Ségolène, la fille de La Rochelle
Le parachutage est un sport dangereux, surtout pour ceux qui restent en dessous.
Ségolène, la fille de la Rochelle
Les médias ne cessent de s’inquiéter à propos du sort réservé à Ségolène Royal sise à La Rochelle, sympathique port de pêche et de plaisance de la côte atlantique.
Pour la petite histoire, il faut savoir que la présidente de la région Poitou-Charentes lorgne sur cette circonscription depuis fort longtemps.
Être député des Deux-Sèvres ne correspond visiblement pas à son ambition, laquelle devrait la mener, selon elle, aux plus hautes marches de l’État.
Mais, pour avoir une influence nationale, il est plus valorisant d’être dans une grande ville.
Déjà, en 1995, elle avait mis le feu à Niort en se présentant contre son adversaire socialiste, au mépris des consignes nationales du PS. Les traces de ces combats fratricides subsistent encore aujourd’hui. La section PS du département est toujours « clivé ».
Mais la dame a de l’ambition
Parachutée au pays du chabichou au temps de Mitterrand, elle n’a guère démérité en ce qui concerne son mandat de députée.
Réactive, Ô combien, elle doit sa réélection triomphale au pays aux nombreuses petites mains, bénévoles et parfois salariées sans salaire, qui s’occupaient de répondre au courrier abondant de ses administrés.
Cajoleuse souvent, séductrice presque toujours, innovante parfois, elle a su se construire un capital confiance dans un canton rural à majorité protestante qui ne jure bien souvent que par la fidélité et l’engagement militant.
Seulement, depuis sa première campagne présidentielle de 2007, elle a peu à peu écorné son image et sa réputation de fidélité à un terroir.
L’appétit vient en mangeant et elle en a mangé. Ses millions de voix de la dernière présidentielle lui ont monté au cerveau et elle se voyait déjà, affrontant son ennemi juré lors des élections 2012.
Ses plus proches conseillers, captivés par ses déclarations autant que par les promesses de sortir de l’anonymat où leur insignifiance les a plongé, flattaient son ego, lui affirmait combien sa pensée était révolutionnaire.
À peine ont-ils tiqué lorsque, défaite en 2007, elle décidait de se représenter à la députation dans son fief de Melle.
Certains maires et amis, parmi lesquelles des maires, des conseillers généraux et régionaux, lui ont fait remarqué qu’elle se battait inlassablement contre le cumul des mandats depuis des années et que, en conséquence, il était inapproprié qu’elle sollicite celui de député alors qu’elle était déjà présidente de région. Pendant 3 ou 4 jours, la situation a été très tendue en Deux Sèvres.
De guerre lasse, et sentant qu’elle mettrait sa majorité régionale en danger, elle a confié à Delphine Batho le soin de conquérir sa circonscription, combat, on s’en doute, quasiment gagné d’avance.
C’était au temps ou Ségolène savait ravaler ses larmes et compter avec le lendemain.
Certes, avec son esprit de totale abnégation, elle a su renoncer à l’indemnité de député. Les rumeurs de l’époque sur l’augmentation de 119 %, quasi concomitante, de son « salaire » de présidente de Région sont sujettes à caution.
Des Deux-Sèvres à la Charente-Maritime
Vu de Paris et surtout de la rive gauche, le fait que Madame Royal se présente en Deux-Sèvres ou à la Rochelle ne fait pas grande différence. Il faut être aussi obtus qu’un journaliste parisien pour ne point la percevoir.
Car il s’est passé localement une petite révolution comme seule peut en susciter la province et ses multiples emballements sous-préfectoraux.
Entre 2004, date de la conquête de la Région par la députée socialiste, et 2010, il y a eu un certain enjeu local qui est passé sous silence dans les grandes rédactions.
La commission exécutive du Comité international olympique a désigné le 18 mai 2004 cinq villes acceptées comme villes candidates. Les cinq villes retenues (Paris, New York, Moscou, Londres et Madrid) ont alors entamé la deuxième phase de la procédure.
2004 et les six premiers mois de 2005 ont vu une profusion d’initiatives plus ou moins malheureuses, hasardeuses et confuses afin de mobiliser le peuple d’Île-de-France et de Poitou-Charentes en faveur de cette candidature.
À La Rochelle, les projets sur le papier flambaient déjà. Les architectes, le monde du sport et les cabinets de communication rivalisaient d’initiatives et la nouvelle présidente de Région, toute auréolée de sa première grande victoire électorale, poussait son équipe à y croire.
Si la candidature de Paris était retenue, le port de la Rochelle était désigné pour recevoir toutes les épreuves nautiques, ce qui représentait un enjeu immense pour la région Poitou-Charentes, en terme d’image, de nuitées et de retombées économiques diverses.
En Juillet 2005, Londres est retenu au détriment de Paris. Catastrophe ! Mais cette aventure laissera des traces. De là date l’amour immodéré de Ségolène pour le port de La Rochelle.
