Sarkozy, ou l’humour en temps de crise
Le discours de Sarkozy à Genève
Je voudrais revenir sur le discours prononcé par Sarkozy à l’OIT en juillet, qui fait rêver si l’on y croit ou rire si l’on doute de sa sincérité.
1/ Vibrant hommage à l’esprit et aux fondateurs de l’Organisation du Travail (OIT) :
"La création de l’OIT ce fut la réaffirmation que l’Homme devait cesser d’être regardé comme un moyen pour être reconnu comme une fin en soi. Opposer le travail comme un moyen d’accomplissement et d’émancipation au travail comme une aliénation et un asservissement, faire de la justice sociale l’une des voies de la paix, voilà ce que fut dès l’origine la vocation de l’OIT"
Premier rictus car on se souvient que le travail du dimanche n’a jamais été une idée de Jaurès ...
2/ Questions rhétoriques généralistes :
"Alors que l’économie mondiale se trouve plongée dans une crise sans précédent depuis la Deuxième Guerre mondiale pouvons-nous attendre ? Face à la misère, à la faim, au travail forcé, aux conditions de vie dégradantes qui sont faites à tant de femmes et d’hommes dans le monde, avons-nous le droit d’attendre ? Face au réchauffement climatique et aux menaces qu’il fait peser sur la stabilité du monde et sur la survie d’une partie de l’humanité, avons-nous le temps d’attendre ? Face à l’épuisement des ressources non renouvelables jusqu’à quand devons-nous attendre pour produire différemment, pour vivre autrement, pour développer d’autres énergies ? Face à un capitalisme financier devenu fou à force de n’être soumis à aucune règle et dont on commence à mesurer à quel point il peut être destructeur, est-il bien raisonnable d’attendre encore ? Faut-il attendre que la crise économique, financière, sociale, écologique se transforme en crise politique majeure à l’échelle planétaire pour nous décider enfin à changer au risque qu’il soit trop tard ?"
A ce niveau-là, Sarkozy se place à un niveau messianique. Il propose en 6 questions de résoudre :
- la crise économique et la remise à plat de ses fondements, jugés mauvais depuis 1945 ...
- la misère et l’exploitation partout où elles sévissent
- la question du futur de l’homme et de son environnement
- la réorientation de la croissance classique vers une "croissance verte"
- la financiarisation des économies modernes
- la crise politique issue de la crise économique
3/ Définition du bon capitalisme
"Il y a deux types de mondialisation. Celle qui privilégie la croissance externe, chacun cherchant par tous les moyens à prendre les emplois et les marchés des autres. Celle qui privilégie la croissance interne, c’est-à-dire un modèle de développement dans lequel chacun produisant plus et consommant davantage contribue au développement de tous. La première pousse à l’extrême la logique de la compétitivité à tout prix en recourant à toutes les formes de dumpings, à des politiques commerciales agressives, à l’écrasement du pouvoir d’achat et du niveau de vie. La deuxième s’appuie sur l’augmentation de la productivité, l’élévation du niveau de vie, l’amélioration du bien être. La première est conflictuelle. La deuxième est coopérative. La première oppose le progrès économique et le progrès social. La deuxième au contraire les lie l’un à l’autre."
Il est ironique pour celui qui s’est présenté comme le président du pouvoir d’achat de constater son propre échec.
Du point de vue théorique, son discours ne tient pas non plus la route : opposer productivité et compétitivité est un non-sens. La première est un levier de la seconde. Il oppose aussi consommation et élévation du niveau de vie : mais on sait que par "niveau de vie", il veut dire "pouvoir d’achat".
4/ Remise en cause des fondements socio-économiques du monde moderne
"Quel monde laisserions-nous à nos enfants si nous n’étions même capables de nous mettre d’accord sur la limitation des gaz à effet de serre, sur les paradis fiscaux ou sur des principes aussi fondamentaux que la liberté syndicale, l’interdiction du travail forcé, l’abolition du travail des enfants ou l’élimination des discriminations en matière d’emploi ?"

Bref, on se demande s’il ne s’agit pas un canular... Espérons que les chômeurs, les exclus, les exploités ont le même sens de l’humour que notre président.
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