Ségo, c’est plus fort que toi !
Ségolène Royal,
nouveau produit marketing au sommet de la courbe des intentions d’achat, à
laquelle je cède généreusement mes prétentions sur le slogan (détourné des
consoles de jeu Sega) qui sert de titre à cet article, sera prochainement
« guignolisée », sa marionnette étant déjà dans les cartons. La
nouvelle pourrait paraître anecdotique, pourtant, elle est loin de l’être. Si
certains hommes politiques ou artistes s’étouffent d’indignation quand on les
caricature (ce qui, en général, ne fait qu’attiser les moqueries), d’autres,
plus sagaces, ont bien compris que c’est pour eux une forme de consécration,
qui peut parfois se transformer en promotion.
Une consécration
d’abord, parce que ce faisant, le caricaturé s’implante de manière plus
profonde et durable dans le bestiaire populaire, ce qui est une condition
indispensable pour exister petit à petit, surtout auprès de ceux qui, très
nombreux, ne prêtent qu’une attention superficielle à la question. L’ancrage
est ainsi assuré, et ceci, malgré une absence réelle
d’ « épaisseur » politique. Concernant Ségo, cette absence d’épaisseur
a déjà été maintes fois avancée ici-même, mon propos n’est pas de l’évaluer,
mais de noter que c’est loin d’être une faiblesse de marketing, bien au
contraire. Le procédé est bien connu des publicitaires depuis longtemps : avant
de vous révéler l’identité d’un produit, on vous le placarde en gros pendant
quelques jours, histoire de vous faire mariner un peu et de vous donner envie
de savoir ce qu’il y a derrière (« Demain, j’enlève le bas », vous
vous rappelez ?). Après le slogan sans grand rapport avec le produit vendu
(style : « la force tranquille »), l’appât en forme de devinette
entre en politique. Un moyen très malin pour se procurer de la tranche de
cerveau disponible en retardant stratégiquement le besoin de se positionner
clairement. Il ne reste plus qu’à fixer le tableau au mur, fonction remplie par
les sondages et, maintenant, la « guignolisation » (sans présumer
d’aucune préméditation de cette dernière).
Promotion, ensuite,
même si, pour Ségolène Royal, seul l’avenir nous le dira. Car même sous la
caricature ou le dénigrement, les préférences des auteurs des « Guignols »
peuvent non seulement transparaître, mais clairement peser sur le jeu
électoral. Rappelons-nous, c’était en 1994-1995 : Edouard Balladur au
zénith des intentions de vote, Jacques Chirac au nadir. L’affaire semblait
« pliée », mais tout le bel édifice s’affaisse inexorablement au
cours de la campagne électorale. Revisitée par des Guignols au sommet de leur
forme, celle-ci s’est transformée en affrontement entre "Couille-Molle"
le Ganelon en gants blancs (et son âme damnée Sarko) d’une part, et d’autre
part, "Pile-Poil", brave gars abandonné, un peu maladroit et un peu
filou, sorte de pied-nickelé qui aime les pommes, les vaches et la tête de veau. On se rappelle
sans peine lequel a franchi -« pile poil »- le cap du premier tour. (Les
Guignols modifieront par la suite le personnage, entre autres pour lui faire enfiler le collant d’un justicier sans peur ni reproche qui accourt à
l’appel de Supermenteur.)
On le voit, il n’y a
pas que durant la campagne de 1981, avec ses images subliminales (et illégales)
de Mitterrand, que les messages inconscients s’insinuent dans notre jugement. Passé
révolu, influence négligeable, me diriez-vous ? Voire... Laquelle
trouvez-vous la plus sympathique parmi les marionnettes des
« présidentiables » actuels ? Celle du roquet vindicatif agitant
un kärcher en vociférant, ou celle du mannequin pour sous-vêtements sexy qui,
« le brushing dans le vent », fait fantasmer les dames ? Et donc, saurez-vous,
le moment venu, faire la part de cette influence subconsciente qui s’imprime
sur vos tranches de cerveau martelées par les spasmes du rire ?
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