Au point, se murmure-t-il, qu’elle lorgnait sur quelques maisons et propriétés afin d’en faire l’acquisition, au grand dam des électeurs du Mellois qui voyaient s’échapper la grande dame.
Maxime Bono, maire de La Rochelle, en rotait de satisfaction puisque les investissements régionaux se portaient sans coup férir sur sa ville. Un examen attentif des comptes du Conseil Régional et de ses subventions pourrait certainement en attester.
À partir de 2007, une fois passé le choc de son échec aux présidentielles, et plus discrètement, la présidente du Poitou-Charentes investissait aussi sur l’humain en y envoyant pantoufler son ex- responsable de la communication, une transfuge de France 3 Poitou-Charentes naguère chargée de la culture sur cette antenne régionale.
Son ancien directeur de campagne de 2004, homme tout à fait sympathique, y est lui aussi très actif.
Certains membres de son équipe rapprochée, directeur de service au Conseil Régional, ont été, depuis, fort opportunément et par le plus grand des hasards, embauchés par les services de La Rochelle et de sa communauté d’agglomération.
De là à conclure que la candidature de Madame Royal à la députation de La Rochelle est une affaire de longue haleine, il n’y a qu’un pas. Mais, pour le franchir, encore faut-il savoir être libre, ce que ne sont pas les principaux éditorialistes de la presse parisienne.
Une candidature comme celle de Ségolène à La Rochelle se prépare à la manière d’une partie d’échecs, c'est-à-dire en avançant des pions.
L’Hotel de Lassay vaut bien quelques infidélités à un terroir perdu des Deux-Sèvres.
Durant la campagne fratricide des Primaires, Marie-Ségolène avait l’ambition de faire de sa Région un exemple de ce qu’elle entreprendrait lorsqu’elle serait Présidente, confinant ainsi sa collectivité au rang de simple laboratoire.
De "démocratie participative", les acteurs locaux ne retiendront que plusieurs convocations à de grands meetings (style forum de l'emploi) durant lesquels ses sbires faisaient mine de noter les idées venues du peuple. Depuis le début 2010 jusqu'aux Primaires si catastrophiques, elle a fait fonctionner son "laboratoire" à marche forcée.
Les moqueurs en région, de plus en plus nombreux, affirment que si elle a fait figurer le mot démocratie participative sur le logo de sa Région, c'est pour se souvenir parfois de sa signification.
Elle n’avait de cesse de dénoncer les cumuls de mandats, surtout envers ses concurrents mais elle passait sous silence qu’elle-même avait déjà tenté le cumul de poste. Après son échec aux Primaires, elle ne pouvait décemment virer sa dauphine Delphine Batho à Melle et lui reprendre le siège.
La Rochelle devenait alors l’évidence. Les locaux du PS, ulcéré par la manœuvre, tenteront bien de s’opposer à ce parachutage intra-régional. Déjà, la résistance s’organise.
Mais Ségolène veut le siège de Présidente de l’Assemblée, seule manière pour elle de voir perdurer son destin national. De là, son engagement dans la campagne au côté de François Hollande.
« Je ne reste pas enfermée dans mon obsession présidentielle. Il faut avoir la force d'âme de se dire qu'un échec, c'est l'ouverture d'autres possibles (sic) ».(Le Monde, 6/2/2012)
Les calculs sont faits, les marchandages sont élaborés depuis le premier tour des Primaires. Ségolène veut son poste de prestige en échange de son dynamisme lors de la campagne de François Hollande.
Mais ce poste passe par une victoire dans une circonscription plus médiatique. Les prochains mois vont voir un déluge d’initiatives régionales en faveur de la capitale de Charente-Maritime.
Hommes et femmes, petites mains, valets de pied et porte-cotons vont se précipiter au chevet des Rochelais qui n’en demandent pas tant, vu que leur ville est déjà bien pourvue et assez bien gérée par Maxime Bono.
Six jours après son investiture officielle par les instances parisiennes du PS, et un peu avant la clôture des listes électorales, Ségolène signait un bail de location à La Rochelle.
Les politiques, de gauche comme de droite, ne font pas un métier facile. Cela les oblige à de constants déménagements en fonction des mandats et des ambitions.
Tant que les électeurs tolèrent ces fidélités successives, pourquoi se gêner ? Après tout, mondialisme et délocalisation aidant, nous sommes à l’heure de la mobilité géographique.
Ce sport politique qu'est le parachutage y participe, autant à droite qu'à gauche. Même l'extrême droite a été touchée par le phénomène. Mais, pour ce parti, c'était surtout pour des raisons financières.
Si François Hollande remportait le match du joli mois de Mai, la Présidente de l'Assemblée Nationale serait une femme. Ce serait une belle chose. Qu'importe si la manière de parvenir à ce poste n'aura pas été d'une grande élégance.
"Faire de la politique autrement" est un très bon slogan de campagne. Pour ceux qui veulent encore y croire...
Hubert Arnandeau
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