Sarkozy, tel un sale gosse
C’est un fait : la ligne blanche, Sarkozy n’en a « rien à battre ». Les règles sont à l’évidence faites pour les autres, pour ces Français, anonymes ou pas, dont nombre d’entre eux ont, un jour ou l’autre, eu droit dans les propos de l’ex-président aux qualificatifs d’« abrutis » ou de « connards », qu’il s’agisse de syndicalistes, de Bretons, de magistrats, d’écologistes, d’élus et même de collaborateurs...

La confirmation de l’invalidation des comptes de campagne du candidat Sarkozy par le Conseil Constitutionnel – pourtant constitué aux 2/3 de membres de droite – n’a surpris que ceux qui, à l’UMP et à un degré moindre à l’UDI, feignaient de croire que l’instance juridique suprême pourrait passer l’éponge sur une fraude avérée constatée quelques mois plus tôt par la Commission nationale des comptes de campagne. Les « Sages » se sont prononcés, et les attendus de leur jugement – entièrement fondé sur le droit et sur lui seul – sont particulièrement sévères pour un Sarkozy qui, décidément, s’affranchit sans vergogne et en toutes circonstances des règles et des lois comme il l’a très souvent fait au cours de sa carrière, y compris lors de son mandat présidentiel.
Car ce dépassement des comptes de campagne, assorti d’une déclaration « insincère » (autrement dit une fraude), vient s’ajouter à toute une série de précédents et graves manquements de l’ex-président. Des manquements répétés qui, aujourd’hui, le menacent dangereusement ou lui valent des ennuis judiciaires mis en sommeil par son immunité : abus de faiblesse sur Liliane Bettencourt, rétro-commissions de l’affaire Karachi assortie de mort d’hommes, financement illégal de la campagne de 2007 par le dictateur Khadafi, arbitrage Tapie, sondages illicites de l’Élysée, etc...
Sale gosse, Sarkozy ? Nombre d’observateurs en viennent malheureusement à établir cette comparaison. Comment en effet ne pas établir de parallèle entre son comportement et celui des adolescents arrogants et cyniques qui, insuffisamment sanctionnés pour leurs dérapages, s’exonèrent progressivement de toutes les règles d’éducation ? Il est vrai qu’il existe chez Sarkozy un terreau aggravant : hyper-égotique, narcissique à l’excès, menteur, manipulateur, mégalomane et un brin paranoïaque, c’est un profil à bien des égards proche de la psychopathie qu’il présente (cf. Qui suis-je ?). Dès lors on comprend mieux son mépris constant des contraintes auxquelles devrait pourtant se plier un élu national, a fortiori un Président de la République tenu par devoir à un minimum d’exemplarité.
Après avoir incité ses proches à pousser des hauts cris et à hurler au complot en désignant le Conseil Constitutionnel à la vindicte des Français, Sarkozy a quand même fini par comprendre qu’il risquait de se tirer une balle dans le pied : on ne peut avoir prétendu, durant des années, être le garant de l’ordre pour se vautrer ainsi dans la dénonciation d’une institution chargée de faire appliquer le droit au plus haut niveau. D’où son changement de tactique et son ralliement à l’appel aux dons initié par Copé, une sorte de Sarkothon qui prend désormais des allures de plébiscite. Un pari dangereux pour l’avenir politique de Sarkozy car si les dons à l’UMP restent au final très en retrait des 11 millions d’euros que son mépris des règles électorales a fait perdre à son parti, c’est sa stratégie de retour qui s’en trouvera très affaiblie, et cela pour la plus grande satisfaction de son adversaire interne n°1, François Fillon.
Précisément, parlons-en, de l’ex-Premier ministre. En déclarant « Fillon est un traître », c’est un avis d’expert qu’a délivré Sarkozy. La vie politique de l’ex-Matamore élyséen est en effet parsemée de chausse-trappes placées sous les pas de ses « amis » de la droite parlementaire, et parfois de coups de couteau portés entre les omoplates des plus redoutables de ces adversaires, à l’image du soutien à Édouard Balladur visant à éliminer Jacques Chirac en 1995. Il est vrai que, dès le début de sa carrière, Sarkozy avait fait place nette à Neuilly en écartant sans ménagement Charles Pasqua – un aventurier sans scrupules chassant l’autre ! – sur la dépouille encore fumante du maire Achille Peretti.
Sarkozy pense ne faire qu’une bouchée de Fillon comme il avait clamé sur tous les tons qu’il allait « exploser Hollande » lors de la présidentielle de 2012 ! Encore faudrait-il qu’il se plie au processus des primaires voté le 30 juin par une écrasante majorité des militants UMP (92 %). Or, des primaires, Sarkozy ne veut absolument pas entendre parler pour ne pas courir le risque d’être publiquement contesté dans son propre camp lors des débats ; voire, suprême humiliation, de subir un sort à la Royal. Malgré les airs de violon joués de part et d’autre lors du Sarkoshow de lundi, c’est donc bien à un nouveau bras d’honneur à ses « amis » de l’UMP et aux militants que l’ex-Président se prépare, persuadé par son ego hypertrophié et la certitude de son destin messianique que le peuple l’appellera le moment venu en sauveur du pays et lui permettra ainsi de balayer d’un revers de manche méprisant tout à la fois primaire et concurrents de droite.
Une hypothèse vivement contestée par Fillon comme en témoigne cette déclaration faite sur LCI dès le mardi 9 juillet par son lieutenant Éric Ciotti : « Je le dis très clairement : rien n'entravera la détermination de François Fillon. » Traduire : soit Sarkozy se pliera au processus des primaires, soit il devra faire cavalier seul tandis que Fillon affrontera les autres postulants UMP dans le cadre du processus voté par les militants. Qu’on se le dise : derrière les sourires de façade et la belle unanimité affichée lundi après-midi, les couteaux n’ont pas été remisés à l’UMP.
En admettant que Sarkozy ait une chance de faire le ménage dans les rangs de la droite pour réendosser le costume du champion indiscutable, encore devrait-il affronter un problème de taille qui n’est pas sans réjouir les « amis » Fillon, Juppé, Kosciusko-Morizet ou Le Maire, tous potentiels candidats à la candidature : selon un sondage Ifop réalisé pour le Journal du Dimanche, 59 % des Français (chiffre inchangé) continuent de se déclarer opposés à un retour de Sarkozy en 2017. Un rejet cinglant qui mord largement dans les rangs de l’électorat de droite ! En conclusion, et pour reprendre une triviale expression populaire, que ce soit dans le domaine des affaires ou sur le plan électoral, Sarkozy n’a pas le cul sorti des ronces !
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