Ségolène Royal-André Boisclair, même combat ?
Petit clin d’œil de l’histoire, le Québec et la France vont en élection pratiquement au même moment cette année. Alors que le premier tour de l’élection présidentielle française approche, le Parlement québécois est convoqué en assemblée extraordinaire la semaine prochaine, sans doute pour déclencher des élections au printemps. Deux candidats sont l’objet de beaucoup d’attention, peut-être plus que les autres, Ségolène Royal, candidate du PS français et André Boisclair, patron du PQ québécois. Or, ces deux-là ont un certain nombre de points communs, que cet article souhaite mettre en lumière, puisque l’on pourrait, des deux côtés de l’Atlantique, voir se jouer la même bataille... ou presque.
Préambule. Avant toute chose, je tiens à préciser que je ne suis pas un politicien émérite, mais un simple citoyen observateur, aussi prié-je par avance les lecteurs plus avertis que moi de me pardonner certaines comparaisons qu’ils jugeraient hâtives. Elles n’ont pour but que d’essayer d’expliquer le propos simplement.
Plus grand monde n’ignore en France qui est André Boisclair, le leader souverainiste, en visite à Paris il y a quelques semaines, et qui fut à l’origine d’une polémique autour des propos de la candidate socialiste sur l’indépendance du Québec. Cependant, pour ceux qui ne seraient pas familiarisés avec le paysage politique de la Belle Province, il convient de dresser sommairement un état des lieux. Le PQ est en général qualifié de parti social-démocrate. Bien entendu, la défense de la souveraineté du Québec, aspect indissociable de la politique québécoise, est son premier cheval de bataille, sa raison d’être. Cependant, sur les idées sociales, économiques et culturelles, si on le transposait en France, il se situerait à peu près de la moitié droite du PS jusqu’à la gauche de l’UMP en passant par l’UDF. En gros.
Le PQ est actuellement dans l’opposition, face au PLQ, un parti fédéraliste, dont les idées économiques et sociales sont plus conservatrices. Le paysage politique québécois est par ailleurs complété par un parti franchement de gauche (Québec Solidaire) et un parti conservateur de droite, l’ADQ. En gros.
Voilà pour la mise en contexte.
Comment et pourquoi comparer le leader souverainiste québécois et la candidate socialiste française ? Parce qu’ils sont étrangement proches, dans leurs personnes, dans ce qu’ils incarnent et dans les défis qu’ils ont à affronter.
Tout d’abord, ils sont tous les deux plutôt jeunes sur leurs échiquiers politiques respectifs : Mme Royal est née en 1953 et M. Boisclair en 1966. Par leur jeunesse, ils incarnent dans la population le changement actuel de génération des responsables politiques. Ils ne sont pas les seuls, à cette « nouvelle » génération appartiennent aussi Nicolas Sarkozy, François Bayrou ou Mario Dumont (leader de l’ADQ). Cette jeunesse les rend plus proches des nouvelles générations d’électeurs et ils bénéficient donc tous les deux d’un bon soutien chez les jeunes, militants ou neutres. Lors des campagnes internes à leurs partis, ils ont dû affronter des responsables politiques plus âgés qu’eux, chevronnés, incarnant plus souvent la tradition du parti (DSK et Fabius d’un côté, Pauline Marois de l’autre). Cette jeunesse a aussi fait que leurs adversaires les ont qualifiés d’immatures ou d’inexpérimentés. Ceci dit, les deux avaient des expériences gouvernementales et ont d’ailleurs été ministres de l’Environnement.
De plus, ils ont tous les deux une « caractéristique personnelle » qui peut les desservir sur leur échiquier politique respectif, mais qui aussi représente un avantage dans l’incarnation du changement. Ségolène Royal est une femme, dans un pays réputé macho sur le plan politique, et André Boisclair est ouvertement homosexuel, dans une province qui porte encore une trace très forte de conservatisme catholique. Dans les deux cas, leur élection représenterait une première. Donc, les deux incarnent aux yeux de leurs partisans mais aussi de leurs détracteurs un changement important, pour ne pas dire radical, dans le style de dirigeant potentiel.
Ségolène Royal et André Boisclair ont également tous les deux été élus par de forts mouvements populaires à l’intérieur de leurs partis. Dans les deux cas, le nombre de nouvelles adhésions a fortement augmenté au cours de la campagne interne et les nouveaux venus, jeunes pour la plupart, sont à l’origine de leur élection. Ceci au grand dam des responsables traditionnels et des militants de longue date, qui ont parfois l’impression d’un « hold-up » de gens extérieurs au parti.
Sans doute, l’incarnation du changement associée à des physiques « passant bien dans les médias » ont-ils joué un rôle important dans ces vagues de sympathie. Les deux ont d’ailleurs été accusés de n’être que des images médiatiques, des « gravures de mode », des produits marketing.
Autre caractéristique commune, ils ont tous les deux la réputation d’être autoritaires (trait de caractère néanmoins partagé par de nombreux politiciens, peut-être même une condition essentielle) et de ne pas accorder assez d’importance à l’avis de leurs conseillers respectifs. Cet aspect de « joueur solo » peut d’ailleurs être à l’origine de certains faux pas dont l’un et l’autre ont été victimes. Ceux de Mme Royal sont archi rebattus sur AV donc je ne m’y attarderai pas. M. Boisclair a lui notamment défrayé les manchettes pour avoir consommé de la cocaïne alors qu’il était ministre et plus récemment, pour avoir participé à un sketch satirique, parodie de Brokeback Mountain, mettant en scène le Premier ministre du Canada Steven Harper et Georges W. Bush. Il a été alors vivement accusé de manquer de jugement et en garde depuis une certaine image de gaffeur.
Les deux sont challengers dans la course aux électeurs et traversent une crise de confiance. Ségolène Royal peine à convaincre à l’extérieur du PS et André Boisclair est critiqué même au sein de sa famille politique. Dans son cas, les critiques sont venues de l’ancien Premier ministre, chef du PQ, Bernard Landry. Un peu comme si Lionel Jospin faisait une sortie contre Mme Royal. Certains se demandent s’ils ont les compétences nécessaires pour les fonctions qu’ils briguent. Il semble même que l’un et l’autre puissent être vus comme des repoussoirs par certains électeurs non affiliés et d’aucuns, des deux côtés de l’Atlantique, se demandent s’ils servent ou desservent ceux qui les souhaitaient si ardemment. Cela bien sûr reste à voir.
En conclusion, la similitude des situations personnelles de ces deux candidats et de leurs positions respectives par rapport à leurs supporters et détracteurs, celle des espoirs qui les ont amenés là où ils sont et celle des critiques dont ils font l’objet actuellement rendent très intéressantes les élections simultanées au Québec et en France. On pourra ainsi voir si deux scénarios (presque) semblables aboutissent à deux conclusions différentes, ou si l’aventure de l’un sera celle de l’autre. Les socialistes français, qui seront vraisemblablement les seconds à affronter les électeurs, pourraient garder un œil sur ce qui se passera bientôt le long des rives du Saint-Laurent.
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