Sans Papiers : les clichés ont la vie dure !
33000 : c’est le chiffre d’expulsions que l’on devrait atteindre en 2012. Dans la plus grande des discrétions.
Combien on l’aura entendu pendant la campagne présidentielle : le PS, ce n’est peut-être pas très différent de la droite, mais au moins, sur les sujets de société, c’est l’humanisme en plus ! Et de citer, qui, la politique à l’égard des sans-papiers, qui, les intentions de régler enfin le problème du vote des étrangers extra-communautaire ou le problème de l’égalité face au mariage ou l’adoption. Une réputation (pas toujours usurpée) qui n’aura pas été pour rien dans les scores du candidat Hollande au premier tour du scrutin.
Mais une réputation qui a la vie dure ! Comment pourrait-on, en effet, expliquer autrement le silence médiatique qui naufrage aujourd’hui les espoirs de sans-papiers de plus en plus nombreux à être expulsés, au point que l’on devrait dépasser, en 2012, les 33 000, chiffre record et nettement supérieur à celui de 2011 ! Comment expliquer l’autisme des médias qui laissent passer jusqu’au coup médiatique, jusqu’à la vidéo qui pourrait « faire le buzz » : ce film représentant, par exemple, Manuel Valls repoussant l’interpellation de Jolie Mumbudi, un congolais dont il avait parrainé les deux enfants alors qu’il était maire d’Evry et que leur père était expulsé. Il avait alors promis au père de famille aujourd’hui revenu qu’il ferait tout pour régulariser sa situation : le voilà, jetant à la face de celui qui vient rappeler sa promesse, qu’il est ministre de la république et que celle-ci a « des critères ». Du pain béni pour les grandes chaines en d’autres temps : ça ne fera qu’une brève dans le Parisien !
Comment expliquer encore, comme le raconte Richard Moyon, co-fondateur de RESF, qu’aucune image ne soit passée d’une autre altercation avec le ministre au moment des universités d’été de la Rochelle. Le militant, profitant de la présence d’une quinzaine de caméras, interpelle sur le cas d’un indien vivant en France depuis 17 ans et qui devait être expulsé le jour même. Aucune image ne passera de cet échange très tendu sur un cas au combien symbolique ! Pire, les TV concluront toutes au succès de Manuel Valls depuis son arrivée au ministère.
Comment comprendre enfin que la grève de la faim de plus d’une soixantaine de sans-papiers (soutenu par le CSP59 et la LDH) à Lille ne fasse l’objet de pratiquement aucun reportage, ne puisse être relayée par communiqués dans la presse locale ou nationale quand on se souvient des déclarations quasi-assourdissantes qui avaient accompagné celle de 2007 ?
Il y a bien sûr l’attitude du ministre, incompréhensible sinon par la seule explication que rien ne serait pire pour lui que d’être accusé de laxisme par la droite ou l’extrême-droite : Manuel Valls ne lâche rien, se forge une stature dans le rejet et l’expulsion, fait le pari d’un destin d’inoxydable à la droite du PS.
Il y a surtout les choix des patrons de presse pour qui les thèmes ne sont plus dans l’œil du cyclone politico-médiatique, qui en vident leurs colonnes dont ils n’ont plus ensuite qu’à constater le vide pour conclure à la trêve !
Y-aurait-il aussi, au bout du compte, ce crédit d’humanité encore associé à l’histoire du parti socialiste qui détournerait les regards de ce qui se trame aux frontières, qui aveuglerait les journalistes sur les aberrations ordinaires touchant ces familles de nulle part qu’on appelle sans-papiers ? On continue à séparer, on continue à déchirer et le silence s’installe… Il est des clichés qu’on aimerait détruire !
Photo Séverine Lenhard
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