Ségolène Royal : parachutage ou chute aidée ?
Le parachutage électoral est un sport dangereux. Ce qui peut être démontré par de multiples exemples à l'occasion du premier tour des élections législatives. Mais le cas Ségolène Royal est probablement le plus complexe. Car elle a déjà une longue carrière de « nomade ».
Elle a été conseillère municipale de Trouville-sur-mer (Calvados 1983-86) puis de Melle (Deux-Sèvres 1989-95) enfin de Niort (Deux-Sèvres 1996-2001) où elle ne parvient pas à devenir maire, malgré l'investiture du Parti socialiste local : elle échoue face au maire socialiste dissident sortant Bernard Bellec.
Elle souhaite être candidate aux législatives de 1986 mais elle n'est pas investie par les socialistes locaux et notamment Louis Mexandeau. Elle obtient de François Mitterrand la deuxième circonscription des Deux-Sèvres, réputée ingagnable pour la gauche et est élue au second tour par 50,57% des voix en 1988. Et ensuite réélue plusieurs fois.
Elle a été ministre à plusieurs reprises, notamment de Lionel Jospin qui ne passe pas pour le meilleur de ses amis ...
En 2004, elle devient présidente du conseil régional de Poitou-Charente, fief du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin . En 2006, elle annonce qu'elle ne se représentera pas à la députation, pour éviter le cumul de mandat avec présidente du Conseil régional. Elle est remplacée par sa suppléante,
Surtout, elle est candidate à l'élection présidentielle en 2007. Lors de la primaire, elle a humilié les deux « hommes » (« qui va garder les enfants ? »), DSK et Fabius, qui se pensaient « candidats naturels » à cette fonction. Il n'est pas sûr qu'eux et leurs amis aient oublié et pardonné. On a simplement noté que le PS ne s'est pas fortement mobilisé derrière sa candidate.
A la suite de sa candidature à la présidence de la République, elle a pensé être légitime pour le poste de secrétaire nationale en vue de la présidentielle de 2012 mais la ligne « tout sauf Ségolène Royal » a prévalu au PS. Elle a donc été battue par Martine Aubry de 42 ou 102 voix....
Persévérante dans l'adversité, elle s'est présentée à la primaire pour la présidentielle qui a sélectionné pour le second tour Martine Aubry, secrétaire nationale du PS, et François Hollande, ancien secrétaire national et père de ses enfants. Qui sera candidat du PS, auquel elle apporte rapidement son soutien, et finalement élu.
En 2012, Ségolène Royal, présidente de la région Poitou-Charente, ancienne élue de la deuxième circonscription des Deux-Sèvres, décide de se présenter, avec l'appui de l'appareil du PS mais sans consultation des instances locales du parti dans la première circonscription de Charente-Maritime. Elle passe donc d'une circonscription à une autre dans la région qu'elle préside. C'est un parachutage très relatif mais ressenti comme tel car sans consultation des militants locaux.
En plus, elle annonce que, si la gauche obtient la majorité et si elle est élue députée, elle se présentera à la présidence de l'Assemblée nationale. Une nouvelle façon de se faire des amis en essayant d'asseoir sa candidature sur l'opinion publique et non sur le parti ou sur le groupe parlementaire... Mais Jean Glavany (ami de Lionel Jospin) et Jack Lang (encore un « nomade ») sont aussi intéressés par ce poste.
C'est dans ces circonstances qu'elle se retrouve au second tour de l'élection législative avec 32,03% des voix face au socialiste local, Olivier Falorni, exclu du PS, pour son indiscipline (28,91%).
Ségolène Royal a donc eu un parcours agité de militante, de ministre, de conquérante qui ne lui a pas fait que des amis pour des questions politiques ou caractérielles et, aujourd'hui, sentimentales.
C'est à la lumière de ce passé qu'il faut lire les prises de position actuelles qui ne sont pas toutes à prendre au premier degré. Certains ne peuvent se dérober sous peine de faire naître le soupçon : le président de la République, la 1ère secrétaire du PS Martine Aubry, son ex-rivale au congrès de Reims. Pour la ministre Cécile Duflot, c'était le moins, comme signataire de l'accord PS-EELV qui lui a ouvert une place de parachutée (sans dissidence, elle a pris la députée sortante PS comme suppléante)...
Localement, le PS est divisé entre ceux qui soutiennent le dissident, « régional de l'étape » et les légitimistes. En sous main, nombreux sont ceux qui ne seraient pas fâchés d'un échec qui la « remettrait à sa place » dont elle n'aurait jamais du sortir...
Bien entendu, ils ont fortement aidés par la droite locale et nationale. Car focaliser l’attention des médias sur la chute, éventuelle, de la présidente de Poitou-Charentes amortirait, un instant, la défaite de la droite, et bloquerait la volonté éventuelle de François Hollande de faire de Ségolène Royal, la première présidente de l’Assemblée nationale.
Le soutien apporté par la compagne de François Hollande au concurrent, socialiste « dissident », de Ségolène Royal n'arrange pas les choses et a fait passer, toutes affaires cessantes, le réchauffement climatique, le discours de Hollande au Conseil économique, social et écologique, la dégradation de l'Espagne, les rencontres européennes sur la crise... aux oubliettes. Un conseiller de l’Élysée qui répondait aux questions du Monde : "Je m'attendais à des crises gouvernementales, pas conjugales. C'est hallucinant."
Bien entendu, ce mélange de rancœurs privées et politiques ne rendent pas service à la volonté de François Hollande de « normaliser » sa présidence. Arnaud Montebourg avait dit en 2007 : « Ségolène Royal n'a qu'un seul défaut. C'est son compagnon. » On pourrait retourner la proposition et dire aujourd'hui : « François Hollande n'a qu'un défaut, ce sont ses compagnes ». Il ne fait pas de doute qu'il devra se consacrer à apaiser l'une et à réconforter l'autre. Par un lot de consolation si elle est battu à La Rochelle.
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