Ségolène, le dindon de la farce
Retour en plan média serré pour l’ex-candidate ratatinée par Sarkozy en mai dernier. Ségolène Royal, très drivée par Dominique Besnehard, revient dans un livre confession sur son échec, son adversaire, son ex-compagnon, ses faux amis et ses croyances. Innocent et drôle, comme d’habitude.
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH300/royal_livre-0de7c.jpg)
Dans une dizaine de jours, la poitevine enflammée devrait faire Ruquier, On n’est pas couchés, et on attend presque ça avec impatience. De la voir répondre à Zemmour, bien sûr, de l’entendre aussi s’expliquer un peu sur le contenu de son dernier pensum, Ma plus belle histoire, c’est vous, qui sort aujourd’hui. Un ouvrage censé annoncer le vrai grand retour de l’ancienne candidate, déjà pourtant très présente malgré elle pendant la rentrée littéraire, qui s’est muée en curée pour celle que les éléphants socialistes avaient choisi d’ériger en responsable unique et totale de l’échec lamentable de leur parti. Royal sacrifiée avec raison parfois, avec exagération d’autres fois, par des seconds couteaux revanchards ou des vieux chevaux usés qui voyaient là une ultime manière d’exister encore, ou de faire comme si. Royal éreintée, Royal insultée, Royal vilipendée, mais Royal pas morte, assez en forme en tout cas pour entamer quelque action en justice, de ci de là, pour asséner quelque pique, aussi, même si l’exercice ne lui est pas familier, ça se voit. Ca se lit.
Aujourd’hui, donc, les conseillers en communication de la petite dame en blanc, ont décidé que c’était le moment idéal pour réapparaître. La tempête passée, l’ouragan calmé, ils ont choisi cette période d’avant les fêtes de fin d’année, au moment où tout un chacun se rend en librairie pour acheter le cadeau à la mémé ou le beau livre sur les chevaux au pépé, ou le Goncourt à la belle-mère, au moment où le client calcule ses frais pour garder quand même quelque pécule pour les soldes de janvier, Ségolène déboule donc, toutes affaires cessantes, avec un livre au titre déjà raté, Ma plus belle histoire, C’EST VOUS, notez la majuscule, qui accentue grandement le côté nunuche de l’ex-candidate. Faire appel à Barbara, aigle noir, pour annoncer son retour aux affaires, on peut faire mieux. Surtout, il y a cette connotation « show-biz », la plus belle histoire (d’amour) de Barbara étant le public, comme chacun sait. Serait-ce que Ségolène estime que la politique est un spectacle comme un autre ? Que l’électeur n’est qu’un public à conquérir ? Et puis, sa « plus belle histoire », c’est une façon de parler, espère-t-on, s’agissant d’un échec assez retentissant.
Dans cette « plus belle histoire », donc, Ségolène, nous raconte tout, ou presque. Ses ennemis au sein du parti, son équipe de proximité, fidèle et franche, dans laquelle on comptera Chevènement, Dray, Rebsamen et Bernard-Henri Levy, que la dame salue pour sa constance et sa loyauté. Les éléphants, eux, l’ont emmerdée, n’ont eu de cesse de lui mettre des bâtons dans les roues : la dame parle de « tours pendables » de ces « peu recommandables cerbères ». Rien que ça. Sur l’incompétence, elle répond « oui, mais » : elle déclare avoir été « mieux préparé qu’on ne l’a dit, mais sans doute moins qu’il ne faut ». Un peu plus loin, Royal avoue n’être « ni Jeanne d’Arc, ni la Vierge Marie », on ne demande qu’à la croire. Peut-être un peu Danièle Gilbert, alors, quand elle écrit, à la fin du bouquin « un jour, nous nous retrouverons ». Danièle Gilbert, et un peu aussi Thierry Le Luron, qui avait chanté « nous nous reverrons un jour ou l’autre ».
