif de l’associatif : que les Roms « qui aspirent à se sédentariser » puissent avoir les mêmes droits que tout citoyen européen et s’intégrer en France.
Fuir la misère et la discrimination
Comme chaque été, Marseille qui regroupe près de 1 500 Roms sur les 15 000 présents en France est sous les projecteurs médiatiques. Et à l’image de la France, notre ville est le parfait exemple de la problématique Rom.
Depuis 2007, date à laquelle l’Union européenne a intégré la Roumanie et la Bulgarie, en pleine transition économique vers la privatisation, Marseille s’est vu investir par cette nouvelle population : les Roms, des citoyens roumains et européens à part entière. La ville par son côté populaire où l’on peut se fondre rapidement dans la masse attire ces nouveaux arrivants désireux de tenter leur chance en Europe de l’Ouest.
Rappelons que si aujourd’hui la France compte près de 15 000 citoyens roumains affiliés au groupe culturel rom, l’Hexagone n’est pas la destination privilégiée de ces migrants : la Grèce recense 300 000 Roms, l’Italie 342 000 Roumains, et l’Espagne qui ne connaît pas le mot Rom, compte 700 000 « Gitans ».
La migration des Roms et Roumains en France est avant tout économique. Cependant, un facteur incite davantage la première minorité d’Europe à quitter la Roumanie : les discriminations qu’elle connaît depuis plusieurs siècles. Rejetés dans les campagnes, le climat dans les pays d’origine de ces populations est tendu. Selon un sondage effectué en 2009 et relayé par le quotidien France Soir, 7 Roumains sur 10 ne veulent pas qu’un Rom fasse partie de leur famille ! « Les gens du voyage ont toujours été regardés et traités de manière particulariste. C’est la figure de l’anormal parce que différent et non sédentaire […] Avant c’était le Rom voleur de poules, aujourd’hui c’est le voleur de portables », note le sociologue et politologue Vincent Geisser. Il est avéré que 2 % de la délinquance en France est le fait de Roumains.
En Roumanie, le village de Barbulesti compte 7 000 habitants, tous Roms dont nombreux sont déjà venus en France. « Comme il n’y a pas de travail, la seule source de revenus qui existe, ce sont les allocations et les aides sociales », explique le fils du maire du village. Et si l’ex-satellite de l’URSS affiche une forte croissance, le pays n’a pas tardé à rentrer en récession notamment après la crise économique et les coupes budgétaires imposées par le FMI et l’Europe. De quoi donner un sacré coup à l’un des pays déjà le plus pauvre de l’Union : les salaires des fonctionnaires (350 €) diminuent de 25 %, la TVA augmente de 5 points pour arriver à 24 % et l’âge de la retraite est repoussé à 65 ans !
La France avec son SMIC à 1 000 € attire. Et même si en faisant la manche certains parviennent à gagner « 10 à 15 € par jour, c’est le paradis », rajoute le fils du maire.
Régime transitoire : des Européens (presque) comme les autres.
Arrivées en France depuis 4 ans, « ces familles aspirent à se sédentariser, à vivre dans une maison, à avoir un travail, de vrais toilettes… », assure Bernard Eynaud, las des clichés sur le caractère itinérant de ce groupe culturel apparenté aux gens du voyage. Problème : le régime transitoire instauré avec la Roumanie et la Bulgarie handicape la volonté d’intégration, assure l’association Rencontres Tsiganes. Un régime valable jusqu’en 2014, date à laquelle la Roumanie et la Bulgarie devraient passer à l’euro.
Les Roumains ont un titre de séjour d’une durée de 3 mois et pour rester en France, ils doivent trouver du travail. En plus de la barrière de la langue, obtenir un emploi et quasiment mission impossible : « 150 métiers leur sont ouverts, l’employeur doit faire une demande à la préfecture, ce qui n’est pas des plus rapides et en plus il devra s’acquitter d’une taxe d’environ 800 € », explique Rencontres Tsiganes.
Difficile par conséquent de trouver un travail et un logement. D’où l’apparition des campements de fortune, au quai d’Arenc ou à la Porte d’Aix, de la mendicité, des vols ou de la prostitution. « Il y a une corrélation simple entre précarité et délinquance », explique Bernard Eynaud, même si certains restent circonspects quant à la volonté d’intégration des Roms en France. Pour Vincent Geisser, cette politique relève de l’instrumentalisation « on fait tout pour qu’ils soient mal et on donne un signe à la population “regardez comme ils sont sales“, “ils ne sont pas comme nous“ et pour enfin dire “chassons-les !“ ».
Le gouvernement, lui, exprime sa volonté de voir la Roumanie intégrer la communauté Rom. D’ailleurs l’Union a accordé près de 3,7 milliards € au pays pour financer des programmes d’intégration dans le but d’améliorer le sort d’une minorité encore marginalisée. Malheureusement le gouvernement de Bucarest n’a dépensé que 38 millions € soit 1% du pactole européen, selon L’Express.
L’échéance de 2014
En 2009, près de 8 000 expulsions concernaient des citoyens roumains. Et selon le ministre de l’Intérieur, pour les 7 premiers mois de 2011, la France a opéré 17 000 reconduites à la frontière, notamment des Roumains. Des expulsions pour éviter les fameux appels d’air et dissuader d’autres arrivées. Mais peu de temps après leur expulsion certains retentent leur chance. D’où sans doute, le fichage administratif « à la limite de la loi » que dénonce le chercheur. Une stratégie du bouc émissaire qui consiste à « détourner l’opinion des vrais problèmes ». Vincent Geisser nous interpelle : « On commence par les Roms et on finit par son voisin ! » En 2014 le régime transitoire prendra fin. Et si Michel Rocard a dit que « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde », il a enchaîné avec « elle doit y prendre part ». Avons-nous notre quota de misère ? La parole est à vous.
Pour voir le reportage avec Vincent Geisser, Sociologue et Politologue
Coralie Mollaret - News Of Marseille
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