Royal / Bayrou : un air de nouvelle démocratie
Voilà douze ans qu’on avait pas eu droit à un débat entre candidats aux présidentielles. En effet, la dernière tentative largement relayée par Agoravox s’est soldée par un échec cuisant. Et en 2002, aucun débat n’avait eu lieu. La nouveauté ici, c’est que c’est François Bayrou qui a volé la vedette à Nicolas Sarkozy.
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L245xH189/debat-aac5f.jpg)
On peut le dire : c’est une première sous la Vème République. Il est de bon ton de rappeller le caractère absolument inédit de ce débat avant de s’intéresser au fond. En effet, le doute a persisté jusqu’au bout sur la réalité d’un débat entre Ségolène Royal et François Bayrou au vu des péripéties en cascade qui se sont déroulées ces derniers jours. Une saga qui est avec le recul absolument ubuesque mais aussi inquiétante : comment se fait-il que ce débat a été si difficile à réaliser alors que les deux intéressés ont démontré toute leur volonté à le réaliser ? Absurde dans un pays qui se dit démocratique...
Les propos qui laissent à penser que ce débat n’était que "petites combines dans un hôtel parisien" prêtent à sourire. La tenue de ce débat n’est-elle pas justement la preuve vivante que la transparence a pris le pas sur les obscures tractations de couloir ? Il faut donc saluer l’initiative des deux personnages politiques, et ceci sans arrière-pensée partisane. Rappelons-nous de l’amère déception à l’annulation du débat du premier tour. Le refus de contradiction de certains candidats est un désaveu profond d’honneteté envers les électeurs. La tenue du débat entre Ségolène Royal et François Bayrou est donc un formidable coup de pied aux idées reçues et autres critiques amères des adversaires. Oui, la revendication a été faite qu’on pouvait discuter sereinement dans ce pays, s’expliquer publiquement face à un contradicteur. Ce débat a d’autant plus de sens que François Bayrou représente un électorat de près de sept millions de citoyens. C’est un devoir de respect que de prendre en considération leur vote et d’entendre ce qu’ils ont dit. N’oublions pas qu’on gouverne avec une majorité et donc de facto contre une minorité...
BFM TV, RMC et le journal Le Parisien étaient donc conviés à ce dialogue entre la socialiste et le "troisième homme". Une première poignée de main rapide et un peu fraîche. Un dialogue qui a mis un peu de temps à se dérouiller, entravé par un retard et un début très formalisé par les questions personnalisées des journalistes. Un premier sentiment de déception : encore un faux débat où chacun répond tour à tour sans confrontation directe. Mais nous sommes en présence de deux fortes personnalités qui se soucient peu des formalités et des lignes. Au bout de quelques minutes, avec le premier thème des institutions abordé, les interpellations commencent à fuser. Des interpellations toujours très cordiales, mesurées mais qui pointent des faits précis dans le "pacte présidentiel" de la candidate socialiste. Il demande des éclaircissements, elle s’explique. Des fois, ils trouvent sans conteste des moments d’entente sur les sujets des institutions, de l’Europe ou encore dans le domaine de la sécurité et de la paix sociale. A d’autres instants, les contradictions surgissent et en premier lieu sur la conception de l’économie : plus ou moins d’état ? réduction de la dette, les 35h...etc.
Un dialogue courtois ponctué de phrases franches et sans concession. "Vous êtes un excellent défenseur du pacte présidentiel !" lance en souriant Ségolène Royal à son vis-à-vis. "Si vous n’avez que des défenseurs comme moi, vous avez de quoi vous inquiéter", lui répond Francçois Bayrou. Une discussion imprégnée d’intelligence qui se déroule dans cet hôtel. Les deux personnalités avertissent dès le départ qu’ils ne cherchent pas un ralliement quelconque, ils veulent discuter, parler de l’avenir du pays. Ils se contredisent en toute franchise et reconnaissent leurs points de convergence quand ils sont réels. Un débat qui se prolonge même, dix, vingt, trente minutes de plus à la durée initiale. Facilement perceptible sur tous les visages, candidats et journalistes, la rencontre intéresse, plaît. Elle est même distillée par des petits moments d’humour fin. Une atmosphère qui se détend, le plaisir de la discussion se lit sur toutes les lèvres. Avec presque regret, Olivier Mazerolle conclue le débat mais on prolonge l’instant avec la poursuite du direct et les caméras branchées. Une poignée de main beaucoup plus chaleureuse, des journalistes tout sourire, satisfaction partagée.
Retour sur le plateau des intervenants, Christianne Taubira est là visiblement largement satisfaite avec en face Valérie Pécresse, visage crispé. Oui c’est un débat qui a déplu à certains d’entre nous. Ils n’y voyaient que "trahison", "procès stalinien", "combines", "inutilité". Je n’y ai vu que franchise, courtoisie, pluralisme et surtout démocratie.
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