« Sarkozy n’a pas encore gagné »
L’opposition, pour faire court le PS, n’a pas remporté une élection présidentielle depuis 1995 : 16 ans ! Les périodes de cohabitation, sous la présidence Mitterrand ou Chirac, ne peuvent être considérés comme des équivalences.
Seize ans c’est beaucoup. Ainsi, presque mécaniquement, les oppositions devraient, au nom des principes du désir d’alternance, l’emporter au printemps prochain. Une nouvelle victoire de la droite serait presque anachronique.
Pourtant les choses ne sont pas toujours mécaniques. Le climat encadrant la période de l'élection n'est pas neutre.
-Calme, relativement tranquille, il permet le sentiment d'une alternance sans risques. -Chahuté, chaotique, il provoque les craintes.
L'argument du climat est d'ailleurs réversible : l'exécutif en charge de décisions difficiles peut les payer. Mais le challenger est gêné dans ses propositions. Il devient beaucoup plus difficile de faire rêver, de promettre à tout va de changer la vie. Les citoyens électeurs sont intimement persuadés que les miracles ne peuvent avoir lieu ; ils espèrent que l’addition sera la plus légère possible, mais ils savent qu’il y a une addition à payer : dire le contraire devient contre-productif.
C'est un peu le scénario que nous vivons actuellement. Le plus juste, le autrement, le faisons payer les riches ont une limite. L'opposition rechigne à envisager des réformes structurelles de fond qui pourraient effaroucher ce qu’elle pense être son électorat. C’est là que le piège peut se refermer : la méconnaissance de son électorat potentiel.
Prenons tout simplement l’actualité récente. Le Président de la République, bien sûr en campagne, se rend à Bordeaux pour évoquer la question sociale et tout particulièrement la fraude aux prestations. Il le fait s'abritant derrière la nécessité de sauver le système mis en place à la libération, répondant ainsi à ceux qui l’accusent de détruire la politique du CNR. Il déclare que la fraude est une menace pour le système tout entier. Il propose par ailleurs quelques heures de travail pour les bénéficiaires du RSA et une journée de carence pour les fonctionnaires alors que dans le privé nous en sommes à 4 jours.
Immédiatement s’instaure la levée de boucliers : atteinte à ceci, désignation de boucs émissaires … scandale de chez scandale ! Pas comme ça … Autrement … Mais comment ?
Ce que l’opposition et très souvent les commentateurs ne veulent pas comprendre c’est que ces remarques, cette désignation de certains abus, sont parfaitement reçues par nos concitoyens dans leur très grande majorité et qu’ils ne comprennent pas ceux qui semblent les nier. Peu importe les réalités, le ressenti est celui-là. Je passe sur les connotations quelquefois xénophobes qui tournent également autour de ce thème : papiers frauduleux, fausses cartes vitales, abus de liens familiaux etc.
Un autre exemple, sans doute moins important mais éclairant, réside dans la mutation proposée pour les célébrations du 11 novembre. Le PS, François Hollande, Eva Joly (chez elle c’est une habitude) récusent cette nouvelle journée du souvenir après la mort du dernier « poilu », ce souvenir proposé non plus seulement aux morts de « la grande guerre », mais à tous les « morts de guerre » » On s’aperçoit alors que 2 français sur 3 sont favorables à une telle réforme. Ces deux exemples, mais il y en a et il y en aura d'autres, pour dire qu’à force de vouloir systématiquement se distinguer du sortant, les aspirants à la succession risquent bien de passer à côté de la plaque, à l'image de Jospin avec la sécurité en son temps.
Le handicap en termes de popularité et de sympathie du sortant est colossal et là réside la plus grande chance du PS. Mais les erreurs cumulées pèsent finalement lourd et insidieusement. Ainsi les « vrais faux accords » (EELV-PS) détériorent aussi les images. Quand benjamin écrit : "Il y a deux jours c'était 'nous sommes prêts à n'avoir aucun député si l'EPR est maintenu' L'EPR est maintenu par Hollande et Duflot a signé un accord sur 60 circonscriptions et de 15 à 25 gagnants... Et ça va encore nous faire ch... avec les grands discours moraux ! Pire que la SFIO ! », il est brutal mais réaliste.
Quand AREVA s'insinue dans les discussions internes du PS, Hollande pourra expliquer que c'est naturel, qu'il s'agit d'une grande entreprise nationale, qu'elle emploie de nombreuses personnes etc. On ne peut empêcher beaucoup de dire que le lobby qui influence la droite a tout autant d'impact à gauche : Mox-blanc ... Blanc-Mox ...
Un paragraphe sur le Mox (combustible obtenu en recyclant du plutonium issu des déchets de combustibles usagés), a été retiré du texte validé mardi soir par le bureau national du PS alors qu'il était présent dans l'accord signé entre Martine Aubry (PS) et Cécile Duflot (EELV).
Quand s'ajoute au tableau le premier des parisiens, Bertarnd Delanoë refusant Duflot, les images se troublent encore un peu plus. Il suffit souvent d’un rien dans ce type de campagne et surtout au bon ou mauvais moment : novembre et décembre ont toujours été des mois de cristallisation des tendances. Les hésitations sur un programme rendu obsolète par la crise, les discussions avec les écologistes qui passent pour de sordides marchandages de circonscriptions, le déni de certaines réalités commencent à peser lourd dans la besace de François Hollande.
Revenons aux électorats trop souvent méconnus. Pour l’opinion la gauche est assimilée à la solidarité. Les plus modestes, les ouvriers, rejettent toute forme de commisération en guise de solidarité, toute forme d’abus dans ce domaine. Contrairement à une idée reçue ces électeurs ne sont pas à classer systématiquement du côté de Marine Le Pen mais ils rejettent aussi souvent une gauche d’en haut qui semble plus préoccupée des sans-papiers que de leurs difficultés à eux. La gauche continue de vouloir parler aux défavorisés, mais les ouvriers en particulier ne l’écoutent plus, à la limite refusent ce discours. Quand le Président déclare à Bordeaux, « nous ne voulons pas que l’on abuse d’un système qu’il faut par ailleurs sauver », il est en adéquation avec l’opinion la plus généralement répandue. En tous les cas avec une classe populaire qui n'admet pas la fraude de son voisin si elle supporte la sienne, qui ne supporte plus que ce même voisin ait le dernier écran plat alors qu'il ne semble pas travailler etc. J'en passe et des meilleurs : vous me suivez.
Ce qui était impensable il y a quelques semaines « ils peuvent perdre » n’appartient plus aux seuls inconscients. Un hebdomadaire peut ainsi titrer "Sarkozy n'a pas encore gagné" ... Admirez une formule en creux, il y a peu tout à fait impossible !
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