Sarkozy sur RTL : quoi de neuf ?
Hier matin, notre président s’exprimait sur RTL. Les réactions fusent de toutes parts, justifiées ou non, judicieuses ou inappropriées, travaillées ou spontanées, réfléchies ou improvisées, partisanes d’un côté comme de l’autre.
J’ai aussi envie de donner mon point de vue. Dans un article précédent (Pêcheurs et Diesel), mon opinion était qu’il serait impossible d’apporter des réponses significatives aux nombreux défis de notre société sans se projeter largement en avant. C’est ce que font les dirigeants qui pérennisent leurs entreprises. Pour illustrer ce point de vue, j’en appelais à la stratégie des pompiers qui tout en combattant le feu où il était actif pour minimiser ses dégâts et empêcher qu’il ne s’emballe, préparaient des contre-feux beaucoup plus loin pour finir victorieusement un peu plus tard.
Ce matin, tout ce qui a été dit ressortait de la phase de l’engagement à court terme. On peut discuter sur le choix des mesures, leur efficacité, mais ce qui est sûr c’est que l’affaire risque de durer fort longtemps sans aboutir, tout en espérant que les conditions environnantes, soufflant dans tous les sens, n’attisent pas le brasier pour se terminer par une catastrophe, comme il s’en est déjà produit un certain nombre dans l’Histoire. Moi, j’aimerais bien que l’on prépare et mette en place très vite ces "contre-feux" sans lesquels on ne pourra pas voir la sortie du tunnel.
Je vais reprendre quelques-uns des points abordés par notre président :
1 – "Il faut avoir le courage de dire aux Français que l’évolution des prix pétroliers n’allait pas s’arranger". C’est vrai, et fort inconscients seraient ceux qui pourraient en douter ! Il a aussi précisé qu’il n’était pas responsable de cette hausse. C’est exact aussi. Par contre, lui, tout comme la plupart des dirigeants "raisonnables" de la planète ne peuvent pas dire qu’ils ne savaient pas que cela allait se produire. Nombreux sont les spécialistes, les scientifiques, les penseurs, qui ont lancé des cris d’alarme à ce sujet sans être entendus, tant la classe politique est préoccupée de l’essentiel, son court terme, gagner les élections. Organiser des contre-feux en ce domaine aurait consisté à accélérer le développement des énergies de remplacement. On y travaille nous dit-on. Peut-être sont-elles déjà prêtes ? Alors, pourquoi ne pas les activer ? J’ose espérer que, dans ce cas, ce ne serait pas pour permettre aux possesseurs des ressources pétrolifères de profiter au maximum de l’embellissement formidable des marges, puisque les coûts de production restant sensiblement les mêmes, la rareté provoque l’emballement inflationniste ! D’autres défis considérables nous attendent à très court terme et sont largement annoncés. Raréfaction de l’eau (potable), envolée du prix des denrées alimentaires, pénuries décuplant les problèmes de la faim dans le monde.
2 – "Il faut plus de concurrence pour favoriser la baisse des prix". C’est un bon slogan qui ne plaît pas à tous à juste raison, mais qui donne espoir à tous ceux qui réclament plus de pouvoir d’achat. Malheureusement, qu’on le veuille ou non, pour que les prix baissent, il faut s’attaquer aux marges bien sûr, mais aussi aux coûts de production. En dehors de la part qui se retrouve dans la poche du patron (propriétaire), cela se traduit par plus de productivité dans les circuits de fabrication et de distribution. Productivité qui aujourd’hui s’obtient essentiellement en diminuant la composante main-d’œuvre : on remplace les hommes par des machines, des robots, on délocalise, on achète dans les pays où la rémunération du travail est faible. Résultat, on accentue la précarité et les situations de misère, qu’on essaye d’atténuer par des aides qu’il faut bien ponctionner sous forme de charges ou de taxes supplémentaires. Ceux qui ont la chance de rester en activité sont plus sollicités (et stressés entend-on dire de plus en plus souvent) et les prélèvements nouveaux annihilent les gains espérés. On est dans le cercle vicieux parfait.