Mais là où l’ouvrage nous tire plusieurs larmes (de rire), c’est évidemment quand elle raconte son entrevue ratée avec le de Gaulle du MoDem, François Bayrou. Un rendez-vous quasi secret, presque la scène du balcon, avec un Roméo centriste très inquiet qu’on les voie ensemble (« Non, non, ne montez pas, il y a du monde dans la rue »), alors même que la conquise Juliette socialiste note qu’à cette heure-là il n’y a « pas un chat dans cette rue tranquille du 7e arrondissement ». Pas un chat, mais suffisamment de risque pour Bayrou qui décline l’invitation, et c’est là où c’est hilarant sous la plume de Royal « comme un amoureux qui craint la panne ou un adultère risqué ». Un amoureux qui craint la panne. Il n’y avait que Ségolène Royal pour trouver pareille formule. Le nouveau leader du désert Démocrate aurait accepté la proposition de Royal de devenir son Premier ministre en cas de victoire de celle-ci. Mais Bayrou aujourd’hui dément, assurant n’avoir jamais rencontré Royal (ce qui semble vrai) en secret chez lui, et affirmant avoir refusé la proposition Matignon. Royal, elle, est claire, et emploie la même expression, comme c’est étrange, de Cavada, presque mot pour mot, au sujet de Bayrou : « Le cheval a reculé devant l’obstacle » (Cavada avait, lui, déclaré que Bayrou avait « un tempérament qui lui fait refuser l’obstacle de la décision »).
Fabuleuse Mme Royal ! Indispensable Ségolène, qui sait, seule, employer les mots qu’elle pense pour narrer la petite histoire politique du pays ! Bayrou craignait la panne ! Ou un adultère risqué ! C’est-à-dire de tromper... qui ? Sarkozy ? Sa vraie famille politique ? Que d’élégante manière ces choses-là sont écrites... Et c’est ainsi qu’on peut être relativement content, si ce n’est très heureux, d’apprendre que la reine du Poitou, la sainte patronne des agneaux qui voulait raccompagner toutes les femmes flics chez elle le soir, d’apprendre que la meilleure amie du monde de Menucci va encore quelques années au moins nous amuser beaucoup en pensant à 2012.
Et Hollande dans tout cela ? Il n’est pas oublié. Ségolène pleure un peu son absence quand même, l’absence de son épaule surtout, et avoue qu’il a essayé de revenir, mais qu’elle n’a pas voulu. Et ce n’est même pas là de l’indécence, non, juste une autre marque de la pensée Royal, cette naïve et désarmante façon d’apparaître nue, de temps à autre, offerte à toutes les railleries, disponible à tous les mauvais vents. On voit là toute la stratégie des communicants qui l’entourent : la volonté de dresser le portrait d’une autre forme de politique, moins carrée, moins rompue aux codes, moins « énarque » que celle qui triomphe aujourd’hui. Ségolène Royal n’a pas une langue de technicienne, elle n’est pas une professionnelle du débat, il lui arrive de perdre ses nerfs, mais tout cela est calculé, toute cette fragilité apparente est là pour faire « vrai », pour sonner « authentique », pour du même coup trancher radicalement avec l’efficacité froide, un brin inhumaine et totalement pragmatique des gouvernants actuels. Ainsi à une succession de livres « anti-Ségolène » tous très politiques, elle répond par un ouvrage romantique, sinon romanesque, qui est volontairement à côté de la plaque.
Ségolène Royal, et tous ceux qui
l’entourent, qui la façonnent, savent qu’elle ne sera jamais un animal
politique du calibre de Sarkozy. Là où leur chemin se séparent, c’est que si
elle semble persuadée qu’un jour ces animaux malades du pouvoir s’éteindront,
et qu’elle prendra naturellement leur place, ceux qui s’occupent de son image,
eux, sont évidemment convaincus qu’elle
n’arrivera jamais à ses fins, mais qu’elle peut au moins, quelque temps encore,
leur rapporter de l’argent. Un dindon, une farce.
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