Sarkozy-Bayrou : au-delà de la rivalité personnelle, un programme commun ?
Malgré son élimination du second tour de l’élection présidentielle, François Bayrou continue d’attirer les médias qu’il vilipendait hier - et qui l’applaudissent aujourd’hui -, étrange revirement pour l’homme qui voudrait incarner le refus des connivences.
Au-delà des critiques vives adressées au programme de Ségolène Royal, François Bayrou a laissé clairement entendre qu’il ne voterait pas pour Nicolas Sarkozy. Et d’exposer, par sous-entendus et autres propos « off » glissés aux journalistes, à quel point il était en désaccord avec la personnalité de Nicolas Sarkozy.
D’après les intentions de vote exprimées par les électeurs de François Bayrou, les reports de second tour se partageraient quasi équitablement entre les deux candidats qualifiés le 22 avril. Mais Ségolène Royal, désireuse de refaire un retard de 2 millions de voix, cherche à attirer les électeurs centristes et amène chacun à se poser une question déterminante : de quel côté le centrisme va-t-il pencher le 6 mai prochain ?
L’électeur indécis se lance alors dans l’examen comparé des projets de l’UMP et de l’UDF, et notamment la très clivante partie économique, à la recherche des indices du positionnement idéologique de François Bayrou.
En matière économique, Ségolène Royal veut renforcer l’application obligatoire des 35 heures, tout en regrettant la fragilisation subie par les salariés contraints à un gel des salaires. Au contraire, François Bayrou et Nicolas Sarkozy proposent tous deux de mieux rémunérer les heures supplémentaires. Travailler davantage pour gagner plus : si le slogan n’est pas repris, l’idée est bien là. Tous deux souhaitent également débloquer les réserves de participation.
Pour encourager la création d’emplois, François Bayrou et Nicolas Sarkozy se prononcent tous les deux pour une réforme du droit du travail pour plus de souplesse, et pour la sécurisation des parcours professionnels. Au contraire, Ségolène Royal veut créer 500 000 « emplois tremplins », mesure faisant largement appel aux finances publiques.
Une différence entre Bayrou et Sarkozy : François proposait de créer deux emplois sans charges par entreprise, mesure à laquelle Nicolas a préféré la simplicité d’une baisse générale du coût du travail via l’exonération sociale des heures supplémentaires et l’expérimentation de la TVA sociale. Le but est que les charges pèsent moins sur le travail et davantage sur la consommation, en aval de la chaîne.
En matière de fiscalité, François Bayrou et Nicolas Sarkozy souhaitent tous deux exonérer les droits de succession en ligne directe.
Pour soutenir les PME, ils sont tous les deux d’accord sur un Small Business Act : simplification des procédures, guichets uniques, part réservée de marchés publics. Nicolas Sarkozy y ajoute une déduction de l’ISF pour tout investissement direct dans une PME et la baisse de la fiscalité sur les entreprises.
Plus globalement, ils proposent tous deux une politique industrielle et le soutien de la vocation agricole de la France.
On le constate : en matière économique, les propositions de François Bayrou et de Nicolas Sarkozy sont des soeurs quasi jumelles.
Un point amusant : sur un sujet comme la laïcité, Nicolas Sarkozy se dit prêt à réfléchir à un moyen de permettre à toutes les religions d’offrir à leurs croyants des conditions de culte dignes. François Bayrou a vivement critiqué toute modification de la loi de 1905... mais propose de la codifier en un Code de la laïcité, et ensuite de modifier ce code. Derrière l’apparence du désaccord, on retrouve là encore une convergence de vues.
En matière d’immigration, Bayrou refuse la main-d’œuvre venue de l’étranger : « Dans un pays qui compte quatre millions de chômeurs, pourquoi aller chercher de la main-d’œuvre à l’extérieur ? ». Comme Nicolas Sarkozy, il estime nécessaire de maîtriser l’immigration clandestine et d’aider plus efficacement ceux qui montrent une volonté d’intégration. C’est encore François Bayrou qui s’exprime : « Je propose une politique nationale d’immigration articulée en deux volets : maîtrise de l’immigration clandestine et main tendue à ceux qui peuvent et veulent s’intégrer. »
Si François Bayrou a ainsi beaucoup cherché à se démarquer de Nicolas Sarkozy durant la campagne électorale, l’électeur face au deuxième tour pourra utilement comparer leurs propositions pour constater que si l’UDF a toujours gouverné avec la droite - et toujours combattu le Parti socialiste - c’est bien parce que leurs convergences de vues sont évidentes.
Les œillades que Ségolène Royal et François Bayrou semblent aujourd’hui s’adresser relèveraient-elles alors finalement de la pure tactique politicienne, François Bayrou espérant trouver dans l’aile droite du PS les troupes de son futur Parti démocrate ?
Ce faisant, François Bayrou prend le risque d’apparaître comme un homme capable de renier ses propres idées pour servir son ambition présidentielle personnelle pour 2012.
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