3 – "Depuis 1982 le nombre de fonctionnaires a augmenté de 300 000, ce malgré la décentralisation, l’informatisation, des rationalisations ou ré-organisations". Il y a donc perte de productivité. Cela paraît tout à fait justifié de s’attaquer à ce problème, d’autant que nos voisins semblent faire tout aussi bien, voire mieux que nous avec moins de monde. Personnellement, je suis assez pour que l’on améliore les choses grâce au perfectionnement des outils. En réalité, ce n’est pas le progrès qui est foncièrement nuisible pour la société, c’est la façon dont on gère les retombées de son utilisation. En l’occurrence si on ne remplace pas un départ sur deux, ce sont 150 000 postes qui disparaissent. Ce n’est pas pénalisant pour ceux qui partent en retraite, mais ce sont autant de difficultés pour trouver du travail pour ceux qui attendaient ces places.
4 –"Il n’y a plus de service militaire et toujours le même nombre de bases". Il semble donc tout à fait justifié d’en tirer les conséquences et d’apporter les réorganisations permettant de supprimer les frais qui n’ont plus raison d’être. Tout le monde sait cela, lorsque le budget est difficile à boucler, il faut rechercher des ressources nouvelles ou faire des coupes dans les dépenses. Pourquoi cette règle de bon sens ne s’appliquerait-elle pas à l’État, dont "le budget est en déficit depuis trente-cinq ans" ? Évidemment, cela va poser problème à tous ceux pour lesquels la présence de ces bases représentait un potentiel économique important. Les déplacer, les supprimer, c’est à nouveau poser la question de l’emploi. "Ce n’est pas à l’armée de jouer le rôle d’aménagement du territoire". C’est vrai ! Alors, il faut les chercher des solutions ailleurs.
5 – Conscient de toutes ces difficultés notre président ajoute "il faut augmenter la création de richesses". Il va donc s’activer dans ce sens. Malheureusement, la croissance ne se décrète pas (j’ai donné mon point de vue à ce sujet dans un billet précédent) produire plus n’a de sens que s’il y a une demande, solvable. Et pour cela, il faut un carburant, "les sous", qui semble se faire aussi rare que le pétrole. J’entends, en m’appuyant sur les dires des spécialistes, que dans un pays comme la France la richesse produite est là, toujours à un bon niveau, même en augmentation. Et pourtant, il est flagrant que les inégalités, la précarité, la misère, s’aggravent parallèlement. Il est logique de penser que ce qui ne va pas, c’est sa répartition.
6 - En ce qui concerne les retraites, le message du président est clair. En ce domaine (malheureusement comme dans beaucoup d’autres), on a tellement attendu, qu’il serait totalement irresponsable de ne pas prendre le taureau par les cornes. Sans entrer dans le détail de ce qui est décidé (mais pas forcément accepté par les partenaires sociaux), l’allongement de la durée de cotisation est incontournable. Par contre, pour la proposition de la présidente du Medef, Laurence Parisot, de porter l’âge de départ à 63,5 ans, il est catégorique, c’est "NON". Je suis tout à fait d’accord sur le fait qu’il est indispensable de faire quelque chose, mais je pense qu’il y a d’autres solutions qui pourraient plus facilement obtenir l’adhésion. Je les ai exposées dans mon livre, elles font partie d’un ensemble indissociable, indissociable parce que tous les problèmes sont liés et que pour apporter des réponses crédibles, on ne peut pas faire l’économie d’une reconstruction profonde. Je ne sais pas qualifier le niveau de pertinence de la mienne, mais elle a au moins le mérite d’être construite dans cet esprit. Le schéma proposé actuellement m’interpelle, comme il le fait pour beaucoup de monde, parce que tout comme pour les sujets évoqués ci-dessus, l’emploi est au cœur de la question. Peut-on vraiment demander à quelqu’un de cotiser plus longtemps, s’il ne lui est pas possible de trouver l’activité qui le lui permette ?
Le dénominateur commun à tout ce qui est cité un peu plus haut se résume pour moi à ce seul mot : emploi !
J’ai longuement développé ces aspects dans mon livre Utopies ? Je vous invite à le consulter. Mais il me paraît juste pour que ce développement ne soit pas seulement une critique de plus dans le débat, d’apporter une explication un peu plus concrète sur les propositions en question de mon ouvrage. Je vais donc m’atteler à la rédaction d’un billet en résumant l’essentiel, même si le faire en quelques lignes ne peut qu’être réducteur par rapport au contenu du livre.
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